Sa petite soeur la regardait avec de grands yeux.
- Pourquoi est-ce que tu te bats autant pour cette enfant ? demanda t'elle pleine d'incompréhension.
Je sais pourquoi je fais ça. Pourquoi ça me tient tellement à coeur, mais les mots ne suffisent pas pour l'exprimer. Ma main vint se poser sur ma cuisse, les jambes croisées, mon regard se perdit soudainement dans le vide.
- Sais-tu ce que sais de vivre tout en sachant que tu es différente des autres ?
Sa petite soeur commençait à s'énerver
- Pourquoi tu réponds à ma question par une autre question ? cria-t'elle
- Reponds, repris-je. Je réponds justement à ton interrogation, ne soit pas impatiente.
- Je sais pas, je me suis jamais posée la question dit-elle en croisant les bras.
- Très bien, les personnes différentes ne se la posent pas non plus . Elles savent juste qu'il y a quelque chose en eux qui les rendent profondément incompatible, d'une certaine manière. Elles ressentent ce décalage avec les autres. Les relations deviennent fatiguante dûes à une sur adaptation de leur part. En effet, être "normal" demande beaucoup d'énergie quant on ne l'est pas.
- Oui, et ?
- Et ? repris-je. Et bien, imagine toi ne jamais te sentir à ta place, ne pas pouvoir être libre d'exprimer ton vrai toi, car il se ferait sûrement rejeté. Cette étrangetée dans ta façon d'être et dont tu ne peux te défaire. Faire semblant, essayer de changer à tout pris, te rejeter toi-même. La peur..., la tristesse de ne pas avoir de pair. Toujours cette sensation d'être extrêmement fatiguée. Cette morosité d'être née dans un monde d'inconnus, ou plutôt d'être l'inconnu de ce monde...
Est-ce que tu arrives à comprendre ça ?
- Euh...non, mais c'est pas grave d'être différent.
- Pour toi, mais pas pour d'autres, car ça signifie être condamné à mener une vie de solitude et d'insécurité. Être seule ça fait peur, car on sait qu'on est une proie facile. Cette enfant est seule en quelques sortes. Parfois, Dieu dépose sur les épaules des gens de lourdes épreuves et j'ai envie d'être là pour rendre ça juste un petit peu plus léger.
- Je te comprends vraiment pas. Pourquoi tu fais ça ?! Tu la connais même pas.
Mais je connais sa solitude. Je sais ce qu'elle ressent. En vrai, je ne suis pas d'aussi bonne intention que tu le crois.
- C'est dans ma nature tout simplement, lui répondis-je après quelques secondes.
- Tu ne réussira jamais en étant comme ça dit-elle tout en se levant et en partant.
Elle claqua la porte. Je me retrouvais face au mur blanc. Cette blancheur représentait la pureté pour beaucoup d'individus. Une fois sali, on peut passer une couche de peinture pour recouvrir les tâches. Et un humain alors ? Une fois sali peut-il retrouver sa pureté entachée ?
Les gens, l'environnement néfaste dans lequel j'ai évolué a eu raison de mon innocence.
Un esprit tordu comme le mien pourra t'il un jour retrouver des pensées candides ?
