Chapitre 5

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Le jour du départ arriva. Certes, ce n'était un grand voyage mais Sasha ne pouvait rester sur place tant son excitation était à son apogée.
Vincent montait les bagages dans le coffre de la berline tandis qu'Hélène embrassait son fils, en lui demandant de bien suivre Vincent et d'écouter tout ce qu'il allait lui demander. Sasha essayait de se débattre de son étreinte mais en vain. Il monta à l'avant de la belle voiture, qui sentait le cuir et le soleil. En montant, Vincent alourdissait la voiture, ce qui fit rire Sasha. En face de la voiture, Hélène les saluait, une autre main serrée sur sa poitrine. Sasha baissa la vitre saluait à son tour, comme Vincent.
Le moteur gronda et après avoir écrasé les petits cailloux du chemin de terre, ils s'en allèrent tout deux, dans la jolie berline rouge.
Vincent mettait la radio à fond et chantait avec son neveu sur des musiques de country. Son oncle en raffolait et avait fait découvrir à Sasha les mérite et subtilités de ces musiques. Ils bougeaient leur têtes et leur haut de corps au rythme du banjo et de la contrebasse.
Heureux d'être avec son oncle, à chanter les musiques texanes, les cheveux dans le vent, Sasha arborait son plus beau sourire.
Après quelques heures de route, Vincent s'arrêta sur un petit parking, en contre bas d'une petite montagne.
En sortant de la voiture, Sasha regarda le sommet de la masse forestière et fit une grimace. Vincent riait de bon cœur.

- Eh oui mon petit ! Tu t'attendais à des vacances près de la mer ?! riait-il

Sasha le regarda en hochant la tête, déjà lassé de ce qu'il aurait à parcourir.
Un fracas se fit entendre près de la voiture et Sasha se pressa voir ce qu'il s'y tramait. Bien sûr, il ne s'agissait de rien d'autre que Vincent qui était tombé à terre en voulant sortir les sacs plus gros que toute sa force réunit. Sasha se moqua de son oncle, qui fit une grimace.

- Ce serait plutôt pour toi qu'on aurait dû aller à la plage, comment tu peux grimper une montagne si tu ne peux même pas porter les sacs ?! Ricana Sasha.
- Règle numéro un petit : toujours aider ses camardes de voyage.... répliqua t-il.

Sasha, essayant d'étouffer un autre rire, aida son oncle et s'équipa pour faire le grand chemin de randonnée qui les attendait.
Le sac sur le dos, ils prirent la route délabrée sur la droite et commencèrent à monter. Vincent avait une énergie extraordinaire et en profitait pour donner quelques astuces à Sasha.
Comment se servir d'une boussole ou encore quelques noms de constellations principales. Son neveu écoutait attentivement malgré sa fatigue. Il avait un grand respect pour cet homme. Tous les voyages qu'il avait accompli l'avait rendu sage et détendu par rapport à la vie. Il ne semblait avoir peur de rien, et alors, quand son oncle était là, Sasha n'avait peur de rien lui aussi.
Après de longues heures de marche, le soleil commença à se coucher. Vincent conféra à son neveu la tache de trouver un bon endroit pour placer les tentes. Ce dernier suivit les quelques indications pour trouver le lieu de repos parfait de son oncle et convint de s'installer près d'un petit ruisseau où le sol lui semblait plutôt plat.
Ils posèrent leur sac lourdement, relâchant tout l'air qu'ils contenaient. Sasha avait les joues rougies et des gouttes de sueurs parsemaient son front. Il alla au petit ruisseau, se mettre un peu d'eau sur le visage. L'eau fraîche le ravivait, il en appréciait bien plus les vertus après l'effort accompli. Il alla aider Vincent avec les tentes. Et qu'elle fut la surprise de Sasha de voir que son oncle avait beau voyager tous les jours mais ne savait monter une tente. Il s'emmêlait avec, se fracassait la tête avec les tiges et finissait au sol, jetant les piquets, énervé. Sasha riait, décrochant un rictus sur le visage de Vincent. Ils réussirent finalement  à les monter avant le début de la nuit et firent un petit feu de camps.
On pouvait entendre le doux crépitement du feu associé aux quelques hiboux dans les arbres.

- Vincent ? Demanda Sasha, brisant le silence.
- Oui ?
- De quoi tu as le plus peur ?

Vincent resta silencieux un instant.

- pourquoi cette question ? Demanda t-il à son tour, en souriant.

C'est ce qu'il aimait chez Sasha. Derrière ses airs de garçons naïf et innocent, se cachait la réel réflexion sur certaines choses de la vie. Il pouvait poser n'importe quelle question, derrière se trouvait toujours une raison, née d'une réflexion poussée.

- Moi par exemple, j'ai peur de mourir. Et des araignées. Maman, a peur de ne jamais faire assez. Francine de ne pas réussir à parler au garçon de la boulangerie. Mais toi, je ne sais pas de quoi tu as peur. Dit-il, en haussant les épaules.
- Je vois... Eh bien, moi, j'ai peur de quitter ce monde sans en avoir vu le quart ! Fit-il, après un instant, en déplaçant le bois du feu.

Sasha regarda le feu de bois, perplexe.

- Mais c'est nul comme peur ! S'exclama t-il, déçu de sa réponse.

Vincent ria doucement et se rasseyait sur son siège de camping.

- Règle numéro deux petit : on ne juge jamais son prochain. Dit-il, l'index en l'air.

Sasha baissa la tête, en signe d'excuses.

- Fin... je veux dire, pourquoi ? Demanda t-il avec un petit sourire.
- Je préfère ça, fit Vincent en le lui rendant,... Je dirai que c'est le sens que je me suis donné. Le sens que j'ai donné à ma vie. Et si je pars de ce monde sans avoir accompli ce pour quoi je suis ici, j'en serai accablé.
- On doit forcément en trouver un ? Demanda Sasha, faisant une moue du visage.
- Non, rien n'est obligé. Cependant, on le fait même sans s'en rendre compte. Tout à un sens. Même acheter du pain à un sens. Tu t'en sers pour te nourrir. Tu te nourris pour vivre. Tu vis pour le sens que tu te donnes.
- Mais si je ne trouve pas de sens à ma vie, c'est grave ? S'inquiéta Sasha.
- Rien n'est grave que si tu en décides qu'il en soit ainsi. Un sens te permet juste de ne pas perdre la tête. Du moins, pour moi. Dit Vincent, en croisant les doigts sur son ventre.
- Donc je vais devenir fou. Conclut Sasha.
- Non !, ria Vincent, si tu le deviens les trois quarts du monde le seraient aussi.
- Et ce n'est pas le cas ?
- Ce n'est pas le cas.
- Mais à la télé, il y a toujours...
- La télé ne représente pas toujours la réalité Sasha... Il ne faut pas toujours t'y fier. Elle t'en montre une partie. Les guerres de pays, les scandales politiques mais pas forcément l'homme qui a sauvé quatre hommes lors d'un accident dans son village ou bien celle qui a mené à bien un petit projet écologique dans sa ville. C'est pour ça qu'il faut aller voir le monde de ses propres yeux. Et pas forcément celui qui se trouve à des kilomètres. Ça peut être aussi regarder seulement la rue de ton quartier... dit-il, adressant un clin d'œil à son neveu.

Sasha resta silencieux. Observant le feu qui crépitait doucement.
Il sera comme lui plus grand. Peut-être qu'il ne fera pas d'aussi grand voyage mais il se promit d'aller voir le monde. De ses propres yeux et d'en faire sa connaissance.
Des ronflements le sortit de sa réflexion. Il vit son oncle, la tête complètement en arrière, endormi, sûrement du aux quelques bières qu'il s'était bu plus tôt dans la soirée.

À l'aube, nous serons plus grandsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant