Très chère Niki,
Sincèrement, je n'ai qu'une question, et je pense que nous nous la posons tous, alors Niki, répond moi sincèrement : pourquoi as-tu fait ça ?
Non, finalement, ne me répond pas. Ce serait bien trop facile. Je sais ce que tu endurais, et mon impassibilité a fait de moi le plus coupable des coupables.
Je me demande si tu m'en veux, si tu me déteste d'avoir assisté, indifférent à toutes les gamineries de ces lycéens. Je me demande si tu me hais, de ce que je n'ai pas dit, de toutes ces fois où je n'ai pas agi. Je me demande si un jour je comprendrai, pourquoi tu nous fais subir ce drame.
Oui, Nini, je t'en veux.
Je t'en veux parce que j'étais là, et que tu n'as rien dit, et tu t'es tue. Et tu t'es tuée.
Nini, pourquoi as-tu fait cela ?
Nini, qu'est ce qui peut expliquer la plus radicale des alternatives aux moqueries ?
Oui, ils se moquaient. Ils se moquaient constamment de tes cheveux roux, de ta bouche trop pulpeuse et de tes yeux trop noirs. Ils se moquaient de tes formes, et de tes rondeurs, et pourtant... N'étais-tu pas anorexique ?
Niki, ils t'ont modelée, ils t'ont structurée, destructurée, ils ont fait de toi ce qu'ils voulaient, tu n'es plus rien qu'un tas de cendres. Tu sais Niki, nous souffrons tous. Mais j'aimerais que tu saches que je me souviens de chacune des remarques désagréables, chacune des mains qui t'ont touchée, parce qu'elles te salissaient et qu'elles me blessaient autant que toi.
Je ne me souviens pas exactement quand ton enfer a commencé; je connais par coeur la date de sa fin.
Tout s'est installé naturellement. Un jour, quelqu'un a compris que tu étais maléable, que tu étais trop gentille, trop reservée pour pouvoir te défendre.
Un jour, quelqu'un a ouvert les portes de ton exil interminable vers le fleuve de la mort.
Oh Nini, je ne trouve pas de mot rationnel pour décrire quelque chose d'aussi irrationnel, d'aussi grandiosement abstrait que la douleur que tu as ressentie, mais il parait que je suis poète, allons laissons les mots se placer comme ils veulent sur la route parsemée d'embuches de ton existence.
Je ne me souviens pas que de ton calvaire, tu étais deux personnes à la fois. Celle dont tout le monde se moquait, et celle qui faisait rire tout le monde. Il y a une frontière immense entre tes deux personnalités. La première, je l'ignorais. Elle faisait de toi la risée de tout un lycée. La deuxième, j'en étais éperdument amoureux.
Mais il est encore trop tôt pour en parler, je crois.
Alors je vais te raconter, te raconter tout ce que ta disparition a entraîné, tout ce que ton absence a créé.
Ecoute bien, Niki, parce que ton histoire, je ne la raconterai pas deux fois.
SANDY.

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très chère Niki
Romance[Histoire terminée] Très chère Niki, Sincèrement, je n'ai qu'une question, et je pense que nous nous la posons tous, alors Niki, répond moi sincèrement : pourquoi as-tu fait ça ?