- Si loin de toi -

01

Les arbres, hauts et forts, entouraient le lac comme une barrière protectrice. Son bleu paisible était illuminé par le soleil couchant. Le ciel, aux tons orangés et rosés, finissait d'accroitre la beauté du lieu alors même qu'un oiseau s'envolait d'une branche. Le volatile ne perturba pas le silence quasi religieux. La nature semblait s'être tue en même temps que le jour lui-même déclinait.

Assise sur le banc, dressé à côté de la cabane du garde forestier, Ailean essuya son encre sur sa toile afin de le rendre plus pâle encore. Ses dix doigts étaient colorés de toutes les couleurs qui se trouvaient sur sa toile. Expérimenté la nouvelle technique de Nethen se révélait plus sale qu'elle ne l'aurait pensé mais la jeune femme était satisfaite du rendu. Elle soupira de soulagement avant de reposer son œuvre sur son chevalet. Elle la contempla avant de pincer des lèvres. Rien n'arriverait jamais à rendre hommage au paysage qui se tenait devant elle.

Un coup de vent la fit frissonner. Le début du mois de septembre avait été d'une chaleur supportable mais son vent commençait à se rafraichir. Rien n'avoir avec la canicule qu'elle avait dû supporter trois mois plus tôt. Étonnement, elle avait eu plus chaud sur le vieux continent. Cette simple constatation fit dériver son esprit sur ses souvenirs anglais. Le pull qu'elle portait à lui seul l'avait déjà encouragé dans cette voie. Seulement, posé à côté d'elle, il lui paraissait si loin lorsqu'elle peignait qu'elle avait fini par l'oublier le court de quelques heures. Cela faisait un peu plus de trois mois qu'elle l'avait trouvé dans sa valise sans savoir comment il avait fait pour le glisser dedans. Une énième surprise. Son cœur se serra.

- Ailean ? C'est bien toi ? Fit une voix derrière elle, la sortant de sa contemplation.

D'un mouvement rapide, la brune se retourna et un sourire se dressa aussitôt sur son visage lorsqu'elle vit l'intrus. Ce dernier n'en était absolument pas un. Willy était le garde forestier. Un vieil homme bougon, bloqué dans son époque mais au cœur tendre et chaleureux lorsqu'on arrivait à le lui faire plier. Ailean avait réussi ce miracle. À sa vue, il baissa son fusil d'un air navré.

- Excuses-moi, ma belle, je t'ai pris un instant pour un saltimbanque.

- Avec un chevalet, posé juste à côté de votre cabane ? Ca n'aurait pas été malin, le taquina-t-elle.

- C'est vrai, c'est vrai, soupira Willy avant d'agiter sa main dans les airs. Tu devrais rentrer, ta mère n'aime pas quand tu rentres tard.

Sur ce, le vieux gardien entra dans sa cabane. Ailean le regarda disparaitre d'un air nostalgique. Willy perdait un peu la tête, il était souvent perdu dans le temps. Au fond d'elle, elle était convaincue qu'il la prenait encore pour l'adolescente qui venait ici tous les week-ends. Ce lieu l'avait tant accompagné dans sa vie, dans les bons comme dans les mauvais moments. C'était sur le ponton de pêche qu'elle avait eu son premier baiser. C'était sur ce banc même qu'elle avait dessiné pour la première fois. C'était au cœur des arbres qu'elle s'était cassé le bras. Et c'était même là qu'elle avait eu le cœur brisé pour la première fois. Autant d'émotions dans un lieu si beau. À nouveau, son cœur se serra. Elle aurait tellement aimé le lui montrer. Le pourrait-elle un jour ? Cette pandémie commençait à lui ôter tout espoir.

Et comme si son ami avait pressenti, de chez lui, qu'elle commençait à s'attrister, le numéro de Nethen s'afficha en même temps que la sonnerie de son téléphone.

- Sherwood, répondit-elle en décrochant.

- Depuis quand tu réponds en policier toi ? Lui posa son meilleur ami.

- J'expérimente. Comme avec ton art.

- En parlant de ça, quand est-ce-que tu viens ? J'ai besoin de toi, Alexia me rend fou !

Ailean ricana doucement. Ses deux meilleurs amis, avec qui elle aurait dû habiter en Angleterre, s'étaient trouvés un appartement et cohabitaient désormais en attendant que la crise passe. Pour son compte, elle était retournée chez ses parents, au grand bonheur de sa mère.

-  ...c'est lui qui me rend folle ! Il y a des tableaux partout ! Entendit-elle au loin.

Alexia avait entendu son colocataire parler d'elle. Ailean n'avait jamais compris comment elle faisait pour être au courant de tout, même quand on essayait de lui cacher des choses. Combien d'anniversaires surprises avait-elle gâché ou des secrets avait-elle découverts ? La brune ne les comptait même plus. Elle les écouta se chamailler, essayant d'en placer une. Mais il n'avait rien à faire, lorsqu'ils étaient partis, cela pouvait durer un moment. Elle mit alors son téléphone en haut-parleur et rangea ses affaires. Willy n'allait pas tarder à revenir, et s'il la trouvait encore là, il appellerait sa mère. Cela aussi il l'avait fait quelque fois lorsqu'elle trainait trop avec son ex-petit ami.

- Du coup, Ailean, quand est-ce-que tu ramènes tes fesses ?!

- J'arrive, j'arrive, tempéra-t-elle en reprenant son téléphone en main.

- Bien !

La jeune fille avait accepté à contre cœur de se rendre chez eux pour une soirée que ses amis avaient qualifiés d'« arroser ». Ailean ne buvait pas, mais ses amis bien. Ils aimaient les soirées dansantes, les bars et toutes les choses qu'adolescentes elle n'avait jamais aimé, et encore maintenant. Alors avec cette maladie, ils devaient se contenter de le faire en petit comité et elle y avait été embarqué, soit disant pour qu'elle cesse de penser à lui. Cesser de penser à lui...cela lui était impossible. Elle revêtit son pull sur elle et le serra contre elle, comme si cela pouvait ramener la chaleur et la protection de ses bras autour d'elle. Puis, dans un soupire, elle rentra chez elle.

Trois mois s'étaient écoulés depuis leur séparation à l'aéroport. Et depuis, pas un jour ne passait sans qu'elle regrettait sa décision. Ce qu'elle ignorait encore, c'était à quel point elle allait le regretter.

│

│

Premier chapitre de cette nouvelle aventure. Il est court, mais c'est normal. Vous en faites pas, Tom... et Damian arrivent bientôt !

Je ne sais qu'en dire, je vous laisse me montrer si vous avez aimé avec la petite étoile et en commentaire ;)