Il se lève du piano et allume la télé pour donner un bruit de fond à la pièce. Monsieur a ses manies. Il sort son paquet de cigarettes et un briquet de sa poche puis se rapproche de moi.
- Alors qu’est-ce que tu veux ? demande t-il en amenant une cigarette à ses lèvres.
- Ma mère va mourir.
Il me lance un regard peu étonné puis allume sa cigarette avant d’aller s’asseoir dans le canapé. Exaspérée par son attitude, je m’interpose entre lui et la télévision, me postant juste devant sa tête.
- Tu écoutes ce que je te dis ?
- Bien sûr, fait-il en haussant les épaules. Ça fait des mois que ta mère veut mourir, je ne vois pas ce que je pourrais faire pour t’aider.
- J’ai besoin d’argent pour payer les frais d’hospitalisation.
- Ne compte pas sur moi.
- Tu es toujours aussi serviable à ce que je vois !
- Rentre chez toi.
Sans me faire prier, je récupère ma veste et quitte le manoir sans prêter la moindre attention aux gardes qui surveillent le domaine. Longeant les maisons de la rue, je m’engouffre dans une petite ruelle et pousse la porte de ma maison. Ce n’est même pas une maison, c’est un taudis dont les murs menacent de s’écrouler à chaque instant. Ma mère est assise sur une chaise, face à l’unique fenêtre du salon et elle tient entre ses mains une vieille photo de mon père et d’elle. Ça fait longtemps…Je regarde ses poignets qui témoignent du nombre de fois où elle a essayé de se suicider sans y arriver depuis la mort de mon père.
- Tu étais encore chez lui ? me demande t-elle sans me regarder.
- Je te l’ai dit en partant, je…
- Tu ne m’as rien dit du tout !
Je soupire. Depuis que ma mère refuse de s’alimenter normalement – déjà que nous n’avons pas énormément de choses à manger – elle oublie une quantité inquiétante de choses et de discussions. Le dernier médecin qui l’a vue a décidé qu’il fallait la faire hospitaliser pour son anorexie, mais elle refuse, et comme je l’expliquais à Klaus tout à l’heure, nous n’avons pas les moyens.
- Je ne veux plus que tu ailles chez lui, tu m’entends ?
- Pourquoi ? demandé-je une fois de plus.
- Tu oublies ce qu’il t’a fait ? L’état dans lequel tu t’es retrouvée ?
- Non ! Je n’oublie pas, mais c’est une histoire qui appartient au passé, Maman ! Ça ne sert à rien de toujours remuer le couteau dans la plaie !
- Pourquoi tu vas chez lui ?
- Parce que chez lui au moins je ne crève pas de froid ! Il paie ses factures, il a à manger, et de l’eau chaude ! Au manoir, même si je suis mal à l’aise dans ce luxe, j’ai l’impression d’être normale et pas une ancienne droguée sans avenir !
Elle ne répond rien. A cet instant, j’aimerais bien pouvoir aller m’enfermer dans ma chambre et la fuir. Malheureusement, le salon est aussi notre chambre, la cuisine et l’entrée. Tout à la fois. Et la minuscule salle de bain ne me permet pas d’y installer un matelas. Une fois de plus elle me répète qu’elle veut mourir et je mets la tête sous mon oreiller pour ne plus l’entendre. Faisant abstraction des banalités qu’elle émet sans se lasser, je me remémore l’époque où mon père était là pour contrôler les pulsions auto-destructrices de ma mère. Il me manque tellement. Et en partant, il a malheureusement emporté mon équilibre et celui de ma mère avec lui.
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Dans Ton Ombre
Romance" J'ai du mal à reprendre mon souffle et je baisse la garde un instant pour essayer de mieux respirer. C'est le moment qu'il choisit pour bondir sur moi et tordre mes bras dans mon dos en m'arrachant l'arme. Son visage à quelques centimètres du mien...