Coup De Main

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Un énorme fracas avait retenti dehors, tranchant à travers le silence vespéral. Helline reconnu le son du tonnerre et ce fut la première fois qu'elle l’entendit en vrai. Jamais le moindre orage n'avait traversé cette ville auparavant. Elle s'approcha du mur et observa, ébahie, les gouttes battant avec force contre la fenêtre. Un voile de pluie empêchait de percevoir le moindre objet à l'extérieur mais le bruit du vent contre les arbres ne laissait pas de doute quant au spectacle qui devait s'y dérouler. Helline profita du sentiment de sécurité que provoquait la pièce chauffée et tranquille, tout en observant à travers la vitre le déchaînement extérieur.

En y repensant, elle constata que l'orage durait depuis sa visite au cimetière mais elle l'avait seulement oublié une fois dans la librairie. Elle récupéra le livre et voulut à nouveau lire le synopsis lorsque la porte s'ouvrit doucement.
Une touffe de cheveux châtain apparu et Helline les identifia à ceux de son collègue chargé des récupérations de livres. Il est un des rares avec qui elle a eu des contacts car il est chargé de lui remettre les caisses à trier. Tandis qu'elle tentait de se remémorer son nom, il se passa la main derrière le crâne et lui parla d'une voix peu assurée.

- Hey Helline heu…ça va ici ? 

- Bonsoir…Tristan. Oui tout va bien. 

Le voyant observer avec attention la pile vacillante de bandes dessinées devant lui sans rien dire, Helline demanda :

- Tu as besoin de quelque chose ?

Ledit Tristan se tortilla et lui répondit dans un amphigouri absolu :

- Ouais à vrai dire, je sais que j'ai pas vraiment pris congé pour aujourd’hui mais… En fait je dois aller à Ira. Tu sais, là où y'a les montagnes, de l'autre côté de la région ?

Helline acquiesça, voyant parfaitement de quelle ville il voulait parler puisque c’était la seule de la région à rapporter un centime de tourisme.

Tristan poursuivit :

- Hum en fait mes parents m'ont indiqué de les rejoindre y'a, il regarda sa montre d’un air toujours stressé, une heure environ. Et ils, comment dire, ils exigent vraiment que je sois là-bas dans une semaine max.

Il regarda Helline pour s'assurer qu'elle suivait toujours celle-ci ne changeait pas son expression neutre.

- Mais vu que cette ville est pourrie, le seul moyen aussi rapide d’y arriver c'est le train. Train qui n'a de départ que tous les deux jours. Tu vois où je veux en venir ?

Encore une fois Helline acquiesça et voyait toujours où il voulait en venir. Un jour où elle s'ennuyait particulièrement, elle avait mémorisé tous les horaires de la semaine de la gare. Celui que devait prendre Tristan n'avait un départ que le lundi, mercredi et vendredi. À 18h30.

Helline prit la parole :

- Mercredi, et il est 18h00. Tu ne devrais pas déjà être sur le quai ?

Tristan tenta un sourire mais n'y parvint pas tant il était dans un état de panique extrême et finit par faire une grimace bizarre.

- C’est là que tu entres en jeux, j'ai pas eu le temps de faire la cargaison aujourd’hui. Je me demandais si tu pouvais la faire à ma place ?

Helline comprit pourquoi il s'adressait à elle directement et ne passait pas par l’intermédiaire de leur boss. Celui-ci était un vrai tyran et effrayait tout le monde sauf Helline. Il ne supportait pas qu’on ne fasse pas les choses dans les règles ou qu'on perturbe son organisation. Clairement pour ne pas trop le froisser, Tristan aurait dû prévenir un mois en avance.

Helline n'avait rien contre Tristan cependant alors elle lui dit :

- Je n'ai rien à faire dans les deux heures qui viennent donc ça ne me dérange pas mais par ce temps le boss pourrait certainement faire une exception.

- Franchement merci si tu veux bien faire ça pour moi, je te paierais mon salaire de la journée peu importe si le boss accepte de retarder la mission ou non, la remercia-t-il soulagé.

- Très bien c'est bon pour moi mais pourquoi cela te tient tellement à cœur ? Tu as l'air stressé rien qu’à l’idée de cette mission, répondit-elle perplexe face à son attitude.

- Alors déjà parce que mon train est dans vingt minutes mais bon ça je gère. Enfin j'ai surtout peur de voir mes parents. Ils ne me demandent jamais de les voir et la dernière fois que c'est arrivé, j'ai dû les suivre dans leur déménagement à l'autre bout du pays. Et puis bon t'es aussi un peu intimidante et j'avoue que le manoir où se trouvent les livres est plutôt effrayant.

Helline se rappela avoir entendu un jour qu'il n’était pas de la région ce qui était extrêmement rare dans cette ville. Elle se dit que c’était sûrement la raison pour laquelle il était le seul à engager la conversation avec elle parfois.

Tristan regarda quelques secondes autour de lui et ne sembla rien trouver de plus à dire alors il lui serra simplement l’épaule dans un signe de remerciement. Il chuchota un merci étranglé avant de repartir en trottinant jusqu’au bruit de clochette caractéristique de l’entrée de la librairie.

« Quel gosse de riche » se dit Helline en calculant la masse d'argent supplémentaire qu'elle se fera en travaillant une heure de moins. Le résultat la satisfit puisque c'est en ricanant qu'elle pris ses affaires et sortit du bâtiment. Le garçon lui avait envoyé toutes les informations nécessaires par sms et avait laissé les clés de la camionnette de la librairie derrière une roue.

Le trajet commençait à se faire sérieusement long lorsque le GPS annonça qu'elle était arrivée dans la rue de la destination.
 

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