Basket-Ball Love

Chapitre 1

        Toutes les rentrées avaient ce même parfum pour Neil, un mélange d'appréhension et d'excitation. Cette nuit, comme toutes les années précédentes, elle n'avait pratiquement pas dormi, les yeux ouverts fixant le plafond de sa chambre d'adolescente, elle essayait de s'imaginer ce que lui réservait cette nouvelle année. Pour une fois, même la voix de Mariah Carey, sa chanteuse favorite, n'avait pas réussi à calmer son angoisse.

                La sonnerie de son réveil la tira brusquement de ses rêveries et elle sauta de son lit pour enfiler à la hâte les vêtements qu'elle avait soigneusement préparés la veille. Une tenue de rentrée est hautement stratégique et le moindre détail mérite d'être étudié avec attention. Espérons que cette fois cette peste de Charlotte n'aurait pas les mêmes chaussures qu'elle. 

                Comme d'habitude, sa mère l'attendait dans la cuisine où des bouquets de fleurs des champs séchés étaient accrochés au plafond et où flottait l'odeur de pain grillé habituel. Ces repères familiers contribuèrent à atténuer sensiblement la sensation de malaise de Neil.

        - Bonjour ma chérie.

        - Mmmh, ouais bonjour m'man.

        Après un rapide petit-déjeuner avalé à la va-vite malgré les protestations habituelles de sa mère vantant les mérites de la mastication, une touche de maquillage et un coup d'oeil au miroir, Neil était fin prête pour affronter cette jungle moderne qu'on appelle aussi le lycée. 

        - Salut meuf, l'accueillit Joe, son amie, t'es trop fraîche avec ton nouveau jean, ça te fait un cul de ouf, je serais un mec, j'me jette sur toi direct!

        Joe, ou Joceline pour les profs, était ce qu'on appelle une fille cool, au langage toujours fleuri. Toujours prête à faire rire les gens, même si c'était souvent à leurs dépens. Elle avait pris Neil sous son aile et se comportait avec elle comme l'aurait fait une grande soeur.

        - Arrête de mater mon cul toi, rigola Neil. Nan mais tu as vu cette pouf de Charlotte en mini jupe collée à Evan, elle ne changera jamais celle-là.

        Ce n'était pas dans les habitudes de Neil de dire des gros mots, mais elle pouvait rarement s'en empêcher concernant Charlotte, une peste de première qui ne manquait jamais de lui faire une réflexion ou un sale coup comme elle seule en avait le secret.

        Après avoir échangé et commenté les derniers potins concernant les personnalités phares du lycée. Elles se dirigèrent vers l'entrée pour savoir si elles seraient toujours dans la même classe cette année.

        Trop absorbée par leur conversation, Neil ne vit pas tout de suite le trottoir et se serait affalée par terre si son corps n'avait pas buté sur ce qu'elle pris d'abord pour un bloc de glace. Elle mit quelque instants à réaliser, lorsque deux mains énergiques la secouèrent brutalement:

        - Mais t'es sérieuse toi, tu peux pas faire attention où tu marches un peu?!

        - Quoi? Euh...pardon, je...je suis désolée, réussit à bégayer Neil.

        Cette agressivité l'avait totalement prise au dépourvu. Elle regarda avec un peu plus d'attention ce "bloc de glace". Un noir d'1m90 environ, ses grands yeux noisettes pleins de reproches contrastaient avec sa bouche bien dessinée qui attirait irrésistiblement Neil, sans qu'elle comprenne pourquoi. Il portait un tee-shirt blanc qui soulignait ses muscles puissants et un jogging noir tombant sur ses hanches et ses fesses rebondies. Neil avait la bouche sèche, jamais elle n'avait vu un mec aussi attirant.

- Ouais c'est bon, lança le "bloc" en s'éloignant, un ballon de basket sous le bras.

- Mais quel con ce mec, vociféra Joe après qu'il soit parti, ça va ma puce, tu as l'air toute bizarre?

- Ouais, ouais ça va, j'ai juste un peu mal à l'épaule.

        La joie d'être à nouveau dans la classe de Joe ne réussit pas à faire oublier à Neil les deux yeux noisettes pleins de colères dans lesquels elle s'était perdue quelques minutes plus tôt. Toute à sa réflexion, elle rentra dans la salle de classe machinalement et plongea littéralement de nouveaux dans deux grands yeux noisettes qui la fixait avec mépris. Son coeur manqua un battement, l'année commençait bien, décidément.