Son souffle était saccadé, son pouls était élevé, de la sueur coulait le long de son front et sa nuque, cependant, Maylea n'arrêta pas de taper sur le vieux sac de frappe devant elle. Ses frappes étaient vides : pas de rage, ni de tristesse, elle frappait juste avec force. Alors qu'elle mettait au sac de sable la raclée de sa vie, la montre connectée qu'elle avait au poignet se mit à sonner, elle répondit sans pour autant cesser son activité.

- Allô, Maylea, fit la voix de Damen depuis la montre.

- Oui, Damen, quelque chose ne va pas ?

- Non, enfin je crois, notre escouade a été convoquée pour un rassemblement dans 10 minutes. Tu as quelques idées.

La mort du vieux, certainement, pensa-t-elle en lâchant enfin sa victime de sac tranquille.

- Aucune idée, mentit-elle, à dans 10 minutes alors, salut.

- Salut.

Elle partit en courant d'air prendre sa douche et enfiler un T-shirt noir et des jeans de la même couleur, elle n'eut même pas le temps de sécher ou de brosser sa tignasse rousse. En zigzaguant dans les couloirs, elle arriva juste à temps dans une grande salle avec des chaises et une sorte de petite marche qui servait de « scène ». Elle chercha alors son partenaire des yeux et partit s'installer à ses côtés. Le général Gabriel Adley fit alors son entrée alors que tout le monde se leva. En levant les yeux au ciel, Maylea suivit le mouvement.

Ça va, ce n'est pas un Dieu non plus.

- Agents de l'Oméga-14, c'est avec une tristesse inouïe que je vous annonce la mort du commandant et chef de l'escouade, Joshua Miller, dont le cadavre a été retrouvé dans sa chambre le soir du 15 novembre à deux heures du matin au sein de notre organisation, commença le commandant.

Aucune réaction de la part des quinze agents présents dans la salle.

- Il sera enterré demain à l'aube dans le cimetière de la ville. Puisse son âme reposer en paix. Maintenant, je vous prie de tous vouloir vous lever et accueillir votre nouveau chef et commandant, Thomas Murphy.

L'homme qui venait d'entrer dans la salle était le même qui était assis dans le bureau de Gabriel au moment où Maylea était venue donner son rapport. Elle le détailla alors avec plus d'attention. Dans son costume noir et élégant, le prénommé Thomas Murphy avait une allure charismatique. Des cheveux bruns; mi-longs qui lui arrivaient à la nuque; une peau claire et pâle; un corps qu'on devinait corpulent et musclé; mais ce qui attira l'attention de Maylea, c'était ses yeux bleu clair et hypnotisants. D'ailleurs, depuis qu'il était rentré dans la salle et qu'il s'est installé sur l'estrade, son regard n'avait pas quitté celui de la jeune femme qui, beaucoup trop attirée par l'intensité de ce dernier, fit de même. S'ensuit alors un long échange visuel tumultueux avant qu'ils ne reprennent leurs esprits, peinant à expliquer ce qui venait de se produire.

Le fait qu'il était dans le bureau de Gabriel ce soir-là perturbait Maylea énormément. Est-ce que son supérieur lui avait demandé de commettre ce meurtre juste pour que cet homme prenne sa place ? Ou alors le défunt avait vraiment fait quelque chose qui avait vexé le général ? Ne pouvait-il pas juste le virer ? Et si c'était vraiment ce qu'il s'était passé ?

Félicitation, tu viens encore de tuer une personne innocente à tes yeux...

Peu importait maintenant, c'était déjà trop tard.

Après ce rassemblement qui avait duré une éternité, Maylea partit en direction de sa petite cachette, le balcon, pour griller une clope et profiter des basses températures. Alors qu'elle était adossée contre le mur du balcon et se pelotonnait contre le gros manteau qu'elle était allée chercher un moment auparavant, la baie vitrée s'ouvrit soudainement sur son nouveau chef qui fut, apparemment, surpris de la voir ici. Vu qu'il n'était pas du genre bavard, Maylea, par politesse, sortit sa boite de cigarette "Huff & Puff" et lui en proposa une.

- Et si je ne fumais pas ? dit-il.

Maylea arqua un sourcil, le fixa un moment - sûrement pour voir s'il était sérieux - puis lâcha :

- Les traces jaunes de nicotine entre votre index et votre majeur droits, sortir sur un balcon alors qu'il fait un froid de canard et le fait ne pas répondre simplement par "Non merci, je ne fume pas." montrent clairement que vous fumez. Je reprends, une cigarette ?

Il en prit une, un petit rictus amusé sur les lèvres.

Un esprit d'observation et de déduction plutôt aiguisés, pensa-t-il, impressionné, avant de finalement tirer une cigarette de la boîte.

Pendant un long moment, tous les deux fumaient chacun sa cigarette dans un silence qui n'avait rien de gênant ou de pesant. De plus en plus de questions sans réponses torturaient les deux âmes qui, malgré les différents milieux d'où elles venaient, partageaient une douleur incurable qui les tuait à petit feu. Finalement, Maylea écrasa sa clope comme à son habitude et quitta le balcon sans un mot. Seules les fameuses traces de ce parfum légèrement sucré témoignaient de son ancienne présence.

Cette nuit, l'Oméga-14 a été convoquée pour le deuxième rassemblement pendant 24 heures, ce qui était vraiment louche et improbable. Dans les couloirs du QG, on entendait les pas silencieux des agents encore dans les vapes du sommeil se diriger vers le terrain où il faisait nuit - et froid surtout. Le nouveau commandant Thomas était debout, un T-shirt au-dessus duquel il avait enfilé son gilet pare-balle, les mains derrière le dos, et le regard sérieux. Une fois que personne ne manquait à l'appel, il commença un discours qui étonna plus d'un :

- Agents de l'Oméga-14, il est derrière vous le temps où vous glandiez dans vos chambres tous les jours de la semaine.

Parle pour toi, connard, pesta silencieusement Maylea, qui avait droit à une mission tous les deux jours.

- Cette nuit, c'est celle du changement. Agents de l'Oméga-14, j'ai une mission pour vous. Une mission de haute importance. On vient de me signaler une intrusion dans les quartiers généraux des États-Unis. Un intrus qui a réussi à hacker le système de surveillance et qui, en ce moment-même, se la joue discret et récupère tout ce dont il a besoin. Je pars du principe que vous êtes la meilleure escouade du QG, aucune décision ne doit être prise sans mon accord, c'est sous mon commandement que vous agissez. Est-ce clair ?

- OUI, MON COMMANDANT ! fit l'escouade, en chœur.

- Vous n'avez pas droit à l'erreur. 10 minutes pour vous mettre en tenue et pour préparer votre équipement.

En petite foulée, tout le monde partit se préparer pour la mission.

Le Calme dans le Vacarme -EN PAUSE.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant