04 - L'hôpital

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Encore une fois, j'errais, perdue au centre de mes rêves. Les sensations, toujours aussi intenses, me terrifiaient. Mes yeux ne voyaient rien, pourtant, je savais ne pas être seule. Un monstre rôdait, m'observait. J'ignorais comment, mais je le devinais autour de moi. Il se fondait dans la nuit tel un prédateur et j'étais sa proie.

Je sentis l'air se déplacer, l'obscurité entière semblait bouger. Bientôt, je pus distinguer la plus affreuse des créatures. Ses dents blanches, grandes et tranchantes, affûtées pour tuer, rayonnaient dans cette opacité. Elles avaient la force de me détruire, je le savais au plus profond de mon être.

Le monstre gronda. Sa taille démesurée me fit trembler. Le cœur affolé, je tentai de lui échapper, mais il m'était impossible d'esquisser un geste, paralysée par une peur primitive. Devant moi se trouvait le plus redoutable des fauves, la représentation même des ténèbres.

Bien que cette créature soit un animal, elle pouvait sourire. Son gloussement sinistre me fit froid dans le dos. De la bave s'écoulait de ses crocs. Elle salivait, me désirait. J'étais incapable de la fuir.

Je remarquai que son corps se composait de nuit. Elle était ce que je sentais autour de moi. Impalpable, j'arrivais néanmoins à distinguer sa tête. Elle avait un long museau opaque et le regard d'un chien fou.

La chair de poule m'envahit tandis que je restais prisonnière de l'obscurité. Ses yeux jaunes luisants me terrifiaient. Elle s'approcha. Gronda. Le son assourdissant me clouait sur place. J'avais la sensation que mes pieds et mon corps s'engluaient au sol.

Je pris conscience alors d'être entièrement à sa merci.

Ses pas sauvages déplacèrent la nuit. Quand elle ne fut plus qu'à quelques centimètres de moi, je perçus son souffle chaud et putride me parcourir la peau. Immobile, mon cœur s'accéléra alors que j'essayais par tous les moyens de bouger.

Le monstre ouvrit soudainement la gueule et planta ses crocs au plus profond de ma chair. Ils s'enfoncèrent, me déchiquetèrent le ventre avec un plaisir évident, plus terrifiant encore que la mort.

Je hurlai en silence, car aucun son ne pouvait s'échapper de ma gorge. Je la voyais me dévorer dans un bain de sang affolant. Elle se délectait de mes intestins. Je ne ressentais pourtant rien, comme si ce corps ne m'appartenait plus. Je l'entendais se repaître accompagné de petits bruits insupportables de succion.

Muette de stupeur, je subissais, vouée à la regarder me manger. Mes jambes devenaient aussi lourdes que des blocs de pierre et mon cœur, le plus endiablé des tambours. Au fin fond de cette nuit infinie, mes larmes vinrent sillonner mes joues. Elles ressemblaient à des perles de cristal et scintillaient parmi l'épaisse obscurité. Je savais que le monstre me dévorerait jusqu'à me faire disparaître.

Dans un dernier effort, je parvins enfin à déplacer ma jambe ! Un immense soulagement s'empara alors de tout mon être.

Mélly se réveilla en sursaut, soulevant son pied violemment. En transe, elle toucha son ventre. Jamais les rêves ne s'étaient montrés aussi affreux que récemment. Elle avait du mal à s'en remettre. Le souffle court, elle ne se calma qu'après un long moment puis remarqua qu'Itanys l'observait.

— Toujours là, toi, ronchonna-t-elle.

Il croisa les bras et lui lança un regard aigu.

Où veux-tu que j'aille ?

— Je n'en sais rien, autre part !

Je t'ai déjà dit que je ne pouvais pas.

La jeune fille soupira puis se redressa. Elle en avait assez de cette chambre et d'être seule. Enfin, façon de voir. Mélly remarqua dans un mouvement de bras qu'on lui avait retiré ses perfusions. Elle pesta, car elle avait dormi comme une masse sans se rendre compte que les gens s'activaient autour d'elle. Son sommeil était toujours très lourd.

Trigon et la tour de feu Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant