Habib attendait son père devant leur case avec impatience. C'était son dixième anniversaire aujourd'hui, et son père avait accepté de l'emmener chasser, sur ses incessantes supplications. Andry, son père, appartenait à la prestigieuse confrérie des Bengana, une société sécrète de chasseurs d'élite. Les profanes leur attribuaient des capacités mystiques, comme résister aux flèches et aux coups de couteaux et guérir des milliers de maladies grâce à leurs grandes connaissances de la forêt, en particulier des plantes médicinales. Habib leva un regard admiratif sur son père lorsqu'il parut. Il portait sa tenue de chasseur constituée d'une tunique kaki sur un pantalon de la même couleur, avec un chapeau de forme conique et des sandales assorties. Des gris-gris étaient attachés autour de son cou, de ses bras et de sa ceinture. Habib songea que son père avait l'air d'un esprit-guerrier avec sa machette, son arc et son carquois portés en bandoulière, son couteau accroché à la ceinture et sa lance à la main.
-Papa, cria Habib. ça fait plus de trente minutes que je t'attends.
-Habib, si tu veux devenir un grand chasseur, tu dois d'abord apprendre l'art de la patience. Pour attraper sa proie, un chasseur attend le temps qu'il faut.
Il s'accroupit ensuite à hauteur de son fils et prit un ton grave.
-Si tu veux que je t'emmène dans la forêt, tu dois me promettre d'obéir à tous mes ordres. J'ai bien dit, à tous, insista-t-il.
-Oui, papa.
-Que dois-tu faire si tu te retrouves nez à nez avec un animal sauvage ? demanda son père.
-Je dois garder ma position et rester immobile, récita Habib.
- Très bien. Tu n'auras rien à craindre si tu suis mes conseils lui recommanda encore son père. Allons-y.
Andry prit sa besace et ils traversèrent le village pour se rendre dans la forêt. C'était un regroupement de centaines de cases, disposées de manière concentrique autour du Mbongui, un bâtiment tenant lieu de salle de réunions. Les cases, de toutes formes, étaient faites en terre battue avec un toit en chaume. Habib gambadait joyeusement au côté de son père. Père et fils étaient très proche car la mère d'Habib était morte, quatre ans plus tôt, suite à une fausse couche. Habib voulait faire parti de la confrérie des Benganda pour suivre les traces de son père. Il comptait commencer son initiation dans deux mois. Aussi pressait-il son père de questions, même si celui-ci ne pouvait pas souvent lui répondre, car les secrets de la confrérie n'étaient accessibles qu'aux initiés. Ils rencontrèrent des villageois qui revenaient des champs et qui s'empressèrent de les saluer avec révérence. En sortant du village, ils traversèrent les champs de sorgho, de manioc et de mil. En cet après-midi, particulièrement suffocant de chaleur, peu de paysans étaient encore aux champs, et la plupart se reposait à l'ombre des arbres. Même le bétail paressait autant que possible en raison des rayons ardents du soleil. Tout en marchant, Habib songeait à toutes les histoires que lui contait son père sur les animaux sylvestres, naturels ou surnaturels. Ainsi, il rêvait des exploits qu'il ferait face à l'antilope, à l'éléphant, au phacochère ainsi que face à l'Impundulu, à l'Eloko, et au Ninki Nanka.
-Nous passerons une nuit au coeur de la forêt. Si tu réussis ce test, tu pourras commencer ton initiation dans la confrérie, déclara Andry.
-Je te promets que je ne te décevrai pas papa, dit Habib.
-Je sais mon fils.
Habib remarqua soudain qu'ils étaient entrés dans la forêt quand la luminosité décrut. Il songea aussitôt qu'elle était sinistre. C'était une forêt dense et sombre constituée d'arbres gigantesques aux feuillages épais. Un sentier étroit serpentait entre les arbres. Habib et son père s'y engagèrent. Au fur et à mesure qu'ils s'enfonçaient dans la forêt, celle-ci devenait plus sombre et plus touffue.
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LES CONTES DU MBONGUI
ParanormalVenez vous asseoir, au Mbongui, autour du feu. Venez écoutez des histoires, inspirées des traditions africaines.