Prologue - La chasse

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Par cette nuit de presque été, l'obscurité se faisait de plus en plus inquiétante. Max se doutait qu'elle n'était pas due au fait qu'ils se trouvaient dans une forêt. Les feuillages des arbres n'étaient pas suffisamment denses pour recouvrir entièrement le ciel. Non, les nuages s'en chargeaient. Il continuait d'avancer à pas lents, prenant soin de recharger correctement son fusil. Même s'il se devait de rester aux aguets, ce geste tenait plus de l'habitude que de la crainte de tomber sur un prédateur nocturne. Pourtant, en cette dernière nuit de chasse autorisée, les chiens étaient indéniablement agités.

L'homme, toujours insouciant, se tourna vers son partenaire, qui quant à lui, paraissait étrangement nerveux. Mais malgré sa soixantaine passée et l'atmosphère pesante, Max était de nature allègre. Il préférait de loin une bonne dose d'adrénaline occasionnelle à sa vie calme et monotone. C'est dans la chasse qu'il trouvait son échappatoire au morne quotidien de Redtown.

-Que t'arrive-t-il Luke ? Demanda-t-il en observant son ami. Tu n'as pas trouvé quoi offrir à ta fille pour son anniversaire ?

Luke lui adressa un bref regard avant de scruter de nouveaux les alentours, son arme en main. Malgré ses trente années de moins que Max, il était bien plus méfiant. Peut-être plus craintif ? L'homme se contenta d'ignorer la question au travers d'un soupir.

-J'ai seulement un mauvais pressentiment, reprit-il sans transition, sachant pertinemment que le terme « simplement » était un euphémisme.

Deux autres chasseurs les suivaient, épuisés par une marche qui s'éternisait et la faim qui les tiraillait. Pour oublier ces désagréables sensations, ils s'obligeaient à se concentrer sur ce qui les entourait. Même s'ils ne voyaient plus aussi clair qu'en début de soirée, les sons leurs parvenaient distinctement. Et parmi les nombreux aboiements de leurs chiens, ils perçurent le hululement d'un hibou. Luke tressaillit. Pour les autres chasseurs, son inquiétude parut exagérée. Il en savait néanmoins plus que ses camarades.

-Détends-toi, les chiens ont encore suffisamment d'énergie pour bondir sur une bête.

Il avait parlé d'un ton si enjôleur que Luke s'y laissa presque prendre. Mais les chiens le rappelèrent bien vite à la réalité. Il ne devait pas perdre de vue sa mission.

-Vous entendez ? Demanda-t-il en levant la main pour imposer le silence.

Le vent soufflait plus fort qu'en début de soirée et les grillons se turent presque tous. Les quatre hommes, qui avaient arrêté leur marche, écoutèrent le reste des bruits nocturnes qui leurs étaient familiers.

-Les chiens sont agités ce soir, remarqua l'un des chasseurs.

-C'est exact, confirma Luke. Mais rien d'autre ne vous paraît étrange ?

Les trois hommes se regardèrent tout à tour, perplexe, chacun attendant la réponse des autres. Ils se tournèrent ensuite vers Luke qui, lui, avait déjà trouvé ce qui ne tournait pas rond. Ce dernier s'apprêtait à leur répondre lorsque les hurlements des chiens, qui s'éloignaient peu à peu, se multiplièrent.

-Ils sont beaucoup trop loin, même pour des bêtes dressées, et ce depuis trop longtemps.

-Ils reviendront lorsqu'ils nous entendront les appeler, reprit Max de sa voix rauque. Ces bêtes ont une bien meilleure audition que nous !

-J'ai l'impression qu'il y a d'autres chiens. Les aboiements sont plus nombreux.

L'un des hommes fut soudain pris d'un rire léger.

-Nous avons amené cinq chiens. Comment peux-tu différencier les hurlements de chacun.

Soudain, un cri plaintif et plus aigu se fit entendre. Il se répéta à plusieurs reprises alors que des grognements sourds émergeaient du fond des bois. L'inquiétude se perçu enfin chez les chasseurs, qui maintenaient fermement leurs armes. L'un des chiens hurlait de douleur. Max, dont la bonne humeur s'était éteinte, sortit un objet d'un gris métallique de sa poche. Ce sifflet lui avait été offert par sa femme, quelques années auparavant. Il était aujourd'hui devenu son porte bonheur. Il porta l'objet à ses lèvres et y souffla sans plus attendre. Même si aucun son ne semblait en sortir, les chiens, eux, l'entendaient. Ils aboyèrent de nouveau et, après plusieurs minutes d'attente, leurs pas se percevaient plus nettement.

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