Chant d'en Vie

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Une femme se tenait seule face à une vaste étendue désertique, songeuse. Le soleil était au plus bas, laissant la fraîcheur de la nuit envelopper tout être vivant passant par là.

Elle avait marché toute la journée pour se rendre en ce lieu. était partie à l'aube pour y parvenir au crépuscule.

Elle était bien loin de sa tribu mais ce n'était pas cela qui la laissait pensive.

Elle réfléchissait à ce qu'elle ferait

Ce qu'elle me ferait, scellant mon destin pour toute une vie.

Elle savait que c'était à la fois une bénédiction et une malédiction pour moi.

Mais elle n'avait pas d'autre choix que de le faire, pour soulager sa culpabilité.

Lors de l'arrivée des premières étoiles, elle se mit à entonner une douce mélodie.

Elles prononça des paroles dans une langue oubliée de tous, transmise seulement à ceux destinés à devenir prêtres maya.

Son chant était ensorcelant. D'une douceur qui rappelait le plus violent des événements , d'une joie emprunte de tristesse, d'une peur pleine de confiance. Ou l'inverse, je ne sais plus.

Je serai incapable de vous dire ce que je ressentais quand elle chantait, ou même ce qu'elle pouvait ressentir mais je me souviens que tout, lors de son chant, s'est arrêté, comme figé dans le temps. Elle m'attirait irrésistiblement.

Alors, je parvins à me donner forme, moi gardien de l'amour universel, être sans corps terrestre.

Je me promenais au gré du vent, savourant la beauté de ce monde quand elle m'avait appelé.

Réalisant que j'étais visible à ses yeux, qu'elle avait ouvert les bras et chanté pour moi, ma joie avait éclaté, me rendant plus étincelant que jamais.

J'attendis qu'elle parle, en vain.

Enfin, je cru pendant un moment, qu'elle s'était murée dans le silence.

Posant ma main désincarnée sur sa joue, je l'encourageais à parler.

Elle me fixait, le regard ébahi, comme si elle ne croyait pas en ma présence.

Je me souvenais vaguement de son visage, de ses trait harmonieux, délicats, qui faisaient d'elle l'idole des petites filles de son village , et de sa sagesse déjà si grande qui rendaient fière les anciens.

Quand elle parla enfin, sa voix était grave, tremblante, et semblait sur le point de se briser à chaque mot :

« Eolias, mon amour, si tu savais comme ta présence me manque ! Ton rire me manque, ton amour me manque, ton souffle me manque ! »

Je ne répondis pas, assimilant ce qu'elle me disait.

« Si tu savais comme je m'en veux ! Si tu savais comme j'aimerai être capable de te faire revenir à la vie, t'embrasser de nouveau, te sentir vivant ! Si tu savais comme je suis désolée pour ce que tu as vécu ! J'aurais voulu être avec toi ce jour là, ce jour où la vie a quitté ton corps, j'aurais voulu... »

Je l'interrompît soudain, ne voulant pas voir son visage déformé par la tristesse plus longtemps :

« Tu ne m'as pas appelé pour cela amour, n'est ce pas ? »

Ma phrase était simple, mais emplie d'un amour incommensurable pour elle et pour ce qui s'apparentait à des excuses de sa part, pour ce qui semblerai être une de mes vies passées.

« En effet je n'était pas sensée te parler, mais je l'ai fait et je serai punie pour ça, j'en ai conscience. »

Après avoir pris plusieurs inspirations, elle reprit, les yeux brillant :

« Eolias, puisse ton rire rendre ta vie heureuse, puisse ton amour être donné à une méritante, puisse ton souffle avoir une seconde chance ! Je ne peux pas te ramener à la vie, mais ta vie peux recommencer, la matière peut reprendre forme sous ton être et ta joie peut être transmise à d'autres. C'est le seul cadeau que je puisse te faire maintenant alors, je t'en prie, accepte le ! »

Son ton s'était fait suppliant à la fin, comme si elle avait peur que je disparaisse maintenant, que je ne sois qu'une illusion due à une quelconque folie.

Sans me laisser le temps de répondre, elle entonna un autre chant, plus violent que le précédent.

Chaque parole me coupait le souffle et chaque son me poignardait, me malmenant comme jamais je ne l'avais été sous cette forme.

Soudain, je ne vis ni ne ressentis plus rien.

.

.

.

Je cria d'un coup, sans le vouloir, une douleur me traversant les poumons.

Le froid m'enveloppa.

On me porta

Mon corps était lourd,

Mes tentatives de mouvements, maladroites,

Le bruit autour , assourdissant,

Puis, je fus posé sur une surface douce et chaude, et une voix, plus loin, prononça les quelques mots achevant ma malédiction qui d'après elle aurait dut être une bénédiction :

« Eliot Girald, né à Trois heure quarante deux. »

Un autre cycle de vie avait été lancé et je ne pouvais m'y dérober. 

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