...Plusieurs années auparavant...
Je n'avais le droit à aucun jouet, hormis un ours en peluche que j'avais nommé Mika. Il était mon ami et mon seul réconfort. Le soir, lorsque je pleurais silencieusement, je le serrais fort et ça allait mieux.
Aujourd'hui était le jour de mon dixième anniversaire. J'arborais désormais deux chiffres, ainsi que deux ailes qui avait subitement poussées dans mon dos.
J'avais pris la décision de parler à ma mère.
J'étais allé la retrouver dans la cuisine afin d'avoir une discussion avec elle. J'avais longuement répété ce que je comptais lui dire, mais je ne pus empêcher mon palpitant de battre lorsque ma voix brisa le silence.
— Tu n'es pas gentille, dis-je d'une voix vacillante.
Etant en train d'éplucher des légumes, elle se retourna lentement vers moi, tandis que je lui expliquais point par point ce que j'avais sur le cœur. Tout y passa. Les heures à travailler dur alors que mes amis n'en faisaient pas autant. Les séances devant le miroir qui me rendaient triste.
— Et en plus, tu ne me fais jamais de câlins !
Elle se contentait de m'observer, impassiblement, couteau à la main. Rien dans son expression ne m'indiquait que mes paroles atteignaient leur but. Lorsque j'achevai enfin mon monologue, elle me regarda droit dans les yeux. Soutenant son regard, je ne bronchai pas.
Au bout de plusieurs minutes, elle posa le couteau sur le rebord du plan de travail, puis sortit de la cuisine. Etonné, et m'attendant à être disputé, je pensai alors innocemment que j'avais gagné. Elle n'avait peut-être pas trouvé quoi répondre à ma révolte, après tout.
Je fus désabusé lorsqu'elle réapparut dans le salon, tenant Mika par une jambe. J'avançai vers elle, une boule au ventre. Elle s'arrêta à mi-chemin, face à moi, et leva mon doudou au-dessus de sa tête, sortant de son mutisme :
— Pour que tu n'oublies jamais.
Elle se remit à traverser le salon. Je ne comprenais pas où elle voulait en venir. Puis, je réalisai qu'elle se dirigeait vers la cheminée. Non, elle ne peut pas faire ça, pensai-je. Je n'eus pas le temps d'esquisser le moindre geste que Mika était déjà dévoré par les flammes.
Je me ruai devant la cheminée, de grosses larmes roulant sur mes joues. Mika disparaissait sous mes yeux. Je ne le reverrai plus jamais. Bientôt, il se changea en un tas difforme. Mon ami était mort.
Je sentis ma mère s'approcher, puis s'agenouiller à mes côtés. Sa voix n'avait jamais été aussi amère.
— Tu vois. Au final, tu n'as toujours été qu'un bébé.
Elle se releva et retourna dans la cuisine, comme si de rien n'était. Je restai devant la cheminée pendant de longues minutes, inconsolable. Je regardais les flammes danser, lécher, s'éteindre et se raviver.
Ma gorge me brûlait à force de retenir les larmes qui ne devaient plus jamais sortir. C'est à ce moment que je pris une décision. Celle de ne plus jamais ouvrir mon cœur. C'est plus simple de ne rien ressentir.
...De nos jours...
Quelques jours s'étaient écoulés depuis ma dispute avec Célia. Cette dernière m'avait informé, par SMS, que Johanna l'hébergeait. Elle souhaitait prendre le temps de réfléchir. J'avais accepté son choix, l'informant que la porte lui était toujours ouverte si elle souhaitait revenir. J'avais ajouté, à la fin du message, que sa présence me manquait, ce qui était vrai.

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Le Pyromane
Short StoryNe vous êtes-vous jamais demandés comment étaient fabriqués les tueurs en série ? Comment un humain, poussé au-delà de ses retranchements, arrivait-il à commettre un crime de sang ? La seule vérité que l'on peut formuler dès à présent est la suivant...