A Rising Star

Chapitre 2

Elle s'éloigne de moi et franchit la porte de l'échoppe. Il me faut quelques minutes pour assimiler ce que je viens de vivre. Joan Bergman. Elle doit bien détenir le marché hollywoodien. Je sais que tous les réalisateurs se l'arrachent. Ils la veulent pour leurs films. Tout le monde sait que si Joan Bergman joue dans votre film, vous gagnez le jackpot. Et elle se trouvait à quelques centimètres de moi il y a deux minutes. Qu'est-ce qu'elle fait ici ? A New York ? Je sors une nouvelle cigarette de mon paquet et me dirige vers Ray pour avoir plus d'informations.

"T'as vu, Ray ? C'était Joan Bergman", dis-je en laissant échapper la fumée de ma bouche.

Il ne semble pas comprendre directement de quoi je parle.

"La jeune femme qui vient de sortir ?", me crie-t-il.

Je hoche la tête en regardant vers la rue.

"J'connais pas cette Joan Bergman..."

Je me retourne vers lui, surpris qu'il ne sache pas qui elle est. C'est la star d'Hollywood, Ray !

"Tu sais, Marlon. J'ai bien vu comment tu regardais cette fille et comment elle te regardait. Ça a l'air d'être un sacré coup !"

Un long soupir s'échappe de ma bouche. Ray s'est encore trompé, il ne parle pas de la bonne fille. Il est clair que Joan ne me draguait pas et je ne le faisais pas non plus, j'étais trop surpris pour le faire. Puis, il me fait signe de m'approcher de lui, comme s'il voulait me chuchoter quelque chose à l'oreille, mot qu'il ne connaît pas.

"Mon gamin, si ça peut t'aider, elle vient ici tous les deux jours depuis trois semaines. Elle fait un tour, achète parfois quelques fruits et s'en va. Elle revient à la même heure deux jours plus tard."

En entendant ce qu'il vient de me dire, je m'empresse de regarder l'heure qu'il est. Peut-être qu'en revenant dans deux jours à la même heure, j'aurais encore la chance de lui parler et peut-être de me faire davantage remarquer. Avec les relations qu'elle doit avoir, ça ne doit pas être compliqué de se dégoter un rôle.

"Merci Ray", dis-je en prenant une autre bouffée de cigarette.

Je quitte le petit magasin après avoir acheté de quoi manger. Cette journée qui s'annonçait désespérée s'est finalement révélée être intéressante. A vrai dire, je n'en reviens toujours pas. Je n'ai jamais eu de chance dans mes relations, à part avec Stella. J'ai toujours dû me débrouiller tout seul pour dégoter des petits rôles et cette fois-ci, je pourrais tomber sur un rôle beaucoup plus important que les précédents...

Après avoir déposé mes courses dans mon appartement miteux, je retourne dans le froid glacial pour aller voir Stella et lui raconter ma matinée. Elle n'en croira pas un mot. Je franchis la porte de son studio et salue les différents élèves présents.

"Salut, mon cœur", me dit Stella en me voyant entrer.

Elle m'embrasse sur la joue et m'inspecte de la tête aux pieds.

"Bonjour Stella", lui répondis-je en l'embrassant à mon tour.

Je n'ai jamais vraiment compris ce qui m'attirait chez Stella. Elle est mon ainée de plus de vingt ans, mais je sais que ma présence anime quelque chose en elle et que la sienne fait de même chez moi. Il y a un lien que je ne sais décrire entre nous.

"Nous avons un cours aujourd'hui, je croyais que tu ne viendrais pas."

En l'entendant prononcer cette phrase, je me remémore notre dernière soirée qui date d'il y a quelques jours. Comme tous les vendredis, j'ai pour habitude de la retrouver dans son appartement pour ensuite aller dîner. Je rentre dans sa chambre pendant qu'elle se prépare pour sortir ; je la regarde s'habiller. Souvent, je la trouve assise à sa coiffeuse en culotte et en soutien-gorge, et elle a l'habitude de rapidement se couvrir quand elle me voit entrer.

"Marlon, s'il te plait, chéri. Je m'habille."

Et j'ai ensuite pour habitude de répliquer :

"C'est bien pour ça que je suis là, pour être sûr que tu t'habilles de façon convenable."

Parfois, il m'arrive même de poser mes mains sur ses seins, avec un demi-sourire sur les lèvres. Elle menace de me gifler quand je le fais, mais je sais pertinemment qu'elle aime ça.

