Partie 1

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« Comme je le soupçonnais, notre victime s'est battue il y a quelques jours. Toutes les traces de défense, les hématomes, les plaies ont été faites, je dirais... vendredi ou samedi. Elle est morte d'un coup porté à l'arrière du crâne. L'assassin y a mis beaucoup de force et a frappé avec un objet lourd, c'est certain. Il était plus grand et certainement plus fort que le mort. Je doute qu'il y ait eu une nouvelle dispute, et je suppose que l'assassin a surpris sa victime, puisqu'il a frappé par derrière. »

Le médecin légiste conclut son discours en joignant les mains devant lui, attendant une réaction des policiers qui étaient devant lui.

Son tablier était encore plein de sang frais. Il s'était essuyé sommairement les mains dessus et le rouge qui tachait ses bras faisait penser de lui qu'il était plus boucher que médecin. Les manches de sa chemise relevées, elles, étaient d'un blanc immaculé.

La victime dont il parlait était un peu plus loin, reposant sur un plan de travail. Une couverture rougie était posée dessus par pudeur pour les visiteurs, mais l'odeur de la salle ne méprenait pas les invités sur le lieu dans lequel ils étaient.

« Letruand, soupira l'un des deux hommes de l'ordre, impatient, à quelle heure est-il mort ?

-Alors, voilà, justement, cela fait partie des... petites surprises. Ce n'est pas un homme. »

Il se dirigea vers le corps inanimé et l'homme qui avait parlé secoua la tête, lassé.

« Et le dire avant, ça t'est pas venu à l'esprit... ? »

Il fit un pas vers le médecin pour le suivre.

« Comment c'est possible d'ailleurs ?

-Ah ça, je ne sais pas. »

Letruand souleva le drap qui recouvrait le corps et leur désigna la poitrine et le sexe dont il était doté.

Les deux avaient la bouche bée.

Le plus petit des deux policiers, celui qui n'avait pas encore parlé, écarquilla les yeux et bafouilla quelque chose :

« Pourtant... comment se fait-il que... Ses papiers étaient bien au nom de Simon, non ? Ca voudrait dire que c'est des faux alors ...?

-Encore une qui voulait gruger les lois, résuma son collègue, comme agacé.

-Quand on l'a trouvée, ajouta le légiste, cette... euhm... personne s'était aplati la poitrine et dans son pantalon, il y avait ça. »

Il se retourna et prit quelque chose sur le meuble derrière lui. Il tendit l'objet aux deux policiers. C'était quelque chose d'élastique, mou et phallique.

Aucun des trois avaient déjà vu ce genre de chose. Ils étaient stupéfaits et une marque de léger dégoût s'était dessinée sur leur visage.

« D'accord... reprit le premier qui avait pris la parole. On est tombé sur une vraie folle à lier. »

Il leva les yeux au ciel avant de négliger l'objet et de le rendre au médecin-légiste.

« Donc, quelle heure ?

-Dans l'après-midi probablement. Le coup était si violent qu'il sévèrement fendu le crâne et atteint le cerveau. C'est bien de là que provenait la flaque de sang dans laquelle... j'ai dû patauger. Il... enfin elle est morte sur le coup.

-Rien d'autre à ajouter ? demanda-t-il en hochant la tête après ces affirmations.

-Non, rien d'autre. Pas de drogue, de relation sexuelle récente – d'ailleurs, il n'y a jamais eu de relation sexuelle. Les traces de défense et de coups datent, et j'en suis convaincu, d'il y a quelques jours. Il n'y a pas non plus de marque de mariage ou de divorce, ni de trace religieuse. Elle n'était pas enceinte non plus. Et je n'ai rien trouvé dans ses vêtements.

-Quel âge avait-elle ? l'interrogea le plus petit.

-Je dirai un peu moins de trente ans.

-Bon, l'autopsie n'aura encore donné aucune piste, rétorqua le plus agacé des deux. »

Letruand leva les yeux au ciel et murmura un « merci » ironique, mais répliqua immédiatement ensuite.

« Elle vous aura appris plutôt dans quelle direction ne pas chercher. C'est important aussi.

-Ouais, ouais, c'est ça, dit-il avec un geste de rejet de la main, peu intéressé par cette réponse. On va chercher son frère pour qu'il... la reconnaisse. Tu restes là, on revient. »

Les deux hommes en uniforme s'en allèrent, laissant le médecin-légiste agacé.

C'était quelqu'un de difficile dans les relations humaines, surtout parmi la police. Des deux qui lui avaient rendu visite, il n'était pas en bon terme avec le plus grand. Il avait des airs hautains, se croyait plus intelligent que lui – et que la plupart des gens – et le méprisait, lui et son métier alors même qu'il savait qu'il était essentiel. Il ne se laissait jamais faire, mais il se trouve que celui-là l'avait déjà menacé de prévenir papa le directeur de la police à la moindre remarque désobligeante à son sujet. Letruand la grande gueule avait été forcé de se taire ; ce qui ne tarissait pas la contrariété qu'il avait de devoir collaborer avec cet homme.

Il murmura pour lui-même, retournant à son bureau :

« D'accord. A vos ordres messieurs, tout ce que vous voulez messieurs. Quitte à me prendre pour un chien, ramenez-moi une gamelle aussi. »


Il n'eut qu'à attendre une dizaine de minutes, et les deux officiers revinrent accompagnés d'un troisième homme qui s'entortillait les doigts.

Il n'était pas très grand, et pas très élégant. Il semblait venir de la classe populaire, plutôt artisan qu'ouvrier jugea le médecin-légiste en se levant et en saluant cet homme.

"Suivez-moi."

Il l'emmena vers le corps et souleva le drap sur le visage de la morte. Il attendit la confirmation de leur invité.

Immédiatement, des larmes coulèrent sur ses joues et il détourna le regard, prit de tremblements.

"Oui... Oui, c'est bien... je suis bien son frère... Mais comment est-ce possible...?"

Il leva les yeux vers les policiers qui le guidèrent vers deux chaises, un peu plus loin des corps sans vie.

Le médecin-légiste vint s'asseoir près d'eux après avoir remis son cadavre à sa place, malgré le regard supérieur et catégorique du policier.

"Les papiers que nous avons trouvés sur elle étaient au nom de Simon et vous ne nous avez pas contredit quand nous l'avons désigné comme un homme, cependant, c'était bien une femme. Pouvez-vous nous expliquer cela ?"

L'homme eut une moue, et baissa la tête et les yeux avant de soupirer. Il cherchait ses mots, et après quelques instants, se lança :

"Non, ce n'était pas une femme. Il s'appelait bien Simon, tout le monde autour de nous, et autour de lui savait que c'était un homme et le traitait comme tel. Vous ne pouvez pas dire que c'était une femme. Simon était... mon frère et il faut que vous retrouviez son assassin...

-Vous ne pouvez pas contredire la science et la médecine... s'immisça Letruand.

-Et vous, vous ne pouvez pas connaître quelqu'un juste en le déshabillant ! éructa-t-il, agressif.

-Ah, reprit le policier, donc vous admettez que vous saviez qu'elle avait des attributs féminins."

Le frère de la victime, Charles, lança un regard assassin à l'officier puis baissa la tête en murmurant un "oui" quasi imperceptible.

"Bien, nous allons continuer cet échange dans les bureaux de la police, nous serons plus à l'aise. Je vous laisse vous remettre de vos émotions, nous vous attendons à l'extérieur."

Quand les morts parlent tropOù les histoires vivent. Découvrez maintenant