"Quel est ton nom ?"
Partie 2
Moi ? Un réveil difficile ? Vous vous êtes trompés de chapitre.Je me lève à l'heure des oiseaux, je chante avec eux ; je me lave de toutes pensées mauvaises qui me sont parvenues cette nuit : j'entâme à présent une journée nouvelle, une chance inouïe que Dieu m'offre chaque fois que je me réveille.
Le renouveau.J'ouvre chaque fenêtre de la maison ; je saisie la lumière et la laisse entamer ma chair, la châtier, la faire briller. Le salon, large et ouvert, devient alors englouti de soleil et d'air frais ; une formidable journée est en chemin.
Encore en chemise de nuit, je valse ; tourniquotant, envoûtée par la grâce matinale j'arrose mes camélias, je prépare mon sac et enfile un pull-over : la pire façon de commencer une journée, c'est en attrapant froid...
Je prends ma tisane de camomille précisément chaque matin à 6h05 ; je remplis donc la bouilloire et la chauffe à 5h56. Une fois ma tisane lentement ingérée, et après avoir admirée le soleil levant par la fenêtre, je me précipite alors, pas légers vers mon dortoir. Là où se trouve mes vêtements du jour, soigneusement choisis la veille au soir, pour dormir plus sainement, et ressentir moins de tension. Efficace, je dois dire...
Je m'habille donc dans mon ample haut bleu ciel et mon pantalon saumon, de la teinte similaire des pétales asséchées des roses que je collectionne comme marque pages ; mon collier à pendentif de croix autour du cou et mes bottes noires en faux cuir enfilées, j'embrasse mon grand-père et je tresse mes cheveux à 7h15, précisément, pour ensuite me rendre au lycée de la façon la plus écologique possible : par la force de mes deux jambes.
~
"Bonjour, Papa."
Je laisse dépasser ma tête de l'entrebâillement de la porte, dans le bureau de mon père ; le proviseur.
"Lison ! Je t'en prie, entre. Prend une chaise..."
Je ne me fais pas prier ; j'attrape la chaise brune en bois placée en face du bureau, et la tire pour pouvoir m'y asseoir.
Avant de m'installer, je m'excuse :"Pardonnez-moi du retard, Papa. Il y avait des travaux sur la voie piétonne en face de l'établissement, et c'était étonnant, le nombre de personnes qui faisaient la queue..."
Il pose sa tasse "Aimé de Dieu" sur le repose tasse, finnissant lentement de feuilleter quelques dossiers soigneusement triés. Il les rangea dans un tiroir, reprit sa tasse et regarda sa fille :
"C'était justifiable. J'ai aperçu moi-même les travaux depuis le parking des professeurs..."
Pivotant sa chaise à roulettes, il contempla quelques instants la pendule accrochée dans son dos ; elle indiquait 07h47.
"Tu n'avais que 7 minutes de retard. C'est excusable."
Il se remit droit et croisa les bras ; réajusté sur son siège, il donnait l'air imposant que les instituteurs classiques abordaient par nature. Il offrait, même à moi, l'impression qu'elle n'était qu'un piètre insecte, en face d'une masse monstre.
"Donc, reprend t'il, tu souhaitais me parler vis-à-vis de l'emploi du temps de ta classe ?"
Je souris et cacha tantôt mon embarras, tantôt ma satisfaction. Je joue avec ma natte noire et soutient alors le regard pesant du directeur :
"Il se trouve que nous avions, ma classe et moi, un surplus facilement modifiable d'heures de classe le jeudi ; dont 3 heures d'informatique à ingérer d'un coup... Serais-ce possible de les modifier et les disperser un peu partout sur l'emploi du temps, Papa ?"
Je ravale sa salive.
"Lison..."
L'homme se lève, provocant des tremblements chez les objets se trouvant sur le bureau.
"Je suis Monsieur Keziah Mondeaux, certainement l'homme le plus influent de cet établissement."
Les mains derrière le dos, il se mit à faire les 100 pas autour de son bureau.
Sa voix ferme et grave faisait vibrer la tasse et secouait l'encrier."Les élèves me regardent avec respect, ont peur de mon nom, veulent l'éviter, le nier, tremblent à la mention de mon bureau ; ils veulent mon aide, veulent que je disparaisse, frémissent lorsque je les interpelle ; je suis le juge, le jury et le bourreau."
Il s'assit lentement dans sa chaise à nouveau, caressant sur pantalon des traces de poussière qui n'existaient pas. Il posa sa tête sur ses mains, formant un pont de doigts, les coudes contre la surface couleur plâtre du bureau.
Il plongea son regard dans celui de sa fille :"Ne trouves-tu pas, chère Lison, fantastique que je sois vénéré tel un roi ? Un conquistador, conquérant, récompensé jour et nuit par le respect indéniable des élèves, des professeurs et des employés du service publique : je suis un exemple pour la société, un homme qui consacre sa carrière à la bonne éducation des générations à venir."
Il s'approcha lentement de mon visage, avant de murmurer :
"Qu'est-ce que ça fait d'avoir le chef sous les yeux ? D'être sa fille ? D'être intouchable ?"
Que pouvais-je faire à part rougir et baisser des yeux ? Les conversations que j'ai avec mon père se résumaient malheureusement à ça : des louanges, des demandes ou des remarques.
Je parle dans ma barbe :
"C'est une chance incroyable que j'ai de vous avoir, Papa."
"Très bien."
Il attachait un bouton supplémentaire à sa chemise, avant de reprendre sur un ton un peu plus doux :
"Je verrais ce que je peux faire, pour ton EDT. Maintenant file, tu as classe à 8h."
Je me précipite alors hors de la chaise, lissa mon pantalon, moi aussi, et me dirigea vers l'issue avant de murmurer :
"Merci, Papa. Je t'aime..."
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ֆɛ ǟɢǟքօ
Teen FictionDe l'amour, du drame, du tragique... tout ça pendant l'heure de cours hebdomadaire de grec, le mercredi matin avec Mme Tremblay.