10.Le salon

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- Assis-toi.

Les yeux bandés, Hermione avança à tâtons dans la pièce en suivant la chaleur du feu qui brulait dans la cheminée avant de prendre place dans un fauteuil, mais pas celui de Malefoy tout de même, mieux valait ne pas réveiller le loup qui sommeillait en lui ! La jeune femme avait attendu ce moment toute la journée, ce qui l'étonnait toujours autant. Depuis qu'elle était revenue et qu'elle avait eu son premier entretien avec lui, elle ne pensait qu'à une chose dès son réveil : que la journée passe vite et que l'horloge sonne 17 heures. Bien sûr, elle pouvait essayer de se persuader que c'était par stratégie, qu'elle avait hâte de l'embobiner pour qu'il lui donne une baguette, qu'elle ne pensait qu'à s'enfuir, mais ça aurait été se mentir à elle-même. Elle était pressée de le rejoindre dans ce salon parce que lorsqu'elle se trouvait en sa présence, elle se sentait entière. A nouveau elle pouvait être une femme intelligente, intéressante, cultivée et surtout une ancienne Gryffondor et fière de l'être. Elle avait dû cacher son identité et renier son passé pendant tellement de temps que de parler aujourd'hui avec un homme qui la connaissait, elle, Hermione Granger, était incroyablement grisant bien que déstabilisant quand elle réalisait que c'était avec Drago Malefoy qu'elle échangeait ainsi.

Un Malefoy à la fois taciturne, violent, tendre, insultant, irritable, attirant... Bref, un vrai paradoxe à lui tout seul. Et c'était précisément sa complexité qui poussait Hermione à le rejoindre tous les soirs depuis maintenant huit jours. A 17 heures pétantes, elle montait dans ce salon et s'asseyait au coin du feu, sans un mot, blottie dans son fauteuil et réchauffée par les flammes. Une fois ils avaient joué aux échecs, son bandeau à peine relevé pour qu'elle puisse voir un peu du jeu et ce dans le silence le plus total, frémissant sans le vouloir dès qu'elle apercevait la main puissante du Serpentard bouger une pièce sur l'échiquier. Mais la partie avait duré longtemps et finalement, tombant de fatigue, ils étaient allés se coucher sans la terminer. Le lendemain la partie était oubliée, personne n'en avait pipé mot mais Hermione devinait assez bien que tout comme elle, le Serpentard ne voulait absolument pas perdre. Alors mieux valait oublier le jeu plutôt que de risquer de perdre la face. Durant ces soirées, jamais ils n'abordaient le sujet de la guerre ou de l'esclavage, préférant orienter la conversation sur Poudlard et leurs souvenirs en commun, bien que souvent ils ne fussent pas très agréables.

C'était étrange pour la lionne de discuter aussi simplement avec le Serpentard, son ancien « maitre » et bourreau. Et bien qu'elle ne lui ait pas pardonné les horreurs qu'il lui avait fait subir, elle ressentait une certaine plénitude durant leurs échanges. Cependant, elle savait pertinemment que ce moment d'accalmie ne pouvait durer, elle se devait de rapidement regagner sa liberté et oublier toute cette horreur. Mais surtout, elle ne pouvait pas continuer à partager ce genre d'instants intimes avec le grand homme car elle sentait que lui tout comme elle marchaient sur des œufs, risquant à tout moment de les briser et de provoquer ensuite un désastre sans nom. Ce soir, elle était bien décidée à faire avancer la conversation pour qu'elle puisse placer subrepticement le sujet de la baguette. D'ailleurs, une question la taraudait depuis un bon moment, et c'était aujourd'hui qu'elle allait enfin oser la poser.

La femme brune l'entendit prendre place sur son fauteuil fétiche et prendre un livre qu'il ouvrit délicatement, le bruit des pages résonnant à ses oreilles.

- Où est ta femme ? demanda-t-elle de but en blanc.

Le bruit du livre qu'il repose sur la table, le froissement de son pantalon, le bois du fauteuil qui grince.

- Pas ici, de toute évidence, élude-t-il.
- Elle ne vit plus là ?
- Elle est partie... Définitivement.

Hermione ne put s'empêcher de retenir sa respiration. La « maitresse » était partie ? Pour de bon ? Qu'est-ce qui avait bien pu la pousser à enfin franchir le cap ?

Entre ces murs [Histoire ancienne - Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant