Doolin m'émerveille

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Le 20 avril, j'étais de retour à Doolin treize ans après avec ma valise à la main et mon appareil photo autour du cou. La ville était calme, alors que dans mes souvenirs il y avait du monde surtout aux alentours des trois bars qu'il y avait dans la ville. Là, les rues étaient plutôt silencieuses et je n'entendais que le bruit des roues de ma valise sur le sol. « Peut-être que le soir il y aurait plus de monde ? » me dis-je pour essayer de me convaincre, mais je n'y arrivai pas. Je posai ma valise à l'hôtel et je me préparai pour une marche autour de Doolin dans le royaume de la nostalgie.

Je faisais la marche près de la côte pour rejoindre les falaises du Moher. De cette hauteur, je surplombais l'océan et je n'empêchai pas mes larmes de couler. Je pleurais de la beauté du paysage et des souvenirs qu'il me remémorait. C'était ici qu'Ethan était mort. Dans cette ville j'avais été une amie précieuse avec qui il pouvait partager des moments de jeux et de joie, pour moi ça avait été l'amour de ma vie dont je ne m'étais pas remise. A cet endroit précis nous nous étions disputés et je m'étais énervée  lui demandant de me laisser seule. Alors il était parti et j'avais plongé mon regard dans l'horizon espérant que la nature me donne la solution et elle me l'avait apportée à sa façon : Des papillons étaient apparus pour s'envoler devant mes yeux. L'un d'eux était vert, vert comme la tenue que portait Ethan ce jour-là, mais je n'avais pas compris le message. La pluie s'était abattue, une pluie qui me donne encore des cauchemars la nuit. Je m'étais dépêchée de rentrer, mais Ethan n'était pas là. Ethan ne serait plus là. Tous les habitants avaient fouillé les alentours, mais nous n'avions retrouvés que la pièce ancienne qu'il avait toujours avec lui. Sa grand-mère lui avait donné juste avant sa mort, aujourd'hui il l'avait rejoint.

Je mettais assise pleurant sans arrêt à tous ses souvenirs qui me revenaient. Treize ans après, les blessures étaient toujours intacts.

« Tu es toujours triste ? » me dit une voix venant de derrière moi. Je me retournais et vit un jeune homme d'une trentaine d'années, habillé tout en vert. Il me regardait et je compris qui il était

« — Ethan ?

— Désolé, je sais que je devais te laisser seule, mais je n'ai pas pu m'empêcher de revenir. Si je t'ai blessée je veux m'excuser »

Sans réfléchir je me jetai dans ses bras et il ne sut quoi faire. Parfois il avait l'air aussi maladroit que moi et cette pensée me fit sourire.

« Tu es vivant ? Criai-je.

— Oui, forcément, tu as l'air heureuse de me voir, je ne suis parti qu'il y a quelques minutes.

— Quelques minutes ? Mais ça fait treize ans que tu as disparu. Tout le monde te croit mort »

Il se gratta la tête, il avait l'air perplexe.

« Faut croire que ce n'est pas le cas » répondit-il en ricanant.

Je commençai à lui poser des centaines de questions, savoir ce qui lui était arrivé, pourquoi il était là, qu'est-ce qu'il avait fait durant ses années, mais il ne se souvenait de rien. Il avait l'air de se réveiller d'un sommeil de treize ans. Un sommeil qui l'avait transformé en beau jeune homme de trente ans. Je le regardais et il ressemblait à l'homme de mes rêves. Il avait un visage enjoué, des longs cheveux bruns et des yeux verts qui me faisaient déjà fondre quand j'étais jeune. Il était parfait. Nous sommes retournés à Doolin où je pris une photo de lui devant un pub. A l'intérieur je reconnus le barman qui n'avait pas changé. Quand je lui demandai s'il se souvenait de l'histoire du jeune homme qui avait disparu dans les falaises il me répondit que non. Est-ce que j'étais devenue folle ? Est-ce que je rêvais ? A ce moment-là, je n'arrivais pas à savoir. Je profitais de l'insouciance du moment sans me poser de questions.

