Chapitre 2

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Hel'norii n'a jamais été très physionomiste, c'est relativement embêtant parfois.

Habituée à venir aborder les gens pour leur offrir son aide plus ou moins utile, elle rencontre et oublie quotidiennement une foule de visages dont elle ne peut retenir les traits. Ça lui est égal, ce qui lui importe c'est le bien-être de ces gens, pas la forme de leur nez. Mais elle s'est rendue compte avoir apparemment aidé plusieurs fois les mêmes personnes sans les reconnaître. Elle espère sincèrement qu'ils ne se vexent pas trop. Pour parer ces inconvénients, elle développe des sortes d'astuces, des pense-bêtes à accrocher dans son cerveau. Par exemple, reconnaître les gens à leurs vêtements ou accessoires. Classique mais efficace ! Ou alors à leur façon de parler, un accent... Ou encore s'ils ont vraiment un trait particulier, dans ce cas il est facile de les reconnaître ! Une stature imposante ou courbée, une grosse cicatrice, une jambe en moins, une longue barbe... Bon, évidemment, face à un banc de vieillards, c'est compliqué. Toujours est-il que parfois, des pense-bêtes s'ajoutent naturellement à son mur sans qu'elle n'y prête attention, pour ressurgir parfois au bon moment, parfois trop tard.

Aujourd'hui, l'elfe profite de l'absence de clients pour rêvasser un peu et regarder les gens présents dans l'allée. Il y a évidemment les marchands permanents, comme elle, dont elle connaît bien les visages à force de les côtoyer depuis des années. Mais ça la rassure toujours de constater la présence de leurs éternels accessoires personnels. Un châle, un collier, des bracelets en bois, une imposante moustache... Ce sont bien eux. Pour les badauds, c'est une autre paire de manches. Visages furtifs à jamais perdus, seuls ceux qui ont quelque chose de remarquable pourront rester pour un temps indéterminé dans sa mémoire. Et en parlant de personnes remarquables, cet elfe caché dans d'imposantes robes blanches lui dit quelque chose... Ah oui, elle l'a violemment bousculé l'autre jour ! Elle espère qu'il va bien... Elle aime bien son drôle de turban qui lui cache toute la tête et la nuque, ça doit être pratique si on est sensible au soleil. Maintenant qu'elle y pense, elle doit l'avoir également aperçu une autre fois à un autre étalage. Mais elle n'en est pas sûre du tout, les tenues blanches pullulent à Altea, c'est le moins cher.
Elle le quitte des yeux, distraite par une petite fille qui passe, un panier de rubans dans les bras. Cette dernière renverse son panier en une cascade colorée dans l'allée comme elle se penche pour observer un gros scarabée sur une des pêches d'Hel'norii. Celle-ci sort immédiatement de son stand pour l'aider à les ramasser. Joueuse, la petite lui noue un ruban rouge autour d'une de ses petites tresses sans faire attention à son panier et en lui racontant avec enthousiasme une anecdote sur sa grand-mère qui apparemment recoud très bien les tuniques qu'elle déchire en jouant. Très intéressant.
Hel'norii a tout juste le temps d'entendre un avertissement de la voix rauque du vendeur de bijoux, et l'inconnu aux vêtements blancs se prend les pieds dans le panier resté au sol avant de s'étaler de tout son long sur les pavés !
Choquées, les deux filles se précipitent pour l'aider à se relever.

"Monsieur ! Ça va ? Vous ne vous êtes pas fait mal ? Monsieur ?"

Le monsieur en question a l'air un peu sonné mais commence déjà à se confondre en excuses. « Ah bon, il va bien alors...» songe Hel'norii, soulagée.

"Jejejejejesuisvraimentdésolépardonjevaisramassertoutçaohlalalaquelmaladroit..."

Il tente de remettre de l'ordre dans ses vêtements tout en ramassant les rubans et s'excusant à tout va. Loin d'être fâchée, la petite fille rit de son attitude penaude et lui tourne autour en tapant des mains et faisant semblant de l'ordonner de ramasser.
Amusée, Hel'norii se remet donc à ramasser les bouts de tissus, semblables à une immense famille de serpents de soie. Ses mains frôlent à plusieurs reprises celles de l'elfe confus, mais elle n'y fait pas attention. S'épinglant par réflexe un nouveau pense-bête, elle constate qu'il a des mains blanches et fines avec des taches de rousseur. Cela explique sans doute ses vêtements imposants, il doit être roux et avoir une peau fragile qui craint le soleil.
Mais lui, au contraire, s'excuse de plus belle à chaque contact, jusqu'à ce qu'Hel'norii lève le regard sur lui, qui garde constamment la tête baissée, rouge de gêne. Il semble vraiment ne pas avoir confiance en lui, pour éviter à ce point de regarder quoi que ce soit... Il parle très bas, rougit, se gratte, regarde à droite, à gauche, fixe le sol, arrange son turban... C'est presque étourdissant tant il est agité !

Hel'norii : Esclave du RoiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant