La vente

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Dans une manufacture industrielle délabrée, des jeunes filles de quinze à trente ans travaillent comme des forcenées dans des conditions déplorables. Ces travailleuses ont toutes une particularité; leur peau est noire. Une peau noire qui leur cause énormément de soucis. D'abord elles travaillent toutes illégalement, sans papiers. Ensuite elles sont traitées comme des chiens par les gardiens de l'usine. Et par dessus le tout elles doivent se lever à cinq heure le matin pour finir à vingt-trois heure le soir. Une vie affreuse. Mais aujourd'hui, le destin de quelques-unes d'entre elles va changer. Elle sont entrain de trier par ordre de taille les cartouches de fusils destinées à l'armée, quand une trentaine d'hommes à l'allure militaire, envahissent la grande pièce. Ils en forcent certaines à se lever puis leur attachent les mains dans le dos à l'aide de menottes. Ils ne prêtent attention qu'aux filles les plus jeunes et qui ont l'air en bonne santé. Parmis elles, une jeune fille de dix-sept ans prénommée Bahissé, ou plutôt numéro 246 est levée de force et des mains sont emprisonnées dans deux cercles en métal reliés d'une chaîne. C'est la panique. Tout le monde crie, essaie de se sauver, les balles fusent... Les soldats entraînent une vingtaine de filles hors de l'usine. La dernière image qu'aura Bahissé de son lieu de travail sont les cadavres de ses amies les plus âgées à terre.
Elles embarquent de force dans un vieux train rouillé. Le soldat qui a escorté Bahissé dans le wagon la pousse vers un siège.
- Aller assieds-toi !
Elle s'exécute et n'ose pas réconforter son amie qui est en face d'elle et pleure toutes les larmes de son corps. Un autre homme perd patience.
- Arrête de chialer toi! Tu nous casses la tête!
La malheureuse essaie tant bien que mal de retenir ses larmes, mais explose à nouveau deux minutes plus tard. Le même homme la gifle, ce qui la fait taire mais Bahissé, choquée par la violence du geste ose élever la voix envers le mauvais.
- Hé! Qu'est-ce qu'il vous prend ?!
- Quoi, t'en veut une aussi sale négresse?
À part montrer à sa tête qu'elle est énervée, Bahissé ne pu rien faire d'autre de toute la route.
Trois  heures plus tard environ, le train s'immobilise.
-Allez-y lève toi on a pas toute la journée ! dit un soldat à la jeune fille. Étrangement, aucun autre acte de violence ne fut à signaler. Une fois descendues, les jeunes filles sont stupéfaites. Elles se demandent sans doutes si c'est bien ce qu'elle voient qui s'étend en hauteur devant leurs yeux. Un grand amphithéâtre. C'est magnifique avec le soleil levant. On voit de l'extérieur qu'il est bondé de monde. De la musique et de voix enjouées impossibles à déchiffrer sortent de l'énorme bâtiment. À l'entrée de l'amphithéâtre, les soldats sont remplacés par des femmes très élégantes et plus ou moins rassurantes. L'une d'entre elles s'adresse à Bahissé.
-Je vous prie de me suivre.
C'était sans doute la première fois que quelqu'un lui parlait avec autant de respect.
C'est là que le chemin de toutes ces amies soudées comme jamais se sépare.
Bahissé suit une jeune femme qui a l'air plutôt sympathique jusqu'aux coulisses. Elle a une magnifique robe rouge et beaucoup de maquillage. Ses cheveux sont rassemblés en chignon. Elle s'arrête devant une petite porte et l'ouvre.
- Rentrez s'il vous plaît.
Elle obéit. Derrière cette porte se trouve une petite pièce remplie de maquillage. Il y a une coiffeuse et un miroir. Bahissé regarde son reflet un petit bout de temps. Elle ne s'est vue qu'en passant furtivement devant des vitrines en allant travailler. La femme désigne un petit tabouret face à la coiffeuse.
-Asseyez vous là.
-Expliquez-moi ce qu'il se passe...
-Je m'en désole mais je ne peut rien vous dire. Ce sont les règles.
-Les règles?...
La femme tente de changer de sujet. Elle montre du doigt une petite bassine.
-Êtes-vous prête?
Après un temps d'hésitation, Bahissé répond méfiante.
- Je suppose que je n'ai pas vraiment le choix?...
      Après une petite heure, les filles se retrouvent dans une espèce de galerie. Il manque la moitié de leur groupe. Étrange. Sur le moment elles n'y prêtent pas vraiment attention. Elles sont métamorphosées. Lavées, coiffées, maquillées et revêtues d'une magnifique robe. Toutes différentes par rapport à l'usine où elles étaient toutes considérées pareilles. Pour se changer les idées elles commencent à bavarder mais la même question revient dans toutes les bouches; que font elles ici?
Bahissé va voir Émilie, la jeune fille qui s'est fait gifler dans le train. Elle a un regard vide. Elle est comme sous le choc.
- Tout vas bien Émilie ?
Celle-ci la regarde et lui sourit.
- Tout vas bien, merci...
Bahissé voulu la serrer dans les bras mais malheureusement, les menottes leur scillaient toujours les poignets.
Soudain une très grande porte en fer s'ouvre devant les filles. Elles se regardent un instant et comme aucune n'avait l'air décidé à y aller, Bahissé, suivie de Émilie puis les autres traversent cette porte.
     À là queue leu-leu, elles entrent dans l'arène. En face d'elles arrivent les manquantes. Autour, beaucoup de personnes les fixent. Les femmes sont habillées de grandes robes colorées et les hommes portent des costumes très chics. Un peu partout contre les issues, au même niveau qu'elles, on peut reconnaître certains des hommes qui les ont escortées jusqu'ici. Une voix dans les hauts-parleurs  se fait entendre.
