Contes d'Outre Tombe

L'esprit du lac - Partie 5 [FINALE]

Il fixa l'écran, la gorge nouée. Des gouttes de sueur se formaient sur son front. Il regardait Mailys, Alex et Mathias discuter et rigoler en flottant à la surface de l'eau. Ils semblaient avoir aperçu quelque chose en hors-champ. La caméra enregistra la terreur apparue soudainement sur leurs visages. Avant qu'ils puissent réagir, ils furent engloutis par le lac. Seul un début d'un cri lancé par Mailys fut enregistré avant qu'elle soit étouffée par le flux d'eau dans sa bouche grande ouverte. Gauthier accéléra la vidéo. Après une quinzaine de minutes de leur disparition dans les profondeurs du lac. La tête d'Alex ressurgit lentement à la surface, suivie de celles de Mailys et de Mathias. Ils restèrent immobiles, mine de rien. Quelques minutes plus tard dans la vidéo, Gauthier observa, terrifié, ses regards fixés sur lui au moment où il les avait rejoints. Il n'y avait plus aucun doute. Il rangea précipitamment sa caméra pour reprendre la route. Soudain, il aperçut deux silhouettes humaines devant la voiture quand il releva la tête. Pris de panique, il démarra la voiture pour prendre la fuite. Cependant, le bruit assommant d'un coup de feu le paralysa. Il aperçut alors deux fusils braqués en sa direction.

« Je veux juste rentrer chez-moi ! » cria-t-il, les larmes aux yeux.

Un des deux hommes fit signe à un troisième de s'approcher de la voiture. Celui-ci avança lentement vers le conducteur sans baisser son arme. Il fit signe à Gauthier de baisser sa vitre. Celui-ci s'appliqua aussitôt.

« Où sont les autres ? demanda l'homme d'un ton agressif, en vérifiant l'intérieur de la voiture.

- Ils sont restés au camping, répondit Gauthier après un moment d'hésitation. Ils m'ont envoyé chercher deux trois trucs, ajouta-t-il, espérant convaincre l'homme armé.

- Vous faites quoi là-bas ? demanda l'homme. C'est pour des vacances ?

- Oui, répondit Gauthier, la voix incertaine.

- Des jeunes touristes ! cria l'homme en se tournant vers ses collègues qui s'étaient rapprochés de la voiture entre-temps. »

L'homme baissa légèrement son arme, fit quelques pas vers Gauthier et dit :

« Désolé de vous effrayer, jeune homme. Nous travaillant avec les gendarmes pour assurer la sécurité dans cette région. On vous a vu arriver avec trois autres personnes et là vous repartez tout seul. Vous comprenez que cela puisse paraitre suspect.

- Je comprends. Mais je vous assure que tout va bien, répondit Gauthier, cherchant ses mots.

- Pourriez-vous sortir de la voiture juste un instant pour répondre à quelques questions ? demanda l'homme. »

Gauthier hésita un moment. Il aperçut l'arme se relever légèrement vers lui. Contrarié, il quitta la voiture.

« Vous avez nagé dans le lac ? » demanda l'homme.

Gauthier le regarda d'un air confus.

« Vous avez dit que vous étiez en vacances, insista l'homme. Avez-vous nagé dans le lac ?

- Non, répondit Gauthier, hésitant.

- Et vos amis ? demanda l'homme.

- Seulement quelques minutes, répondit Gauthier. »

L'homme ricana en avançant davantage vers Gauthier. Ce dernier recula involontairement son corps, frappé par l'odeur putride qui se dégageait de la bouche de l'homme armé. Une odeur de vieux poisson en décomposition.

« Elle était bonne au moins, l'eau ? demanda l'homme.

- Apparemment, répondit Gauthier en relevant la tête à la recherche d'une bouffée d'air frais. Mes amis m'ont dit qu'elle était parfaite.

- Tu sais, le fond est tellement froid et obscure, dit l'homme en insistant sur les derniers mots. »

L'étonnement de Gauthier fut interrompu par une douleur soudaine et aigüe qui le plia en deux. Avant qu'il réalisa qu'il venait de se faire agressé, il reçut un coup violent à l'arrière de la tête et perdit conscience aussitôt.

Quand il ouvrit les yeux, les premières lumières du jour commençaient à éclairer le ciel. Il avait une violente migraine. Il essaya de bouger mais se rendit rapidement compte qu'il était attaché par les bras et les pieds. Il essaya de crier au secours, mais seul un faible bruit étouffé sortait de sa gorge. L'un de ses agresseurs est venu le regarder en ricanant. « Il s'est réveillé ! » cria-t-il aux autres. Malgré sa vision floue, Gauthier avait réussi à le voir. Il était pris d'effroi quand il aperçut la peau pale de cet homme, recouverte d'ulcérations dégoulinant d'un liquide brunâtre. Ses lèvres bleues et fondues ne recouvraient presque plus ses gencives noires presque totalement édentées. Gauthier ressentit quelqu'un le tirer par ses pieds. Quand il releva la tête, il aperçut Mathias le trainer en direction de l'eau. Il hurla de terreur, mais il n'avait pas de voix. Ses gémissements pathétiques ne dissuadèrent pas ses agresseurs. Alex et Mathias le fixèrent pendant qu'un des hommes desserra ses cordes. Ils le jetèrent à l'eau et le regardèrent se débattre pour tenter d'échapper à la noyade. Ses bras se libérèrent enfin. Il détacha aussitôt ses pieds et réussit à ressurgir à la surface, toussant et crachant de l'eau. Il regarda ses agresseurs le fixer, et crut apercevoir un sourire aux lèvres de Mailys quand il sentit quelque chose saisir fermement ses pieds et le tirer vers le fond du lac. Les bras recouverts d'écailles et d'épines de la créature s'accrochaient de plus en plus à son corps abattu. Ses yeux étaient fixés sur les dernières lueurs de lumières qui s'éteignaient au fur et à mesure qu'il fut englouti par l'obscurité et que ses poumons furent inondés par l'eau glacée.