Chapitre 5

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Désespérément, je tentais de battre mes ailes, et mon corps frêle d'oiseau bascula cette fois ci en avant. J'agitais mes ailes n'importe comment, n'étant pas du tout habituée à une telle longueur de " bras ". Je vis arriver le sol à une vitesse beaucoup trop rapide, mon petit corps léger plongeant sans que j'arrive à l'arrêter. Me rappellant alors des dessins qui couvraient les murs de ma salle de SVT, je pensais désespérément au geste d'ouvrir mes bras, et mon corps d'oiseau obéit. Mes ailes soudain ouvertes, je me mis lentement a planer, et j'atterris presque doucement sur le sol. Puis mes ailes me déséquilibrèrent et je tombais tête la première. Je poussais un petit sifflement de douleur quand ce que je pensais être mon bec heurta le sol. Je pensais au geste de remettre mes bras le long de mon corps, et mes ailes se replièrent en un froissement de plumes. À première vue, il me semblait que j'étais un corbeau. Mes ailes étaient noirs, quand je baissais les yeux, j'avais des fines serres noires à la place des pieds, et en ouvrant la bouche, j'apercevais un bec tout aussi noir. Devant moi atterrit alors beaucoup plus proprement Phyl, qui me dévisageait de son regard jaune.
- Eh bien ! Sacré transformation !

Je le comprenais ! Évidemment que je le comprenais, nous étions désormais tous deux des oiseaux. Et même si ce qui était sorti de sa bouche était un mélange entre un sifflement et un crôassement, ça sonnait a mes oreilles comme des mots.
Je n'osais plus bouger, ne voulant pas perdre l'équilibre. Je me sentais terriblement légère, j'avais l'impression que rien ne me retenait au sol.
- Merci, je répondis d'un air morose. Comment je redeviens humaine, maintenant ?
Ce qui était sorti de mon bec était un réel croâssement atroce, me confirmant bien que je devais m'être transformée en corbeau.
- Oh, je ne sais pas, me répondit gaîment le merle. Pour moi, il suffit que je le pense... À toi de voir si ça marche pour toi.

Je claquais du bec, agacé, comme un réflexe. J'avais du mal a réfléchir, perturbée par ma vision si petite, et mon équilibre précaire. Je pensais très fort à me transformer, mais rien ne se passa. Devant moi, Phyl reprit son apparence humaine sans un effort, et je restais bêtement devant lui. Il se pencha alors. Il me semblait si grand et menaçant que je voulus reculer en faisant un petit bond. Mais le bond que je fis était bien plus grand que prévu et je heurtais la paroi.
Sonnée, je poussais un nouveau croâssement. Je me sentais perdue dans ce corps que je ne maîtrisais pas, et terriblement vulnérable face à Phyl. Sa chemise était encore ouverte, et si j'avais pu être humaine, j'aurais rougi de nouveau. Il tendit alors la main, et m'attrapa soudain, me soulevant de terre en me maintenant. Je m'efforcais de ne pas paniquer en me sentant si petite entre ses mains, et il se mit à marcher dans le couloir que j'avais déjà visité, me tenant toujours. 

Une demie heure plus tard et quelques tentatives, j'étais toujours corbeau. Phyl m'avait posé sur la table de la salle E, et était parti chercher le Maître. J'avais tenté quelques pas, et en fait, c'était plutôt facile. Mon corps était léger, sans contrainte, ma vue précise, et quand j'étendais les ailes, je pouvais sauter un ou deux mètres sans problème. J'avais envie d'essayer de voler, mais je craignais de me prendre un mur devant le maître et Phyl.Je pensais de nouveau a me transformer en humaine, mais rien ne se passa. Une nouvelle crainte s'ajouta dans mon esprit : et si je restais coincée dans ce corps de corbeau ?

Je me mis sérieusement à paniquer quand je me mis à avoir faim. J'avais d'ordinaire envie d'une tartine au Nutella ou d'une pomme juteuse pour le goûter, mais là, dans mon cerveau ne cessait d'apparaître des images de vers de terre, de noix ou même de petits insectes. C'était perturbant. Je pensais manger, hop ! Une image apparaissait. Je pensais abri, hop ! Une nouvelle image me venait a l'esprit. C'était étrange, et malgré l'angoisse, presque grisant. Le Maître ouvrit alors la porte et braqua son regard sur moi. Il déclara sans préambule :
- C'est normal que tu ne saches pas te retransformer tout de suite. Ton corps n'est pas suffisamment habitué, et il a besoin de rester assez longtemps dans une nouvelle forme pour ne pas se transformer au hasard. Ta transformation actuelle n'est pas le fruit du hasard, puisque Phyl m'a raconté que tu es tombée dans le conduit A. Ton instinct, ou plutôt le gêne de Métamorphose, a pris la main sur ton corps pour t'imposer une transformation qui pouvait te sauver.

Il s'avança vers moi et s'assit sur une chaise. Il reprit la parole.
- Il arrive parfois qu'un Métamorphe n'arrive pas à se transformer suffisamment pour éviter les Transformations Incontrôlées. Dans ce cas là, on doit généralement provoquer la transformation par un biais autre que la pensée, le danger, par exemple. Je pense que dans quelques minutes, le gêne rendra la main à ta raison et te redonnera ta forme normale. Il faudra que tu le souhaites très fort, en imaginant cette transformation se faire. Compris ?

Je voulus répondre " oui " mais ce qui sortit de ma bouche fut de nouveau un croâssement. Phyl, debout à côté de lui, sous forme humaine, déclara :

- Ça veut dire oui.

Je penchais la tête sur le côté, étonnée qu'il puisse me comprendre. Voyant mon étonnement, il expliqua :

- Je me suis transformé en oiseau suffisamment de fois pour que le gêne exerce aussi une dominance sur la compréhension de la parole. Je comprends tout à fait les oiseaux a présent.

Je le fixais, impressionné. J'avais toujours l'impression dérangeante de me trouver dans un film, et je m'attendais à tout instant a entendre parler d'une prophétie, d'un objet a protéger ou d'une secte d'ennemis, comme dans " l'Ordre des Gardiens " ou " Benjamin Gates et le trésor des Templiers. "

Ce qui suivit fut pire. Vraiment, pire.

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