Alors que le petit village se réveillait à peine, une ombre, agile et gracieuse, se faufilait avec aisance entre les rues. De peur de briser la sérénité de cette vie villageoise, cette ombre entamait une course silencieuse à une destination, jusque-là, inconnue.
Dans chaque rue où elle passait, elle laissait derrière elle des effluves d'un parfum légèrement sucré comme seule preuve de sa présence. Couvrant toutes les parties de son corps, sa tenue sombre et sportive ne laissait voir que des yeux miel et perçants encadrés par de courtes mèches rousses et en bataille. 

Elle s'arrêta soudainement devant ce qui paraissait être une auberge, d'après les caractères arabes qui ornaient son entrée, et en escalada les murs pour finir sa galopade matinale en hauteur. 

Dans ce décor arabe qui rappelait "Les milles et une nuit", elle n'était pas là pour répandre de la magie ou des paillettes. Et elle le savait très bien. Cependant, elle refusait de l'admettre. Elle refusait d'admettre qu'elle était ici pour briser ce calme et cette tranquillité qu'elle s'appliquait tant à préserver grâce à ses pas silencieux. Elle freina des quatre fers pour examiner la villa qui se tenait devant elle, désormais. Villa qui, moderne et luxueuse comme elle était, contrastait violemment avec les habitats berbères et modeste du village. Venant ici pour une mission et non pour reluquer des villas, elle sortit du sac de sport qu'elle trainait avec elle tout ce temps, un sniper dépiécé pour le mettre en pièce. Une fois sa tâche achevée, elle s'étala à plat ventre pour venir placer son œil dans la petite lunette de ce dernier, dans le but de mieux viser sa cible.
Sa cible, un homme d'une cinquantaine d'année, était le chef d'un gang, "The Merciless", qui a osé se mettre dans le chemin du boss de son boss : the one and only Gabriel Adley, et qui donc, méritait la peine capitale. 

Le vieil homme vint alors se placer devant sa véranda pour admirer le soleil levant qui renvoyait timidement ses rayons pour réchauffer les corps, et pourquoi pas les cœurs, ce qui fit de lui une cible facile pour notre tireuse d'élite qui, en retenant sa respiration, écrasa la gâchette de son doigt. En à peine quelques secondes, une balle vint se loger dans la nuque du millionnaire qui mourut quelques instants plus tard. Dans un soupir, l'ombre qui n'en était plus une, se leva, rangea son matériel et revint sur ses pas.

Qu'est-ce que c'est que le désespoir ? Ce sentiment qui nous hante, nous brise et nous vide ? Une illusion ? Un mensonge ? Ou alors, la réflexion de nos peurs et douleurs ? Mais, c'est trop tard maintenant pour le savoir parce que, peu importe ce que c'est, ça la consume de l'intérieur. Elle qui voulut tant survivre dans ce monde cruel, finit par causer la mort, les saignements et les pleurs. Elle le sait très bien puisqu'elle le sent à chaque fois que le jour se lève ou que le nuit tombe. Néanmoins, elle ne fait rien, et, comme n'importe quel assassin, elle continue d'enjamber les corps étalés par terre qui s'accumulent, traînant derrière elle un passé témoin de qui elle est.

- Maylea ! Cria une voix.
La dénommée Maylea sursauta à l'entente de son nom et essaya d'émerger du sommeil dans lequel elle s'était noyée. Cette mission l'avait bien épuisé.
- Aller ! Debout ! Le commandant veut te voir pour ton rapport, continua cette voix.
- Il ne peut pas attendre, sérieux ? Fit-elle encore dans les vapes.
- Tu connais déjà son caractère capricieux, courage.
- Merci, Damen. J'y vais de ce pas, lança-t-elle ironiquement.
Damen, était la seule personne de son escouade avec laquelle elle s'entendait bien. La seule personne qui ne la jugeait pas pour ce qu'elle faisait. La seule personne qui la voyait comme une personne et non un fantôme. Peut-être parce qu'il était dans le même état qu'elle, peut-être parce qu'il était juste gentil ou peut-être parce qu'il voulait se la taper. Mais pour l'instant elle essayait de ne pas trop y penser. Accompagnant le geste à la parole, elle se leva et sillonna les corridors pour finir par toquer à la porte de son patron après un long soupir las. 

Une demi-heure après, son supérieur annonça, enfin, qu'elle pouvait disposer. Ne se le faisant pas répéter deux fois, elle sortit en courant presque pour aller se réfugier dans le balcon de la salle de repos. Cette dernière se trouvait dans une sorte de gros bunker secret qui, vu de l'extérieur, ressemblait plus à une usine qu'au foyer d'une organisation qu'on nommait "The sons of Anarchy". Il y avait de tout : un terrain, une salle de sport, une armurerie, un stand de tir, une cafétéria, des logements pour les membres, des bureaux... Bref, son image extérieure de petite usine pourrie trahissait l'immensité et le luxe de son intérieur. 

Sur le balcon désert, il faisait au moins moins dix degrés et la neige avait rendu le sol glissant et mouillé. Ne prenant pas en compte ces deux facteurs, Maylea ferma la porte derrière elle, puis, de la poche de sa veste en jean, sortit une boîte de cigarettes "Huff & Puff". Elle en coinça une entre ses lèvres et ne tarda pas à y mettre le feu. Une odeur mentholée vint l'envelopper de sa douceur. Elle s'y perd alors et sentit une colère lointaine et glaciale quand elle se souvint que sa vie avait pris des tournures aussi dramatiques à cause d'une personne qui était déjà six pieds sous terre et qui, même durant son vivant, n'avait pas cessé de lui pourrir l'existence. Préférant ne plus y penser, elle écrasa son mégot sur le mur et le jeta par le balcon pour qu'il atterrisse on-ne-sait-où, et rentra finir sa sieste.

Le Calme dans le Vacarme -EN PAUSE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant