Je respirais, debout, statique devant les lambeaux de mes souvenirs, pourtant les sensations n'existaient plus.
Comment les choses étaient-elles arrivées à ce stade ? Au point de non-retour.
Je réalisais que j'arrivais trop tard, les flammes avaient déjà tout consumé. L'instant d'après, je sentais une douleur qui écrasait tout mon être ; c'était la prise de conscience.
Les villageois à proximité firent de leur mieux pour arrêter l'incendie, en vain. Ma vision se troublait, mon cœur était au bord de l'implosion. Je mets un pied après l'autre, au début de manière chancelante puis mon rythme s'accélère. Mes pas mal assurés devenaient rapides et je me mis à courir. Je courais au point de manquer de tomber à plusieurs reprises sur cette colline qui séparait nos demeures.
Certaines personnes se mettraient à prier dans les situations les plus catastrophiques. Je suis sûr qu'elle le ferait aussi. Elle était très religieuse. Elle garderait espoir même dans le pire des scénarios. Ce qui n'était guère mon cas, l'idée de devenir un asservi dans ce monde de monothéistes, m'horripile. Pourtant je pris de tout mon être. Je pris cette force qui nous dépasse, celle que nous appelons Dieu. Je serais prêt à vendre mon âme au tartare si tel était le prix à payer pour sauver la sienne
Pas elle, je vous en prie, pas elle.
J'arrive devant le brasier... j'étouffe.
La fumée est lourde, noire et irrespirable. Elle ne respire plus. Résonnait en moi un étrange pressentiment qui me fit me tordre d'angoisse.
Déjà certains corps inertes étaient exposés devant ce qui fut jadis une demeure resplendissante.
Je m'approchais des cadavres, mes yeux se révulsaient sous l'horreur de la scène. Je ne la vis pas. Elle n'était pas parmi les défunts qui d'après leurs accoutrements furent des serviteurs. Elle n'y était pas... du moins pas encore. Cette pensée me fait trembler de tout mon être.
Sans la moindre hésitation, je me retournais vivement vers le brasier.
Je m'apprêtais à me jeter à corps perdu dans cet abîme enflammé qui pourrait s'avérer être mon tombeau mais je sentis soudain une main me saisir l'épaule violemment, me stoppant dans mon élan. Aussitôt, je me dégageais et repris ma course de plus belle.
Vous êtes complètement fou ! Vous risquez de mourir ! Il y a déjà assez de victimes comme cela ! lança un homme exaspéré.
De nouveau, je sentis qu'on me retient plus fermement. Ils étaient désormais deux à me maintenir en place.
Ils me bloquaient de manière que je ne puisse plus esquisser le moindre mouvement. Je me débattais comme je pouvais.
J'en tremblais de tout mon être, tant j'étais terrorisé. Je dois absolument la retrouver. L'idée m'obsédait.
Lâchez-moi... chuchotais-je avec beaucoup de mal tant la panique me broyait les entrailles.
Je sentais que mes deux assaillants avaient du mal à me maîtriser.
Lâchez-moi, hurlais-je désespérément.
Sois raisonnable ! me somma l'un des deux hommes.
Elle est encore à l'intérieur...
Elle doit être déjà morte ! Ne joue pas ta vie pour rien ! Continua l'homme.
"Déjà morte". Ces mots se répercutent en moi comme une avalanche de magma.
Je me redressais plus vivement, pris d'une colère noire. Les deux hommes semblaient surpris par cette nouvelle vague d'énergie.
Non... Pour elle, je ne joue pas ma vie pour rien... Elle est ma vie.
Dès lors, je réussis à m'extirper des deux hommes avec virulence. Tant que je ne verrai pas son corps sans vie, je n'envisagerai pas sa mort. De légers spasmes me prirent face à cette idée qui semblait inconcevable car la fille que je connaissais resplendissait de vie, de chaleur et de tendresse. Il est impossible que le monde me l'ait retiré.
J'étais accablé par les événements mais surtout par les précieuses minutes que je venais de perdre. Depuis notre rencontre, chaque seconde comptait. Mais à l'instant, je comprenais plus que tragiquement l'importance de ces minutes qui nous semblaient infinies.
J'entre au milieu des flammes, mes vêtements prennent feu. Je sens la fumée parcourir mes poumons. Je flanche. Un genou au sol, je tape sur mes vêtements pour essayer d'éteindre les flammes mais en vain.
L'ont-ils consumé ?
L'adrénaline me submerge.
Non pas toi, tout sauf toi...
Mon cœur bat lourdement dans ma poitrine, je manque d'air.
Je jette mes lunettes aux flammes, me relève avec ferveur et me redresse au milieu du chaos. Devant moi se dévoile l'image des limbes.
Je ne voyais plus rien, mon corps criait de douleur mais mon cœur "lui" hurlait son prénom sans cesse.
Les flammes me dévoraient mais j'étais déjà ravagé de l'intérieur.
Une lourde charge me cloua au sol. Je grattais le plancher, essayant de m'extirper. Toussant de manière effrénée. Ma conscience me quitte...
Pardonne-moi....
Je me réveille en sursaut. Ma respiration est saccadée. Il semble que j'ai fait une nouvelle crise de panique. Je touche mon corps pour vérifier que je suis bien entièrement vivante. Je réussis après un certain temps à reprendre un semblant de souffle.
Au bord de mon lit, je m'accoude sur mes genoux. Après un soupir, je pose ma tête contre mes mains. Plus mon départ approchait, plus mes rêves semblaient violents, réels, énigmatiques. J'ai l'impression que mon esprit de plus en plus sombrait dans une forme de folie. Consciente que cela ne reste que des songes, au fond de moi je suis persuadée que ces événements peuvent faire partie d'une réalité lointaine... Les détails, les sons, les odeurs et le flux de sentiments étaient beaucoup trop intenses. Je sais faire la différence entre un simple cauchemar et ces rêves. Les images restaient figées dans mon esprit. Je me penche en avant, décidée à tout mettre sur papier. Je prends alors mon journal.
Il était déjà noirci par ses chimères qui hantaient mes nuits depuis déjà un an.
Lorsque je finis de conter mon rêve, je prends le temps de le feuilleter. Perplexe, je repense à ce garçon qui possède la plupart de mes rêves dont un en particulier. Violon à la main, jouant une mélodie qui m'imprégnait jusqu'aux tréfonds de mon âme. Tout son corps était parsemé de brûlures et d'abominables cicatrices qui peinaient à guérir alors que les blessures de son être resteraient à jamais grandes ouvertes. Alors que ces lueurs dansaient devant ses yeux et consumaient encore une fois une partie de sa vie. Je ne peux affirmer ce qui rendait ce garçon si ensorcelant. Sans doute était-ce la manière dont son regard vide était rivé vers un destin plus qu'incertain ?. Mais je savais une chose, ce rêve était plus qu'explicite. Ce garçon était brisé à tel point que le mot "vivant" était une hérésie devant son état lamentable.
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L'orchestre des passions
RomancePremier pas vers mon rêve, j'étais loin de m'imaginer qu'une vieille porte s'ouvrirait, me présentant un passé déchirant. Perdu entre songe, passé, réalité dans une tempête de sentiment orchestré par la force des passions dévorantes. Aurais-je la...