- Mettez-vous en ligne !
Elle obéissent sous le regard des spectateurs. La voix masculine reprend.
-Je demande le silence au public!
L'amphithéâtre fut plongé dans le mutisme total. La même voix continue son laïus.
- Bonjour mesdames et messieurs. J'espère que vous allez tous bien. Si vous êtes là aujourd'hui, c'est pour assister à la première vente aux enchères de l'été.
C'est là que les filles comprenne pourquoi elles sont si jolie et pourquoi on les a bichonnées. Elles vont être vendues. Voilà pourquoi ces survivantes sont toutes jeunes. On va les exploiter dans une famille sûrement très riche. Elles n'auront pas de salaire. En comprenant ça  certaines d'entre elles se mirent à pleurer. Elles ne verront plus leurs familles. Bahissé, elle, vivait seule. Et même si elle est triste pour les autres elle est soulagée de ne pas avoir à subir cette peine. À part son salaire, elle ne peut rien regretter.
-Voici vingt jeunes filles en bon état prêtes à être vendues. Peut-être que déjà, l'une d'entre elle vous a tapé dans l'œil, qui sais? Et ne vous en faites pas. Si vous n'en obtenez pas une aujourd'hui, vous pourrez retenter votre chance. De la nouvelle marchandise nous sera livrée très bientôt et exposée dans exactement deux semaines. Bien! Passons aux choses sérieuses à présent! Numéro 156 avancez d'un pas!
Une jeune femme jeune femme d'à peu près vingt ans s'exécute. Les regards se braquent sur elle et les critiques fusent.
-Reculez maintenant, numéro 157 à vous!...
Et ce fut ainsi pour toutes les jeune filles. Quand ce fut le tour d 'Émilie, Bahissé lui lança un regard rassurant ce qui lui fit ravaler ses larmes.
-Bien, chers acheteurs, la présentation est terminée. Si vous avez l'opportunité d'obtenir l'un de ces numéros, dirigez vous vers les arches. Un garde vous emmènera jusqu'à un bureau où vous récupérerez votre marchandise après avoir rempli quelques papiers d'après vente. Maintenant faites entrer le juge!
Un homme rondouillet et chauve entre dans l'hémicycle. La vente peut commencer. La voix appelle un numéro et des pancartes se lèvent. C'est à celui qui propose le prix le plus élevé que revient la jeune fille.
-Adjugée, vendue!
Bahissé tressaille en entendant ces deux mots aussis horribles qu'ils soient. La jeune fille en question est escortée par des gardes malgré ses pleurs et ses cris.
Après un temps qui paru une éternité pour Bahissé, son numéro est annoncé et un homme asiatique avec son fils gros comme le monde, lève sa pancarte.
- MR Yosen, quel est votre prix?
-Elle m'a tout l'air d'être en bon état! 6000!
Un peu plus loin une vieille femme fait de même.
-Et vous Mme Danoren?
-8000!
MR yosen baisse sa pancarte. Il laisse tomber. Le juge allait conclure mais un homme accompagné d'une femme particulièrement belle et d'un garçon d'environ vingt ans, lève sa pancarte.
- Il semblerait, Mme Danoren, que vous accès de la concurrence! MR O'connor je vous écoute !
-9000!
-9100!
MR O'connor baisse sa pancarte sous le regard fier et narquois de la vieille femme. Mais juste avant qu'il aie conclu, la pancarte des O'connor se relève tenue cette fois par le jeune homme.
-10100!
-Mme Danoren ?
Celle ci jette sa pancarte de rage et s'en va furibonde. Le juge tape sur son socle.
-adjugée, vendue!
Bahissé lance un dernier regard à Émilie est disparaît, escortée par des gardes comme toutes ses camarades avant elle.
     Elle est emmenée dans une petite pièce où, derrière un petit bureau, une femme à l'air hautain est assise. Elle regarde ardemment la jeune fille. Les gardes lui retire ses menottes. Elle bouge ses poignets de manière à faire circuler son sang mais a peine lui ont ils enlevé quelque chose qu'elle se retrouve avec un collier en fer où un anneau pend en guise de pendentif. Les gardes s'en vont de la salle dès que les acheteurs entrent dans la pièce suivis du jeune homme. Ils règlent deux trois papiers.
-Souhaitez vous donner un nom à 246?
Aussitôt, le jeune homme se retourne vers Bahissé et lui sourit. Elle ne lui rend pas son geste.
-Quel est votre prénom mademoiselle ?
Quatre paires d'yeux sont braqués sur elle et il y a un petit moment de réflexion avant qu'elle ne se résigne à le dévoiler.
-Bahissé.
MR O'connor regarde le jeune homme les yeux pleins de reproches.
-Que te prend t-il Wesley?
Il n'y prête pas attention.
-Attribuez à cette jeune fille son prénom d'origine Madame.
Elle regarde le père de celui ci s'attendant à une contestation.
-De toute façon cela ne changera rien à son statut. Faites donc. répondit il.
   Les papiers finis, la femme appuie sur une sonnette ce qui fait revenir les gardes. Ils entrent en trombe avec une espèce de laisse faite de mailles et l'attache au collier de Bahissé qu'ils lui ont mit un peu avant. Le jeune homme a un air totalement désolé. Il se doutait bien que cela allait arriver. Un garde tend là le bout de la laisse à l'acheteur. Celui ci la prend aussi brutalement que possible et quitte la pièce avec ce qui semble être sa famille.

L'amour interdit.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant