Chapitre deux

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De la fougue Mira. De la fougue. Des mouvements plus rapides. Plus francs. Plus énervés. Du courage Mira, du courage. De la force. Du tempérament. Elle essayait la jolie danseuse, de toutes ses forces. Mais elle n'y arrivait pas. L'émotion n'était pas au rendez-vous. Elle s'était envolée depuis bien trop longtemps.

Ses gestes étaient trop doux, trop fluides, trop délicats, pas assez brusques. C'était difficile. Très difficile.

– Mira, tu nous fais quoi là ? On dirait une poupée sans émotion...

Sting était excédé, ses muscles étaient tendus. Mais le cygne n'osa répondre. La peur, peut-être, ou la honte, sûrement. Soupir. Le chorégraphe pointa du doigt le cœur de Mira.

– Il faut que ça vienne de là.

Son doigt finit sur son front. Accusateur. Elle se sentait nue devant lui. Petite, humiliée, réduite à néant. Dieu que c'était inconfortable comme position.

– Et pas de là. OK ? Plus que deux jours. Je veux que ça soit par-fait. Et on en est loin.

C'était quoi, la perfection ? Et au fond, est ce que ça existait ? Mirajane se posait beaucoup de questions, qui l'accompagnèrent pendant sa douche, lorsqu'elle enfilait ses sous-vêtements et même lorsqu'elle sortit du conservatoire alors qu'il faisait déjà nuit.

L'air froid lui fouetta le visage. Le vent de novembre était agressif. Mais loin de l'immeuble, elle se sentait déjà mieux. Les bourrasques n'étaient rien comparées à la colère de Sting et aux yeux pleins d'empathie de ses collègues.

Les pas de Mirajane s'arrêtèrent brusquement. Parce qu'adossé à une voiture noire, occupé sur son téléphone, emmitouflé dans sa veste en cuir, cigarette aux lèvres, l'horrible Luxus Drear attendait. Il attendait quoi ? Un silence passa. Le blond réalisa. Son attention se porta sur le cygne. Belle comme un ange. Brisée comme du verre.

– Qu'est ce que tu fais là ?

Mirajane était gentille, polie. Son sourire collé aux lèvres, elle assurait son rôle à la perfection. Voilà ce qui était parfait chez elle. Son sourire. Et au fond, elle aimait bien Luxus, pas vrai ? Celui-ci rangea paresseusement son smartphone dans sa poche de jean et ouvrit la portière de sa voiture.

– Le vieux.

C'était une invitation ? La belle danseuse pensait que Luxus avait des problèmes de communication. Sa main se serra sur la anse de son sac. Elle ne voulait pas monter dans cette voiture. Être entourée de son odeur. Ne voir que lui. Non, elle voulait fuir. Loin. Très loin.

– Je peux prendre le métro. Mais c'est gentil.

Un silence s'installa. Luxus la regardait, elle et son sourire de conne qu'il détestait. Il tira une taffe. Puis s'énerva.

– Raconte pas de conneries. Je suis là maintenant.

Le cygne hocha la tête. Et s'installa sur le siège passager en cuir. Le blond s'assit à ses côtés, démarra la voiture et tira une ultime fois sur sa cigarette.

– Merci d'être venu.

Elle se sentait redevable Mirajane, parce qu'elle était gentille. Et les personnes gentilles, elles voulaient toujours en faire trop, par peur de n'en faire pas assez.

– Par contre tes sourires de merde là..ça va cinq secondes.

Luxus grognait quand il parlait. Et Mirajane ne comprenait pas.

– Excuse moi ?

Il leva ses yeux au ciel, doubla une voiture trop lente et humidifia ses lèvres à l'aide du bout de sa langue.

– T'es fausse Mira, c'est ça le problème.

Première remarque. Elle le savait. Elle n'aurait jamais dû accepter de monter dans la même voiture que lui. Être proche de lui c'était prévoir un cyclone, une tornade, des éclairs. Et surtout : ça voulait dire y laisser des plumes.

– Depuis la mort d'Elf, enfaite.

Deuxième remarque. Une pensée pour son défunt frère. Une pensée pour éviter d'en parler.

– Non, non. Je ne comprends pas de quoi tu parles ?

Le regard droit, l'homme regardait en face de lui. Sa main droite posée sur le volant, son autre pendait dans le vide à travers la fenêtre ouverte.

– Tu as le droit de piquer des crises Mira, c'est la vie.

Troisième remarque. De quoi se mêlait-il ? Mots qui faisaient ressasser les souvenirs. Pas forcément des bons. Oublier. Regarder autre part. Le ciel. Oui, il était beau, le ciel.

– Il va faire beau demain, pas vrai ?

Diversion. Mirajane respirait, un peu plus facilement. 

– Tu te rappelles de nous y a deux ans ? On était vraiment bien. Et t'étais toi.

Quatrième remarque. Corps qui se crispa. Bribes de moments passés. Images d'une vie qui n'était plus la sienne. Aucun regrets. Ou presque.

– J'espère qu'il ne va pas trop pleuvoir..

Continuer la diversion, c'était un art, ça s'apprenait. Et Mirajane, c'en était la reine.

– C'est de la faute de ton frère. Il aurait pas du se suicider, ce con.

Cinquième remarque, celle de trop. Larmes qui montaient aux yeux. Colère qui grimpa en elle. Poings serrées. Les mots étaient coincés. Elle retenait les insultes.

– Arrête-toi.

L'ordre du jour. Ou celui de l'année, elle ne savait plus. Il obéit. Les poings serrés autour du volant. Les sourcils froncés et l'âme énervée.

– Fais pas de conneries.

Sixième remarque. Elle se rappela, c'est avec lui qu'elle avait fait les plus grosses de sa vie. La voiture s'envola au loin, contrairement à sa colère. Flamboyante. Elle était restée. Sa rage de vivre. Celle qui lui détruisait les entrailles.

Ce soir, Mirajane sera le cygne noir, oui, ce soir elle sera elle. Verres sur verres, danses sur danses, partenaires sur partenaires, un peu de poudre blanche, lamentations sur lamentations, rêves, vagues, orages. Elle se sentait libre, la jolie danseuse. Elle se sentait vibrer.

– Mesdames et messieurs ! Je suis le Cygne, le fameux, le magnifique, celui que vous adulez !

Et ce mercredi, en plein milieu de la nuit, on entendit ce cri de détresse, jeté comme une bouteille à la mer, au milieu des corps dansants et des musiques rythmées. Puis un rire, un rire déchirant qui se fondit en larmes. En torrent de larmes.

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Voilà le chapitre deux ! Ici, on apprend qu'un passé semble unir Mirajane et Luxus. Et que Mirajane, derrière son masque d'ange cache un côté bien dark :(

[Vous en pensez quoi ?]

À bientôt pour le chapitre trois !

Le cygne Où les histoires vivent. Découvrez maintenant