« Je ne sais pas, je tâcherai de garder un œil sur elle, mais je ne vous garantis rien, elle est vraiment intenable » l'avertit Hannah en me jetant un regard en coin et en plaçant sa main devant sa bouche pour feindre une quelconque discrétion.
« Très drôle. Je ne serai pas long. Ne bougez pas d'un millimètre ou je vous promets que je le remarquerai. »
J'acquiesçai en silence tandis qu'Hannah haussait les épaules en jouant les parfaites innocentes. Lorsque Pierre, pardon, Paul nous eut laissées seules, il ne fallut même pas une minute pour qu'elle se lève de sa chaise. Elle s'étira, se dégourdit les jambes en parcourant la pièce, s'arrêta pour regarder par les fenêtres. Ayant quant à moi entamé la rédaction au propre de ma dissertation, j'ignorais sa présence du mieux que je le pouvais.
Pas très bien, donc.
Elle s'était assise à la place de Paul, à présent, et fouillait dans ses papiers.
« Tiens, il a laissé son téléphone » dit-elle en affichant un large sourire. « Maintenant, ça peut devenir intéressant. Si on envoyait un petit message à, je ne sais pas, sa copine ? »
J'espérais que son « on » n'englobait qu'elle et ses multiples personnalités.
« Comment peut-elle bien s'appeler, à ton avis ? » continua-t-elle comme si je ne m'étais pas cloîtrée dans le silence, suivant les consignes du gardien de prison à la lettre. « Si tant est qu'elle existe. Ou qu'elle soit humaine. Ah, zut. Il y a un mot de passe. »
Je la vis essayer une dizaine de combinaisons avant de perdre patience. Elle reposa le téléphone à sa place en haussant les épaules.
« Dommage. »
Elle se leva ensuite et vint se placer derrière moi pour lire par-dessus mon épaule.
« Tu sais que tu peux arrêter d'écrire ? Il est parti, au cas où tu n'aurais pas remarqué. »
Non, ce que j'avais remarqué, c'était que désobéir aux ordres relevait de la pathologique, chez elle. Elle s'empara de ma copie avant que je ne puisse réagir, et s'éloigna avec.
« Qu'est-ce que tu fais, rends-moi ça ! »
C'était les premiers mots que je prononçais depuis des heures. La première moitié de ma phrase, mutée par la sécheresse de ma gorge, s'en échappa rauque et quasi inaudible. Pour retrouver de la contenance, je me levai et tentai d'attraper ma dissertation, mais elle la tenait hors de ma portée. Étions-nous retournées en maternelle ? J'essayai une nouvelle fois, mais ne touchai que son bras. Quand je finis par mettre les doigts sur ma copie, ce ne fut que pour la voir se déchirer en deux. Hannah éclata de rire.
« Regarde ce que tu as fait ! » m'exclamai-je au bord du désespoir.
« Désolée. » Elle ne l'était pas le moins du monde. « Enfin c'est quand même toi qui a tiré dessus. »
Voilà, exactement ce que je disais.
« Incroyable. Tu es incroyable. »
Je me rassis à ma place en crachant des jurons mort-nés.
« Oh, ça y est. La petite intello du lycée s'apprête à pleurer comme un biscuit sur les ruines d'une misérable dissert' d'histoire. »
Je grimaçai à ces paroles. Il fallait croire que tout comme elle, je possédais une certaine réputation au sein de cet établissement. Voilà tout ce qu'on gagnait à récolter les meilleures notes. Les gens perdaient l'envie de vous connaître car ils étaient persuadés de vous avoir déjà cerné à la perfection. Ils m'imaginaient cloîtrée chez moi en permanence, la tête plongée dans des livres plus gros que le monde, me croyaient immunisée contre ce fléau qu'était l'ennui en salle de classe, et avaient à l'idée que je n'éprouvais du plaisir qu'en étudiant.
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INVI7IBLE (Dans le silence je perce)
ParanormalAmusant comme il suffit parfois d'une toute petite décision pour changer le cours d'une existence. Rachel Dumas est une élève de Terminale, brillante, mais un peu perdue. Elle voit sa vie défiler devant ses yeux sans avoir l'impression d'y participe...