Je souris à cette pensée, et m'installe sur une chaise afin de suivre son cours. Je lui raconterai mon aventure de ce matin quand nous serons seuls...

Stella s'assied aussi sur sa chaise et commence à parler :

"Le jeu d'acteur, c'est explorer sa propre mécanique affective. Comprendre la nature de ses émotions est la clé pour comprendre celle d'autrui. Il faut être vrai, très chers ! Ne pas tricher, ne pas essayer de rendre une émotion dont vous n'avez jamais fait l'expérience."

Je souris à son conseil. Sa méthode est parfaite, quoi de mieux que d'être naturel pour jouer un rôle ? Stella l'a très bien compris. Elle continue son discours pendant que j'observe les personnes présentes dans la salle et m'adonne à mon jeu favori, peut-être la seule chose pour laquelle je suis doué. J'éprouve une curiosité profonde pour les autres. Je veux les comprendre, leurs sentiments, leurs émotions, leurs mobiles et je veux les imiter. Généralement, je n'éprouve pas de grandes difficultés à percer les gens à jour mais quand une personne me résiste, je n'hésite pas à la suivre jusqu'à ce que j'en trouve la clé.

Ensuite, je me retourne vers Stella et l'observe elle aussi. C'est une personne plus difficile à déchiffrer, elle sait jouer avec ses émotions. Mais l'apparence ne peut pas être trompée. Malgré sa belle chevelure blonde et ses yeux bleus, on peut sentir une certaine amertume. Stella est une comédienne fantastique, mais on ne lui a jamais donné sa chance. Elle est passée à côté de la célébrité et cela l'a aigrie. Elle n'en parle que très rarement, mais comme je l'ai dit, l'apparence ne peut pas être trompeuse.

A la fin du cours, je descends vers elle en tenant une cigarette du bout des lèvres.

"C'était très intéressant, Stella. Tu auras de futurs prodiges", dis-je en lui faisant un clin d'œil.

Elle passe sa main dans ses cheveux, légèrement gênée.

"Marlon, toi et moi, nous savons que le jeu d'acteur ne fait pas tout. La chance doit aussi être présente."

"Je pense qu'on peut la gagner cette chance.", rétorqué-je en souriant.

Il est clair que ma vision de la chance s'est modifiée depuis ce matin. Elle est à portée de main.

"J'ai rencontré Joan Bergman ce matin"

En m'entendant prononcer ces mots, elle manque une respiration.

"Que dis-tu ? Elle est à New York ? J'aimerai tellement la rencontrer. Son jeu d'acteur est unique, je suis sûre qu'elle doit avoir des conseils en or.", me dit Stella, ne sachant plus où donner de la tête.

Je ris en voyant la fameuse étincelle que j'aime tant dans son regard.

"Je pense pouvoir la croiser à nouveau dans quelques jours, mais elle doit sûrement être très occupée. Peut-être qu'elle est sur un projet pour le moment, ce qui expliquerai sa venue à New York."

Elle hoche la tête, perdue dans ses pensées. Elle doit s'imaginer toutes les opportunités qui pourraient se présenter à elle si elle avait la chance de la compter dans ses amis.

"Merci chéri", finit-elle par dire en s'approchant de mon visage.

D'un regard discret, je m'assure que tous les élèves sont partis et je lui glisse un léger baiser sur le bout des lèvres. Notre relation s'est toujours arrêtée à ça et je ne compte pas la rendre plus sérieuse. J'aime lui offrir cette amourette.

Je m'éclipse de son studio et sors à nouveau dans la rue. Son cours a duré longtemps et j'ai perdu du temps dans la recherche d'un rôle. Il va falloir que j'accélère et que je fasse du porte à porte. En voyant mon frigo vide ce matin, j'ai réalisé qu'il me fallait n'importe quel rôle pour le moment. La future offre de Joan Bergman n'est pas pour tout de suite, il va falloir que je travaille là-dessus un petit temps avant que cela ne me rapporte de l'argent.

Après plusieurs heures de recherche, je finis par déboucher sur une petite salle de théâtre en retrait de la rue. Je l'avais déjà vu, mais je n'y avais jamais vraiment prêté attention. C'est une salle de théâtre, tout ce qu'il y a de plus banal. Mais cette fois-ci, quelque chose me dit d'y aller. Un évènement va se produire.