Le col d'Aukili

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Notes de bas de page

Après délibération, j'ajouterais sans doute quelques notes de bas de page. Si vous pouviez me donner votre avis sur leur utilité, ce serait génial ! Je ne veux pas qu'elles freinent la lecture... Sur Wattpad, je les noterai au début, comme ici :

*Hyperoxie : excès d'oxygène dans le corps.

***

Sathoban lui fit mettre son respirateur dès le départ.

Sophia, qui ressentait depuis son atterrissage à Sunirma une gêne dans la poitrine, ajusta le masque avec soulagement. Il était de notoriété publique que l'atmosphère de Sunirma était plus chargée en O2 que le reste de la planète : on retrouvait systématiquement cette information dans les quizz des jeux de société. Mais dans la vallée encaissée où elle se rendait, le taux d'oxygène battait tous les records. Sans le Dilueur, Sophia aurait très vite subi une vaste batterie de symptômes liés à l'hyperoxie* : difficultés à respirer, toux, brûlures pulmonaires... et, à terme, cet apport trop élevé aurait endommagé ses poumons au point de causer sa mort.

Les Sunirmes semblaient s'être adaptés à cette particularité au fil des générations, mais les étrangers comme Sophia s'affichaient régulièrement la une des médias pour « rapatriement d'urgence en situation critique ». Elle-même avait été arrêtée à la douane de l'aéroport et conduite dans une petite pièce pour un interrogatoire dont elle n'avait pas saisi un mot. Finalement, une médecin lui avait signifié qu'elle devait passer un examen sanguin et l'avait fait souffler dans une machine bizarre.

Puisqu'elle n'avait pas prévu son séjour à Sunirma, Sophia n'avait pas eu le temps de se renseigner sur les prérequis pour rentrer dans le pays ; mais la praticienne était revenue avec une liasse de feuillets et une excitation stupéfaite sur le visage, lui expliquant à grand renfort de gestes quelque chose que Sophia ne comprenait pas.

Elle avait été autorisée à poursuivre sa route, c'était tout ce qui importait.

Le trajet depuis le refuge de Sathoban fut déplaisant. L'atmosphère humide pesait sur Sophia aussi lourdement que la chaleur. Il lui semblait que l'air s'était matérialisé autour d'elle en une ouate dense contre laquelle il lui fallait lutter. Le sentier n'était pas très entretenu, à peine dégagé sur les côtés par les coups de machette de Sathoban. L'éther bruissait d'échos lointains, les enveloppant dans un opéra discordant chanté par des chœurs invisibles.

Il semblait à Sophia qu'elle était épiée, observée, guettée par des milliers d'yeux aux voix désincarnées. Des mouvements furtifs et soudains renforçaient sa paranoïa, surtout quand ils se déclaraient au-dessus d'elle, dans la canopée. Elle se sentait comme une bactérie sous la lunette d'un gigantesque microscope, et son regard inquiet ne parvenait pas à percer la frondaison végétale qui s'élevait à plus de cinquante mètres.

Dans les trous d'eau et sur les palmes lobées de fougères titanesques, des grenouilles aux couleurs vives la fixaient de leurs yeux dorés. L'entrelacs musclé d'un serpent arboricole pendait aux branches, aussi vert que les feuilles dans lesquelles il se cachait. Alors qu'elles gravissaient le lacet de la sente entre les buissons plus haut qu'elle, Sophia se demanda s'il ne valait pas mieux faire demi-tour.

Tout semblait démesuré. Les dendrobates, qui habituellement tenaient sur l'ongle, auraient débordé de sa main. Le reptile vert, d'une espèce normalement longue comme le bras, pondait sans doute des œufs d'autruche. Et Sophia devait écarter de son chemin des feuilles larges comme une porte.

Alors qu'elle peinait à suivre l'aranéologue, qui ne faisait qu'emprunter l'itinéraire vers son lieu travail, Sophia regretta de ne pas pouvoir poursuivre leur avancée dans les hauteurs arboricoles. Son instinct lui criait que le sol n'était pas sûr, et il lui semblait à tout instant apercevoir entre les branches le regard d'ambre d'un gigantesque félin.

La Mue de l'araignée [Sous contrat d'édition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant