Chapitre 3

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~Gus~

Quand on y pense, la mémoire est quelque chose de fascinant. Inconsciemment, elle nous permet de nous souvenir d'un lieu, d'une date, d'un nom, d'un visage... La mémoire est une chose indispensable pour l'être humain. Sans elle, nous ne saurions pas reconnaître notre maison, notre travail, nos amis, notre propre famille.

J'ignorais pourquoi, mais je savais qu'avant, ma mémoire était exceptionnelle. J'arrivais à retenir le moindre détail, la moindre vétille d'un endroit ou d'une personne. Hors, ceci était une époque révolue.

Puisque désormais, je ne me souvenais de rien.

J'ignorais qui était ces gens autour de moi qui me posait une multitude de questions concernant mon passé ou le fait qu'on m'ait retrouvé dans un champs, entre la vie et la mort, en plein milieu de l'hiver. Rodant autour de moi comme des vautours, il espérait de moi que je leur livre l'intégralité de ma vie sur un plateau d'argent. D'une certaine manière, j'aurais aimé le faire. J'aurais aimé me souvenir de ma vie, de moi, ou même simplement de mon nom. Mais j'avais beau réfléchir et réfléchir encore, je ne parvenais pas à savoir qui j'étais.

— Monsieur, commença l'homme attablé face à moi, nous avons besoin de savoir ce qu'il s'est passé. Le moindre détail nous serait utile.

Sans répondre, je le dévisageai de haut en bas, le visage dénué de la moindre émotion. Il avait des cheveux bruns et un nez busqué, des yeux verts ainsi qu'une étrange fossette juste en-dessous de son œil droit, un détail qui bizarrement, n'échappa pas à ma vision semblant étrangement développée, comme si observer les gens et leurs détails était une chose qui m'était parfaitement habituelle. Peut-être était-ce un indice qui me permettrait de retrouver mon identité.

— Y a-t-il un membre de votre famille que nous pourrions contacter afin qu'il vienne vous chercher ?

Le visage de l'homme plutôt étroit et ses petits yeux en amandes me lorgnaient, à l'attente d'une réponse qui ne viendrait pas. À la vue de cette combinaison plutôt étrange, un mot fusa dans mon esprit qui, étonnamment, me parut très familier : policier. Je ne saurais dire pourquoi ou comment, mais je compris alors ce qui était en train de m'arriver. On était en train de m'interroger.

— Dites-moi au moins votre nom, supplia presque le policier face à mon mutisme qui semblait le désespérer.

Honnêtement, j'aurais aimé lui répondre, essayer de comprendre avec lui la raison pour laquelle on m'avait retrouvé dans la neige, la tête baignant dans mon propre sang, répétant en boucle le prénom d'une fille étant, par je ne savais quel moyen, la seule chose me reliant à ma vie antérieure. J'aurais voulu lui dire ce que je savais.

Mais je ne savais rien.

Alors je relevai la tête, fixai l'homme en face de moi et, dans un murmure, je laissai le contrôle absolu à mes lèvres qui prononcèrent une phrase dont je n'étais pas maître :

— Je dois la sauver.

En entendant ma bouche sortir cette sonorité venant directement de mes cordes vocales, je ne pus m'empêcher de plisser légèrement les yeux. Le son de ma voix. Avant de dire cette phrase, je ne me souvenait plus de sa tonalité. Elle était légèrement rocailleuse mais pourtant très douce, comme si une coulée d'eau douce venait frapper les rebords aiguisés d'un puissant rochet.

Aussi perplexe que moi, le flic se redressa et me fixa comme si je venais de lui révéler le secret le mieux gardé au monde. Bizarrement, ces mots n'étaient pas dénués de sens. Pour moi ils en avaient un, un profond et important. Comme si elles en redemandaient, mes lèvres s'entrouvrirent une nouvelle fois et une nouvelle phrase s'en échappa. Une phrase qui, sans que je le sache, demeurait la plus importante et grave de toutes celles que je n'avais jamais prononcées de ma vie.

— Je dois sauver Luna.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 17, 2020 ⏰

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