Dring. Dring. Dring. Le téléphone sonnait. Sa sonnerie stridente lui brisait les tympans. Elle ouvrit un œil, puis son deuxième. Sa bouche pâteuse, sa tenue de la veille, ses chaussures aux pieds, l'odeur de transpiration, black-out total. Elle avait du mal à se rappeler qui elle était, où elle se trouvait, ce qu'elle avait fait.Le regard désorienté, elle répondit tardivement. C'était une Lisanna inquiète au bout du fil.
– Mira ! Tu ne répondais pas ! Je m'inquiétais tu sais... t'es à l'Opéra ? J'y passe pour une livraison. On mange ensemble ?
Total embrouille. Tout s'emmêlait.
– Quoi ?
Un mot. Une situation. Il était quelle heure, déjà ? Treize heures ? Non. Pas possible. Et l'Opéra ? Et Sting ? Et le cygne ? La réponse se fit précipitée, tout comme ses gestes.
– Je peux pas aujourd'hui. On se voit ce soir. OK ?
Les muscles fondus, le souffle court et la mine épuisée, Mirajane s'engouffra dans le grand hall de l'Opéra. Frissons d'appréhension. Elle avait peur de la réaction de Sting. Elle avait peur de la danse qu'elle allait lui montrer. Parce qu'elle venait d'elle. Elle, la même qui avait fait la fête jusqu'au petit matin.
Dans le couloir, on entendait les notes de musique de la scène final. Mirajane les connaissait par cœur. Son pouls s'emballa. Quelqu'un dansait à sa place ? Ses pas se firent plus rapides.
D'un mouvement brusque, elle ouvrit la grande porte. Le spectacle qui s'offrait à elle la laissa bouche bée. La fougueuse Jenny dansait. Dans son costume, dans son rôle. Et putain, ça lui allait si bien, à Jenny.
C'était humiliant. C'était déprimant. Assister à cette scène c'était comme se prendre un coup de poing dans le ventre. Ça faisait mal.
Et Sting regardait le nouveau cygne, presque fièrement, les bras croisés sur son torse. Baisse de tension immédiate. Mirajane se demanda si elle avait tout perdu.
– Pourquoi Jenny danse ?
La question était directe et son supérieur la regarda d'un œil mauvais. Hautain même.
– Parce que tu n'étais pas là ? Mira, tu es notre Cygne. C'est quoi, ce comportement à la con ? Tu nous abandonnes parce que tu n'arrives pas ?
La musique s'était arrêtée. La danseuse aussi. Et dans les yeux de Mirajane, flambait une flamme qui se consumait.
– Je veux ce rôle.
Sting leva les yeux au ciel. Il se demanda si ça n'était que des belles paroles.
– Alors bats toi pour. Tu arrives en retard, tu te fais remplacer. C'est logique.
Elle encaissa, les pieds toujours vissés au sol. Son regard défiant le sien. Elle perdait. Elle avait merdé. Absente. S'était blessée en route vers la représentation. C'était la fin.
– Ne viens pas pleurer, en tout cas.
Le chorégraphe fit signe au musicien de se remettre à jouer, puis s'écria :
– Jenny, on enchaîne avec la deuxième partie !
Et Mirajane s'en alla, le cœur lourd, les bras ballants, la danse de Jenny dans le dos. Elle était triste, non, elle était devenue tristesse. Elle avait perdu. C'était fini. Pour de bon.
Le chemin jusqu'à chez elle lui parut ardu. Chaque pas sonnait comme un rappel : tu as échoué, lui répétait-il.
Le cœur à bloc, la colère vint s'immiscer autour du désespoir, lentement, sûrement. La haine vint tout effacer : la peine, les remords, la jalousie. La haine dominait. Et une détermination qu'elle ne se connaissait pas lui traversa l'esprit. Elle allait avoir ce rôle. C'était elle, le cygne qui allait danser demain, devant des milliers de spectateurs. Elle pouvait le faire, elle devait réussir.
La seule chose qu'il fallait clore pour y parvenir; c'était l'épisode Luxus. Enfermer le passé dans une petite boîte scellée à jamais.
Pas de bonjours ni de sourires. Trop pressée. Lisanna sursauta presque devant le visage de sa sœur : énervé, vivant, presque cruel.
– Où est Luxus ?
Question implacable, ton qui ne laissait pas de place à la négociation.
– Dans le bureau.
Elle passa entre les pièces, s'engouffra dans l'étroit couloir, puis ouvrit la porte avec fracas. Luxus était assis sur sa chaise, le regard perdu entre deux papiers importants. Il leva les yeux vers l'ange, un peu désorienté.
– Écoute moi bien, petit con.
La danseuse se rapprocha de lui, son aura menaçante, elle voulait lui faire passer le message. Violemment, ses paumes de main frappèrent le bois du bureau.
– Tu peux dire tout ce que tu veux. Me parler de nos vingt ans, de notre histoire, de mon caractère de merde, tu peux me faire chier, tu peux me cracher à la gueule. Mais insulter mon frère, ça, jamais.
Son visage se rapprocha du sien. Elle brûlait de colère, la gentille Mirajane.
– Jamais. Tu comprends ?
Luxus resta silencieux. Et l'impensable arriva. Un petit sourire en coin s'étira sur ses lèvres, discret, carnassier et secrètement : heureux.
– Content de te retrouver, Mira.
Son chuchotement la crispa. Parce qu'elle savait qu'après cette discussion, il n'y aurait pas de point retour. Rien de ça n'était prévu. Ni l'attraction qu'elle ressentait, ni les souvenirs qui se déchaînaient dans son esprit. Corps contre corps. Caractère contre caractère. Insultes. Provocations. Sourires. Vivants. Son passé se jouait d'elle.
Leurs regards désireux se rencontrèrent. Brûlants.
Luxus observa les jolies lèvres de Mirajane. Il avait envie de les mordre, de les embrasser, de les étouffer, de les aimer. La gorge sèche, il s'en approcha. L'ange ne bougea pas.
Il était beau Luxus, avec sa cicatrice de mauvais garçon. Sa beauté (digne d'une statue grecque) laissait les spectateurs momifiés, bouches-bées devant le blond éblouissant de ses cheveux et le vert émeraude de ses yeux.
Les mots s'échappèrent, rebelles.
– Fais moi me sentir vivante.
Un baiser s'enchaîna. Puis plusieurs. Puis quelques mains baladeuses, le regard fiévreux. Les souffles devinrent erratiques, les corps dénudés. Et enfin, ils atteignirent la jouissance.
________________________________
N'hésitez pas à commenter et voter !

VOUS LISEZ
Le cygne
Fiksi PenggemarMira, tu seras le Cygne. Tu seras la pureté et l'innocence, mais tu seras aussi le crime et l'obscurité. Elle n'avait pas l'habitude d'être sous les feux des projecteurs Mira. Elle n'avait pas l'habitude d'être celle qu'on regardait. Et surtout, el...