Je prenais ma pause de 10 h, Anissa tartinant ses biscottes avec du beurre, lorsque Julien entra en soufflant dans la cuisine.
— Non mais elle m'fait chier, cette pute !
— Qui ça ? demanda Anissa.
— La pute d'la chambre 516. Elle est allergique à tout ! Hier, j'lui ai rapporté des carottes et elle m'a fait r'tourner l'plat. J'lui ai ram'né des tomates, c'était la même ! J'suis pressé qu'elle s'barre, cette pute.
— Elle a une maladie congénitale, intervins-je avec dureté, ce n'est pas de sa faute si elle est allergique à tout.
— C'pas toi qu'doit lire l'double page d'toutes ses allergies ! Non mais r'garde-moi ça : elle peut même pas manger d'chocolat, ni d'fraise, ni ...
— Ce n'est pas une raison pour l'insulter, le coupai-je.
Anissa s'amusa de ma réaction et elle ne put s'empêcher de me dire :
— Bah, laisse-le râler. Si ça lui fait du bien, c'est pas un problème. On a tous parlé sur le dos des patients au moins une fois, alors...
— Pas moi, lui répondis-je, outré par ses propos.
Julien s'avança alors vers moi, décidé à me tenir tête.
— Sérieux, Tom, t'es lourd. J'dis c'que j'veux et c'pas un mioche comme toi qu'va m'faire la morale, menaça-t-il.
— Ah oui ? Et sinon quoi ? rétorquai-je en me levant, prêt à l'affronter.
Il recula d'un pas, surpris par ma réaction. Anissa semblait s'être affaissée sur sa chaise, attendant la suite avec réticence.
— Bon, ça va. On va pas s'battre pour ça, souligna Julien en reculant.
— Qu'est-ce qui s'passe ? intervint le jeune aide-soignant en passant la tête par la porte.
Cette intervention coupa court à la confrontation et chacun se remit en mouvement. Anissa se leva de sa chaise pour sortir. En passant à côté du jeune homme, elle lui répondit :
— Oh rien, t'en fais pas. On devait pas faire la chambre 518 ensemble ?
Chacun sortit ainsi de la cuisine, Julien me jetant un regard méfiant par-dessus son épaule. Je pris quelques instants pour calmer mon palpitant, analysant ce qu'il venait de se passer.
Je n'avais jamais aimé l'injustice. Cette patiente ne méritait pas d'être traitée de la sorte. Les mots peuvent faire plus de dégât que n'importe quels coups ; il faut les employer avec précaution.
Je jurai avant de poser ma tasse et de retourner à mes soins.
Je traçais à l'encre noire les différentes étapes de mon plan macabre. Je préparais toujours mes meurtres à l'avance, ne laissant aucune chance à l'imprévu. Chaque détail était réglé au millimètre près, chaque étape peaufinée avec soin. L'Ordre était le fil conducteur. Je préparais toujours deux ou trois ébauches afin de ne pas me laisser surprendre, la nécessité d'ôter la vie pouvant se manifester à tout moment. La victime était souvent choisie a posteriori.
Je suivais un cheminement similaire pour chacun de mes plans, vérifiant si j'avais en ma possession le matériel nécessaire, les plages horaires adéquates, des alibis qui tenaient la route. Cela demandait une concentration sans faille, ainsi qu'une relecture acharnée.
Pourtant, une erreur pouvait être commise : l'autre jour, j'avais brûlé ma voiture, cet incident n'était pas au programme. Je n'étais pas sorti avec l'idée de tuer ce jour-là. Seulement, après une dispute avec Célia, cette fille avait eu la mauvaise idée de traverser devant moi, au passage piéton. Je n'avais eu qu'à lui proposer de la ramener chez elle. C'était simple. Trop simple à mon goût. Elle était tellement faible et inconsciente du danger que je n'avais même pas eu à l'attacher. Trop sûre de ses charmes, elle n'avait pas vu sa mort approcher.
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Le Pyromane
Short StoryNe vous êtes-vous jamais demandés comment étaient fabriqués les tueurs en série ? Comment un humain, poussé au-delà de ses retranchements, arrivait-il à commettre un crime de sang ? La seule vérité que l'on peut formuler dès à présent est la suivant...