Niklas

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"Elles sont derrière moi."

Il court, de toutes ses forces.

"Juste derrière."

Ses petites jambes commencent à lui faire défaut. Il les entend courir, elles le rattrapent, et elles ne se pressent pas. Elles sont trop rapides. Il entend leur rire caquetant entre les arbres. Elles savent qu'elles vont finir par l'attraper.

"Au secours !" hurle t-il, à bout de souffle.

Mais il sait bien que personne ne peut l'entendre. Il est allé trop loin dans la forêt, là où les arbres sont noirs et décharnés, là où les buissons d'épines sont rois.

Là où vivent les sorcières.

Pourquoi, pourquoi n'a t-il pas écouté maman ? Elle lui avait pourtant dit de ne pas s'éloigner de la maison. De toujours rester sur le chemin.

Il pense à la douceur de sa main sur sa joue. A son regard tendre.

"Ne t'enfonce pas dans la forêt, Niklas. Ou les sorcières viendront te prendre !"

Papa avait ricané derrière son journal, et le regard de maman s'était fait encore plus doux. Elle savait qu'il méprisait ses croyances. Mais elle l'aimait tout de même. Papa n'était pas du pays, il ne pouvait pas comprendre. Ce n'était pas sa faute.

Niklas repense aux mots de maman, tandis qu'il slalome entre les arbres tordus. Ses pieds lui font mal. Sa poitrine aussi. Il sait qu'il va bientôt devoir s'arrêter. Il pensait courir vers la lisière de la forêt, mais ici les buissons se font plus touffus, plus serrés. Les épines déchirent sa chemise, lacèrent ses bras et ses petites mains, et le sang qui coule dans son sillage excite ses poursuivantes. Leurs enjambées se font plus grandes, leur rire plus aigu, et les arbres se courbent sur leur passage.

Il sent leur souffle sur sa nuque. Ses cris se muent en sanglots.

Une satanée branche morte. Posée là sur le sol, comme pour le faire tomber. Exprès.

Il trébuche et s'étale dans les feuilles et le bois pourri. Il halète et sanglote, et la terre emplit sa bouche. Il essaie de se relever, puis se fige.

Trop tard.

Tout est silencieux. Les branches ont cessé de craquer dans son sillage.

Elle sont là.

"Maman !"

Le petit Niklas hurle une dernière fois, et la fin de son cri s'étouffe dans un terrible gargouillis, alors qu'une main décharnée agrippe son épaule et qu'une autre lui déchire lentement la gorge.

"Maman..."

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