...Plusieurs années auparavant...
— Regarde-toi, tu ne vaux rien. Répète-le.
— Je ne vaux rien, répétai-je en me regardant dans le miroir.
— Oui, et c'est à cause de toi que ton père est parti, continua ma mère.
Les larmes me montaient aux yeux, mais je m'évertuai à les contenir. Je ne devais pas craquer, sinon ce serait pire.
— Il a eu honte de toi, siffla-t-elle.
Mon reflet me regardait dans les yeux, la tristesse se lisait sur chacun de ses traits. Je ne pouvais pas être cet enfant si faible. Ma génitrice se tenait derrière moi, une main sur chacune de mes épaules.
— Mais moi, je suis là, dit-elle une once de folie dans la voix. Je serais toujours derrière toi, pour éviter que tu ne sombres du mauvais côté.
— Oui maman, répondis-je d'une voix tremblotante.
— Donc à partir de maintenant, que vas-tu faire ?
— Travailler pour réussir, récitai-je.
— Parce que sinon, que se passera-t-il ? questionna-t-elle.
— Je sombrerai.
— Oui. Et tu ne pourras jamais plus remonter. Crois-moi, le monde est cruel. Il ne te laissera le droit à aucune erreur. Aucune.
J'acquiesçai, fixant toujours le miroir. Ma mère finit par se décaler sur le côté afin de s'agenouiller à ma gauche. Elle me fit pivoter vers elle pour me regarder droit dans les yeux.
— Tu sais, Tom, dit-elle d'une voix plus douce. Si je suis si dure, c'est pour que tu réussisses. La vie le sera aussi avec toi.
Elle se redressa avant de sortir de la pièce. Je retournai mes pupilles vers mon reflet. Mes cheveux bruns étaient en bataille, mes yeux noisette soulignés d'épaisses cernes bleus. Mon teint pâle, conservé par mon nombre restreint de sorties, les faisait ressortir. J'étais à peu près certain que les parents des autres enfants n'agissaient pas de la sorte. Mais je ne pouvais en être sûr : je n'avais pas le droit d'aller chez mes amis et ma mère me mettait en garde contre leur mauvaise influence. Si elle avait pu me faire cours à la maison, elle l'aurait fait. Heureusement que son métier d'aide-soignante ne le permettait pas.
Je lançai un dernier coup d'œil au miroir, puis sortis à mon tour de la pièce.
...De nos jours...
Me voici pour une journée de plus dans la peau d'un homme que je n'ai pas l'impression de connaître. Traversant des couloirs maussades à longueur de journée, rassurant les patients avec des phrases préformées, triste quotidien d'une vie sans espoir.
J'étais de l'après-midi, toujours en équipe avec Anissa, Margot et Rafaël, le jeune aide-soignant. Je m'affairais à préparer les perfusions, la tête un peu ailleurs. C'est pourquoi, n'étant pas certain des dosages, je dus tout préparer une seconde fois. Anissa, ayant assisté à la scène, me chambra gentiment.
Je pus finalement commencer mon tour. J'étais dans la chambre 510, lorsque je croisai Margot qui apportait de l'eau au patient dont je m'occupais.
— Alors, comme ça, on s'est planté dans les perfs ? me dit-elle en ricanant.
— Oui, répondis-je simplement, sentant une colère monter en moi.
Je n'aimais pas du tout son ton condescendant et supérieur. Je l'observai du coin de l'œil, guettant un faux pas de sa part. Je n'eus pas à attendre longtemps.
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Le Pyromane
Short StoryNe vous êtes-vous jamais demandés comment étaient fabriqués les tueurs en série ? Comment un humain, poussé au-delà de ses retranchements, arrivait-il à commettre un crime de sang ? La seule vérité que l'on peut formuler dès à présent est la suivant...