Chapitre 5:

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« Mais qu'est-ce qui te prends !? » Je lui demande, incrédule.

« Il est dangereux, c'est tout ! » Me rétorque sèchement Eléonore.

« Il a un humour déplorable d'accord, mais tu ne dramatises pas un peu? »

« Sauf qu'il te parle de démons ! »

« Eléonore, s'il te plait, les gens commencent à nous regarder ! » L'interrompt Clara, tout aussi mal à l'aise que moi.

« Ne t'approche pas de ce type, Léna, c'est tout ce que j'ai à dire ! »

« Arrête bon sang, tu n'as pas à me dire ce que je dois faire, c'est ma vie ! »

C'est le moment que choisit le serveur pour nous ramener nos commandes. Cela oblige Eléonore à se rasseoir et à se taire, ce qui me permet par la même occasion de me calmer un peu.

« Tout va bien ? » Demande le serveur en se concentrant sur Clara.

« Oui, oui. » Lui assure cette dernière en rougissant de nouveau.

« D'accord, n'hésitez pas si je peux vous aider en quoi que ce soit. »

Sur ce, il s'en va, non sans un dernier regard et sourire pour mon amie.

« Tu devrais réellement lui demander son numéro. » Lui dis-je avec le plus grand sérieux.

« Peut-être... » Elle aborde un air rêveur. « Je vais déjà essayer de lui parler pour en apprendre plus sur lui. »

Je me concentre alors sur Eléonore qui elle-même semble trouver un intérêt très particulier au contenu de son assiette. Elle sent mon regard et relève la tête pour me faire comprendre qu'elle est en colère. Je pousse un long soupir :

« Sérieux Elé t'abuse, tu ne connais même pas ce type. »

« Je n'ai pas besoin de le connaître personnellement pour savoir ce qu'il est... » marmonne-t-elle.

« Comment ça, ce qu'il est ? Il a beau être bizarre, il reste un humain. »

« Laisse tomber, tu ne peux pas comprendre ! »

Sur ce, elle se lève, dépose de l'argent sur la table, et commence à partir :

« Où vas-tu ? » Je l'interroge.

« A la bibliothèque, j'ai du travail en retard. On se voit plus tard. »

Je la regarde partir sans essayer de la retenir. De toute façon, cela ne servirait probablement à rien. Elle a besoin d'être tranquille.

* * * * *

Une fois à l'extérieur, Eléonore se met à accélérer le pas. Contrairement à ce qu'elle a raconté à ses amies, elle ne se dirige pas vers la bibliothèque. En réalité, la jeune fille n'a pas de destination précise en tête, elle cherche juste à se calmer. Cela ne lui ressemble pas de perdre ainsi son sang-froid. Elle a pourtant été entrainée depuis l'enfance à résister à toutes forme de pression. Sa famille ne serait pas fière d'elle.

A cette pensée, Eléonore esquisse un sourire amusé. Depuis quand se préoccupe-t-elle de ce que sa famille pense, elle qui déteste leur manière d'agir et leur façon de prendre tous les autres de haut ? Au contraire, elle a toujours été en confrontation avec eux. C'est d'ailleurs dans ce contexte que sa toute première rencontre avec Léna a eu lieu...

Perdue dans ses pensées, Eléonore met un petit moment à se rendre compte qu'elle est suivie. Quand elle le remarque enfin, elle s'arrête. Un garçon émerge alors de l'une des rues adjacentes. On lui donnerait une petite vingtaine d'années. Tout de noir vêtu, il aborde une démarche nonchalante, les mains dans les poches. Samael. A sa ceinture, est accroché un sabre dans un fourreau noir serti d'obsidiennes. Eléonore ne semble pas s'en formaliser. Tous deux se font face dans le silence durant un moment.

« Qu'est-ce que tu fais ici !? » Le questionne Eléonore, la voix légèrement tremblante.

« Tu sais qui je suis ? » Lui demande Samael en retour.

