Le 20 avril 2017, je venais d'arriver à Doolin, bien loin de mon New York habituel bruyant et tout le temps en mouvement. Ici tout était calme, bien plus calme que dans mes souvenirs. Il n'y avait qu'une personne dans la rue qui me regardait comme si j'étais une étrangère, mais je n'en étais pas une.
J'avais décidé de faire ce voyage huit mois auparavant quand j'étais restée cloitré dans ma chambre. A chaque fois que cette période arrivait je ne me sentais pas bien et je restais souvent à me morfondre dans mon lit sans donner de nouvelles à personne. J'essayais à chaque fois de me convaincre que j'étais dans cet état-là dû à un burn-out. Il est vrai que je passais énormément de temps à travailler dans mon laboratoire de biologie que souvent j'en oubliais le reste, mais je savais au fond de mois que les blessures étaient bien plus profondes et plus anciennes. J'avais demandé des congés à mon patron en lui disant que je n'étais pas bien et il l'avait accepté sans problèmes. Coincée entre quatre murs j'avais eu le temps de réfléchir à ma vie et surtout à tout ce qu'il s'était passé à Doolin. J'avais évité pendant des années d'y retourner, tout ce qu'il s'était passé là-bas était flou dans mon esprit et parfois je me demandais si tout ça avait été bien réel. Le seul souvenir concret que j'avais de cette période-là était le tableau qui décorait ma chambre : celui des papillons volant au-dessus des falaises de Moher.
J'avais pris cette photo il y a quinze ans et c'était la dernière que j'avais prise avant de laisser mon appareil photo à ma mère et de ne jamais le récupérer. Tant de choses se mélangeaient dans ma tête, les bons, comme les promenades à vélo avec Ethan et les mauvais qui avaient précipités notre départ. J'avais téléphoné à mes parents pour prendre de leurs nouvelles, ils habitaient Londres et je les voyais peu. C'était toujours mon père qui répondait toujours au téléphone et je lui racontais ma vie quand il y avait des choses à dire. Je lui expliquai que je n'allais pas très bien en ce moment et il s'inquiéta. Je le rassurai sur ma condition et lui expliqua que j'allais venir à Londres bientôt et retourner en Irlande à Doolin. Il ne polémiqua pas sur ce dernier point, on parlait très peu de ce qu'il était arrivé là-bas, ma mère évitait le sujet et mon père ne semblait pas ce souvenir de tout. Il faut dire qu'au moment où nous vivions en Irlande il travaillait beaucoup sur une mission de haute importance qui lui avait laissé des séquelles psychologiques. L'armée lui avait même donné une retraite anticipée après Doolin.
On discuta plutôt de ma venue possible pour les voir, je lui dis que je comptais planifier ça dès que j'irais mieux. Il me posa plusieurs fois la même question « tu es sûr que ça va aller ma chérie ? » je lui répondais oui, mais il faut avouer que je n'étais pas au plus haut de ma forme.
Pendant cette période, je passais de nombreuses heures allongée sur mon lit sans rien faire ou en regardant des vidéos idiotes sur mon téléphone. Parfois des amis m'appelaient pour savoir s'ils pouvaient passer me voir, mais à chaque fois je répondais que j'étais trop fatiguée et qu'il fallait que je me repose. Un matin, j'ouvris ma fenêtre et je vis des papillons passer dans le ciel juste en face de moi. Ils étaient semblables à ceux que j'avais sur mon tableau, ce fut pour moi, un message du destin, il était temps que je me lève et que je recommence ma vie pour avancer. Je repris le travail quelques jours après et décida aussi de voir de nouveau mes amis. Je leur racontai que j'étais en train de planifier mon voyage à Londres sans leur expliquer que je comptais aller en Irlande. Peu de personnes connaissaient l'histoire qu'il y avait autour de ce pays et surtout de cette ville et je ne voulais pas leur expliquer tous les évènements et leur faire comprendre que c'était traumatisant de vivre un deuil aussi jeune. Il n'y avait que Mary qui était au courant alors sur le chemin du retour vers mon appartement je lui dis tout. Elle me répondit juste « si tu penses que c'est une bonne chose ». Les semaines passèrent vite et le 10 avril après des heures d'avion j'étais enfin à Londres, ville de mon enfance.
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L'envol des papillons
Short StoryUne fille retourne en Irlande à Doolin pour affronter son passé. Ses souvenirs se mélangent, ne sachant plus vraiment ce qui est réel et ce qui est imaginaire. Aura-t-elle la volonté de revivre tout ça?