Antoine Setvert examinait son écran d'ordinateur les yeux plissés. Son pouce appuya sur la touche espace de son clavier pour faire un arrêt sur image. Il caressa l'écran en proie à un étrange sentiment. Il émit un long soupir plaintif tandis que son appétit s'amplifiait. Il avait demandé à ce qu'on ne le dérange pas. Plongé dans le noir, il croisa les doigts d'un air mauvais.
Il la voulait.
Cette fille était la perle rare qu'il avait tant cherchée, la patiente la plus captivante qu'il ait été amené à rencontrer. Il contempla son étagère pleine de livres et de DVD. Il pourrait l'ajouter à ses trophées. Cette idée le fit sourire et il se mordit la lèvre inférieure, réfrénant à grand-peine un désir grandissant. Elle devait lui appartenir... Comme les autres, elle serait à lui. Dépendante, aimante, désespérée.
Je vais tout lui prendre... songea-t-il.
Il plissa les yeux de satisfaction en pensant à sa famille. La schizophrénie était un mot effrayant. Les parents n'avaient pas été faciles à convaincre, mais la petite crise d'épilepsie avait fini de les persuader. Le hasard faisait si bien les choses.
— Tu m'intrigues tant, chuchota-t-il en caressant son écran.
Il repensa à son expression, à la noirceur qui s'était dégagée du fond de ses yeux – quand elle lui avait assuré que l'illusion pouvait la blesser. Cela l'avait tant excité que partir avait été le seul moyen pour demeurer maître de la situation. Quel dommage, il serait bien resté à ses côtés plus longtemps.
Il remit en marche la vidéo et les mains moites, le regard démentiel, se mit à réfléchir. Elle devait être à lui, c'était un besoin vital. Demain, il lui parlerait à nouveau. Il la toucherait juste un peu. Oui, il le ferait et peut-être même davantage...
— Je peux faire plus !
Ce soir, il ne dormirait pas, trop désireux de préparer la rencontre à venir. Un sourire malsain apparut sur ses lèvres, dévoilant ses dents blanches cruelles.
Mélly comptait les jours. Elle s'ennuyait à mourir dans cette chambre vide avec comme seule distraction une télé pleine de grésillements. Au moins avait-elle pu recouvrer des forces même si elle en venait à craindre l'arrivée du docteur Antoine Setvert. Il se montrait si insistant et son regard de chouette cachait un sombre dessein qu'elle ne réussissait pas à deviner.
Ses mains moites trouvaient toujours un prétexte pour la toucher. Elle finissait par ne plus prendre de gants et par le repousser franchement. Seulement, cela ne l'empêchait pas de rester des heures à l'interroger sur cette autre personne qu'elle imaginait.
Heureusement, la bonne nouvelle venait du fait qu'elle était parvenue à s'éloigner d'Itanys. Ils n'avaient pas refait de rêves communs. C'était un poids en moins sur ses épaules. Mélly voulait le connaître davantage, mais pas à travers les songes, car alors il lui faisait bien trop peur. Ses manigances la rendaient méfiante. Seul le chien noir, le monstre plein d'obscurité, venait de temps à autre la perturber durant son sommeil.
Y penser la faisait toujours autant frémir.
— C'est vrai que ce cauchemar a l'air atroce, réagit Itanys à ses réflexions, les yeux brillants de malice.
Mélly se renfrogna immédiatement.
— Peux-tu éviter d'agir comme ça ?
— Hum... pour quoi faire ?
La jeune fille le dévisagea, furieuse. Elle avait passé deux semaines avec un esprit qui ne faisait aucun effort. Il lisait en elle et commentait toutes ses pensées. Parfois même, il se moquait. Elle ne pouvait pas le supporter alors que de son côté, lui ne révélait jamais rien. Il restait cachottier et s'arrangeait chaque fois pour ne pas répondre à ses questions.
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Trigon et la tour de feu Tome 1
FantasíaMélly, une jeune femme ordinaire, se retrouve à la merci d'un sortilège. Plus rien ne sera jamais comme avant, son destin prend un tout autre tournant, un voyage étonnant, dans des contrées lointaines où se mêlent aventure, batailles et sentiments. ...