Ethan parlait aux quelques personnes qui se tenait dans le pub, moi j'étais perdue dans mes pensées quand j'entendis le son d'un violon.

Je vis le jeune homme aux habits verts me tendre la main

« Viens, j'ai demandé s'ils pouvaient nous jouer de la musique et ils ont accepté. C'est un ancien groupe d'ici.

— Mais Ethan, je ne sais pas danser.

— Ne t'inquiètes pas, me répondit-il en me faisant un clin d'œil »

Il m'attrapa sous le bras et nous nous mimes à danser. Un flutiste, une chanteuse et une harpiste se joignirent au groupe improvisé. Tout me semblait si inconcevable, mais ma danse aux bras de l'homme de ma vie me fit oublier toute raison. Je dansais et je rigolais comme ça ne m'était jamais arrivé auparavant. Les chants traditionnels se suivaient, et nos pas de danses nous rapprochaient de plus en plus. Mes lèvres étaient si proches de sa bouche, mais je n'osai pas me lancer. Les musiciens finirent par s'arrêter, il commençait à se faire tard le soleil était en train de se coucher.

Ethan proposa d'admirer le coucher de soleil sur le chemin des falaises.

Nous passions devant son ancienne maison, mais il n'y avait plus personne. La petite maison rouge était déserte depuis des années. J'avais l'impression de me voir encore attendre devant sa porte. Chaque jour, quand nous étions enfant, j'avais envie de le voir alors j'espérais qu'il sorte pour que l'on puisse jouer ensemble. Je le faisais croire que je passais devant chez lui par hasard, mais je pense qu'il n'était pas dupe de mon manège. La première fois que je l'avais vu il était en vélo et je l'avais trouvé si beau et si élégant dessus que j'avais supplié ma mère de m'en acheter un pour aller avec lui. Je faisais des allers et retours dans la ville pour que l'on puisse se croiser et faire du vélo ensemble. C'est comme ça que l'on était devenu amis mais secrètement j'en attendais plus. Je rêvais déjà qu'il me prenne dans ses bras et que l'on soit ensemble au moins pour un jour en espérant l'éternité.

« Tu es encore dans la lune Laureen » me dit Ethan. Il m'attrapa par la main et on s'éloigna de ce moment de nostalgie. Je m'en voulais de ne pas prévenir ses parents, mais pour le moment je ne savais pas comment les joindre. Je me dis que je les préviendrai demain.

Nous marchions et je n'avais pas lâché sa main, je ne voulais plus jamais la lâcher.

Nous nous sommes assis pour admirer les dernières lueurs du jour. Je ne voulais pas faire la même erreur qu'il y a treize ans alors je pris mon courage à deux mains et me lança.

« Ethan, il faut que je te dise quelque chose que je ne t'ai jamais avouée. Voilà, c'est pas facile à dire, mais je veux être avec toi, j'ai passé ma vie à t'attendre, je l'ai toujours su et je ne veux plus jamais te perdre. »

Il me fit un grand sourire.

« Moi aussi je t'aime Laureen, mais on ne peut pas être ensemble.

— Pourquoi on ne pourrait pas ? lui dis-je d'un air accablé

— Parce que je ne suis pas de ton monde. Tes blessures ne sont pas celles que tu crois, trouve-les et panse-les. Ferme les yeux maintenant, s'il te plait »

Sans vraiment comprendre je lui obéis. Il mit ses mains dans mon dos et m'enlaça. Ses lèvres se posèrent sur les miennes. Elles avaient la fraicheur d'une pluie d'été et la douceur d'une caresse sur la peau. Il me murmura à l'oreille « je t'aime pour toujours » et je sentis ses mains s'éloigner de mon corps. De ce contact qui disparut, j'en frissonnai. Quand j'ouvris les yeux, il n'était plus là. J'avais l'ancienne pièce de sa grand-mère dans la main.

Il était de nouveau parti. Mon regard plongea loin dans l'horizon en espérant voir un message d'amour écrit dans les nuages, mais la nature ne me fit aucun signe.

L'envol des papillonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant