Chapitre 3

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Je secouais la tête vivement, comme pour me réveiller, et regardai mon reflet à nouveau : mes yeux étaient redevenus normaux.

Je ne comprenais absolument pas ce qu'il m'arrivait, ni ce qu'il s'était passé à l'instant. Je rangeai rapidement le bout de verre sous mon jupon et m'empressai de rejoindre le marché, mon panier sous le bras, encore choquée de ce que je venais de vivre.

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Il faisait sombre et brumeux ce jour-ci. On annonçait la venue d'une Lune rouge à la nuit tombée. J'aimais les nuits fraîches et pluvieuses de Londres, depuis toute petite je me sentais attirée par cette atmosphère que la plupart des gens qualifieraient d'angoissante. Pour une raison que je ne saurais expliquer, je me sentais bien lorsque la pénombre faisait son apparition.

Les affaires n'avaient pas très bien marché ce dimanche. La moitié de mes tapisseries s'étaient retrouvées tâchées à cause de l'altercation de tout à l'heure, ce qui réduisit considérablement  le nombre d'articles éligibles à la vente. Je remballai mon matériel et comptai mes sous... à peine de quoi acheter de la nourriture pour deux soirs. Je n'allais pas me plaindre, c'était mieux que rien, et j'allais pouvoir soulager maman d'un client ou deux. Les rues étaient déjà vides, et la magnifique Lune rouge luisait timidement à la cime des arbres dénudés de l'automne.

Je prenais mon temps pour rentrer chez moi ; je me sentais si bien, perdue dans la nuit, que mon agression n'était plus qu'un lointain souvenir à cet instant précis. Je n'avais plus peur de flâner seule dans les rues, à contrario de ce matin. Je pris une grande inspiration et me détendis, profitant de cette sublime soirée pour me promener un peu. Je me dirigeai vers le petit bois pour le longer, c'était un lieu mystérieux et apaisant pour moi.

Je regardais les lumières de la ville briller au loin, toujours en marchant tranquillement près de la forêt, lorsque j'entendis un bruit étrange. On aurait dit un hurlement de loup, mais c'était bizarre. Je n'arrivais pas à déterminer s'il s'agissait réellement d'un animal, ou si c'était le cri d'un homme.  Ma démarche se fit plus lente. Un autre hurlement retentit à nouveau, tout aussi confus que le premier. Il n'était pas rare de voir des loups en bordure de forêt la nuit, mais jamais je n'avais entendu de tels bruits. Poussée par une curiosité étrange qui ne me ressemblait pas, je m'enfonçai dans la forêt à la recherche de la source de ces cris.

J'avançais  à l'aveugle dans une obscurité quasi totale, suivant un chemin légèrement éclairé par un rayon de lune. Je suivais les sons, instinctivement, tel un animal à l'affut de sa proie. Au fur et à mesure que j'avançais, les hurlements se faisaient plus forts, plus clairs. J'en étais désormais convaincue : il ne s'agissait ni d'un homme, ni d'un loup.

Je finis par arriver dans une clairière, complètement perdue. Je regardai autour de moi : rien. Rien ni personne. Les hurlements avaient cessés, et je me retrouvais comme une idiote au milieu d'une forêt, en pleine nuit, seule. Je m'apprêtais à m'asseoir dans l'herbe pour me reposer un instant lorsque je vis deux yeux jaunes briller dans l'obscurité, à quelques mètres de moi. Je ne bougeais plus. Je ne respirais plus. Des grognements suivirent. Un loup châtain foncé, énorme, bien trop énorme pour être un simple loup, sortit de l'ombre. Il avançait de façon menaçante dans ma direction. Je reculais doucement, sans le quitter des yeux, essayant de contrôler ma respiration paniquée, lorsqu'il s'élança et se jeta sur moi... ou plutôt au-dessus de moi. Je me baissai et me jetai au sol, ventre à terre, avant de regarder derrière moi. Il y avait un deuxième "loup", noir ébène, encore plus grand que l'autre. Le premier se jeta sur lui avec violence avant de lui mordre le cou. Le deuxième fit un gémissement de douleur avant de donner un violent coup de tête qui fit valser le loup brun 3 mètres plus loin, se cognant contre un arbre. Le géant d'ébène débarrassé de son opposant, il jeta alors son dévolu sur moi. Son regard était plein de colère, plein de haine. Je me relevai rapidement et essayai de fuir. Il abattit sa lourde patte sur le bas de ma jupe, qui se déchira. Je trébuchai suite à ce contact et m'étalai sur le sol de tout mon long. La créature avança sur moi, salivante, prête à me dévorer. Je sortis le bout de verre qui me servait de couteau et le brandis devant le visage de la bête. D'un coup de patte, elle dégagea l'objet insignifiant de sa vue. Il gicla au loin. Elle continua d'avancer lorsqu'elle se retrouva soudainement projetée au sol avec force. Le loup châtain s'était brutalement élancé sur elle, la griffant à l'œil de sa patte puissante, infligeant une vilaine cicatrice à son rival. Le loup noir, enragé, projeta son adversaire violemment contre un rocher une dernière fois, avant de disparaître dans la nuit.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 11, 2020 ⏰

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