« D'après Léna, tu es Samael Blaize, un étudiant en Histoire nouvellement arrivé. » Elle croise les bras sur sa poitrine. « Je ne savais pas que les démons portaient un nom de famille, ni qu'ils avaient besoin d'étudier, d'ailleurs. »

« Que veux-tu ? J'avais envie de changer. Les enfers c'est un peu trop... Déprimant en cette saison ! J'ai besoin de soleil pour m'épanouir ! » Il écarte les bras de façon théâtrale en levant la tête, comme pour appuyer ses propos.

« Arrête tes plaisanteries ! Qu'est-ce qu'un prince des enfers vient faire ici ? »

« Tu me poses sérieusement la question ? Ta seule présence, la présence d'un chasseur de noble lignée, prouve bien qu'il y a un problème. Et ce problème, j'ai comme l'impression que c'est cette fille avec qui tu traine, Léna. » Le démon accentue bien fort son dernier mot.

« Laisse-là en dehors de ça, elle ne sait absolument rien de notre monde, ce n'est rien de plus qu'une simple humaine ! »

Samael s'approche de deux pas : « Ce n'est pas bien de mentir, petite chasseuse. Je sais parfaitement qu'elle n'est pas ce que tu prétends. D'ailleurs, elle commence à s'éveiller. Je ne sais pas ce que vous attendez, mais il est désormais beaucoup trop tard pour la cacher. »

Les yeux d'Eléonore prennent soudain une teinte d'un violet profond : « Si tu la touche... »

« Que comptes-tu faire si c'est le cas ? » La coupe le démon. « Tu te crois suffisamment puissante pour intervenir ? »

Samael dégaine une dizaine de centimètres de son sabre. Une épaisse fumée noire commence alors à se former tout autour de lui, le faisant disparaitre de la vue d'Eléonore. A sa place surgissent plusieurs énormes chiens noirs à trois têtes.

« Fan ! » S'écrie la jeune fille complètement encerclée.

Une dague magnifique dont la lame noire est couverte d'inscriptions runiques dorées se matérialise alors dans sa main. Elle se dirige droit sur le premier chien et le tranche sans la moindre hésitation. Le monstre ne devient poussière que quelques instants avant de se reformer.

« Et merde ! »

« Je t'avais pourtant prévenu que tu ne pouvais rien faire. Contemple ton impuissance à protéger ton amie. Mais d'ailleurs, est-ce vraiment ton amie ou joues-tu la comédie ? »

« Arrête de te comporter comme si tu étais au courant de tout ! »

« Mais qui te dit que ce n'est pas le cas ? »

Eléonore ferme les yeux et se concentre en plaçant sa dague devant elle. Cette dernière émet une lueur puis la jeune fille rouvre les yeux et donne un coup directement dans la fumée qui se dissipe instantanément, les cerbères avec elle. La ruelle réapparait comme si rien ne s'était passé.

Samael n'est toujours pas en vue quand Eléonore sent soudainement une lame froide sur sa gorge. Le démon derrière elle la tient à sa merci. Si elle bouge d'un millimètre, il la tuera. De cela, elle en est certaine.

« Les dés sont lancés, le destin se met en marche et rien ne peut plus l'arrêter, tu en es consciente ? » Chuchote Samael à son oreille. « Je sais parfaitement qui elle est et d'autres le découvriront très bientôt. Et avec votre niveau actuel, aucun de votre petit groupe ne peut faire quoi que ce soit pour la protéger de ce qui l'attend. »

Sur ces dernières paroles, il rengaine son sabre et disparait sans laisser la moindre trace. De son côté, Eléonore lève la tête et regarde le ciel obscurci par des nuages presque noirs.

« Je sais très bien tout ça... » Murmure-t-elle. « Ce n'était pas la peine de me rappeler l'évidence... Mais ce n'est pas non plus pour cela que nous allons la laisser tomber... »

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