Prologue

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2015, quelque part en Angleterre

Je courrais vers l’endroit indiqué par notre chef. Mes poumons brûlaient et ça faisait plus de deux jours que je ne sentais plus mes jambes. J’avais la vue embrouillée et j’étais au bout de mes forces. Je ne savais pas combien de temps mes jambes pourraient davantage me supporter. La fatigue m’avait déjà totalement gagnée et uniquement mon envie de survie me permettait encore de tenir debout. J’avais pour seul réconfort, quand la nuit tombait, la tendre lumière de la lune qui me remplissait de sa douce énergie. J’eus à peine pu savourer ses bienfaits, car j’entendis, à peine à un mètre de moi sur la gauche, l’obus d’Akuma explosé. Je lâchai un juron : il était beaucoup trop près. Je perdais du terrain. Ils me rattraperaient et je subirais le même sort que mon escorte : un terrible poison me serait injecté et je finirai en poussière.

Une cruelle racine qui sortait de terre causa ma chute. Je me retrouvai face contre terre. J’arrivais à flairer la sombre aura des démons qui se rapprochait.  

J’allais utiliser le peu de force qu’il me restait si je voulais demeurer en vie. Je n’avais plus le choix. J’adressai une prière silencieuse à mon astre céleste. Mon corps engagea sa transformation. Je percevais l’énergie lunaire qui circulait dans mes veines. Mes longs cheveux noirs de jais pâlissaient pour finir par être constitués que de blanc. Je me couvrais d’un magnifique pelage clair. Je me remis sur mes pattes et je recommençai à courir. Mes sens s’aiguisèrent. Je pouvais sentir les akumas derrière moi perdre du terrain par rapport à la louve que je suis devenue. Je hurlais à la lune pour la remercier de la force qu’elle m’avait donnée. Je fixai mon œil rouge et mon autre couleur azur sur la clairière. Ma course était enfin terminée! Six mages attendaient à l’entrée. Une fois que j’eus pénétré dans la clairière, les sorciers en sortir pour retenir les monstres. Encore davantage de morts… Nos sortilèges pouvaient affaiblir les montres, mais pas les tuer. Seul un exorciste en avait le pouvoir et ça faisait plus d’un siècle que le dernier était tombé.

Arrivée à destination, je regagnais l’apparence d’une femme de 23 ans. Mes poils blancs se changeaient en cheveux noirs. Mes pattes reprirent la forme de jambe et mes sens perdirent de leur efficacité, mais ils étaient toujours plus aiguisés que ceux d’une simple humaine. Je titubais légèrement en me mettant sur mes pieds. Le passage entre deux corps était épuisant. L’ennui de la transformation était la nudité qui s’en suivait, mais ça faisait longtemps que je ne m’en gênais plus. Je n’avais rien à cacher. J’étais belle comme toutes mes ancêtres sorcières de lune. J’avais des formes plutôt flatteuses. Ma peau était bien plus pâle que celle de la plupart des humains et mes yeux étaient pers, caractéristiques des êtres d’exception. L’astre céleste ne choisissait pas n’importe qui pour le servir. Il fallait tout de même représenter son élégance. Alors, je n’allais pas m’embarrasser du fait que les autres puissent voir mes avantages. Si ça les dérangeait, je n’en avais rien à faire. Ils n’avaient qu’à ne pas regarder.

Mon frère me considéra, gêné, avant de me lancer une robe noire et mon sac. De ce monde, seulement lui me manquerait. C’était la seule personne qui me comprenait : il est ma famille. Je lui sautai au cou. Il vacilla un peu avant de me serrer très fort contre lui. Des larmes coulaient le long de mes joues blanches. On me rappela à l’ordre. Je lâchai mon frère. Lui, il n’avait pas cédé, mais on pouvait quand même apercevoir que ses yeux étaient remplis d’eau. Il fit glisser un bracelet à mon poignet. Je détestais les adieux. Même si je réussissais ma mission, il y aura toujours un siècle qui nous séparait.

Après avoir séché mes quelques larmes d’un geste de main, je me dirigeai vers le pentacle. Je fis une ultime prière silencieuse à la lune. Avec ma chance, je pourrais bien être pulvérisée par le voyage ou… pire! C’est avec la peur au ventre que j’indiquai que j’étais prête. Les sorciers se rassemblèrent près de moi. Ils marmonnaient des paroles intelligibles. Pendant leur longue litanie, le pentagramme brilla d’une forte lumière rouge. La peur me serra la poitrine. Avant de ne plus en avoir l’occasion, je jetai un dernier regard à mon frère. Je sombrai dans le néant en quittant 2014 pour le 19e siècle, pour un prince fou et un cœur qui ne battait pas.    

Pour un prince fou et un coeur qui ne battait pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant