Chapitre 10

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La colère a mis du temps à redescendre, mais elle l'a fait. Ma mère a fini par abandonner. Elle a peut-être compris que je n'étais pas prête. Le serais-je un jour ? Telle est la question. Ma mère et mes sœurs partiront donc sans moi.

Malgré cette amélioration, cela fait une semaine que je suis un ermite. Je ne sors pas, ne réponds pas aux messages, et je demande à ma mère de rembarrer les gens qui, courageusement, viennent me chercher jusque chez moi.

Netflix est devenu mon meilleur ami et, comme toute personne qui fait partie de mes amis, il fatigue et finit par sombrer. Bon d'accord, ce n'est pas Netflix qui me lâche, mais cette foutue connexion qui saute toutes les trente secondes. J'essaye plusieurs techniques comme d'éteindre et rallumer mon ordinateur ou encore de me déconnecter puis me reconnecter au wifi, mais rien ne marche.

Alors je fais mon passe-temps préféré qui est de râler contre tout ce que je peux trouver. Pendant que je m'apitoie sur mon sort quelqu'un vient toquer à ma porte. Ma mère se glisse prudemment à l'intérieur de la chambre, comme si elle avait peur de moi, une bombe prête à exploser.

—    On a fini de charger la voiture, on va y aller.

—    Ouais j'arrive, finis-je par répondre.

Cinq minutes plus tard, j'apparais, les cheveux en bataille, de vieux vêtements sales avec une odeur douteuse. Le salon est tout propre, rangé au moindre détail, rien n'est laissé au hasard.

Ma mère, stressée comme à son habitude, enchaîne les aller-retours dans toute la maison. J'avance péniblement jusqu'à la porte d'entrée entrouverte. Lorsque je l'ouvre, je suis éblouie par la lueur étincelante du soleil. Cela fait une semaine que mes volets sont fermés et que je n'ai pas mis le bout de mon nez dehors. Mes seuls déplacements ont été pour les toilettes et la cuisine.

Je laisse mes yeux s'habituer avant de taper à la fenêtre côté passager. C'est en sursautant que ma sœur, Valentine, se retourne. J'aurais aimé que cette jolie petite brunette soit mon mini moi, mais la vie a décidé d'en faire mon parfait opposé. Très féminine, très niaise et hétéro (pour le moment on n'est jamais sûr). Malgré ça, on s'entend plutôt bien, même si je soupçonne le fait qu'elle me prenne pour son grand frère et qu'elle oublie parfois que j'ai les mêmes problèmes de fille qu'elle. J'ai beau m'habiller de manière plutôt masculine et aimer le foot, ça ne veut pas dire que je n'aime pas les soirées pyjama et les potins.

—    Ah mais tu pues ! dit-elle pleine de dégoût.

—    T'aimes pas ? C'est mon nouveau style.

—    Quand on reviendra, tu auras intérêt à être de nouveau toi. T'es vraiment pas drôle en ermite.

Je lui fais un clin d'œil en signe d'approbation et tourne la tête vers les places arrières de la voiture. Sofia, blottie contre ses doudous, me regarde les sourcils froncés.

—    Tu es une méchante. Tu veux plus de nous.

J'ouvre la portière arrière et me glisse sur la place libre à côté d'elle.

—    Je ne vous abandonne pas, c'est juste que je suis grande maintenant, et tu vois, c'est un peu la honte pour moi de traîner avec maman.

Son visage s'adoucit et son sourire naturel revient. Sofia est le genre d'enfant tout le temps joyeux. Elle apporte vraiment le bonheur et chacun de ses passages amène la joie. La voir en colère et triste comme elle l'était m'a vraiment affectée car je sais que c'était de ma faute. Je suis loin d'être une bonne personne mais Sofia, elle, l'est. Je sais que plus tard, elle sera le genre de personne qu'on admire, qui fait de grandes choses. Et je ne laisserais personne essayer de la détruire.

Je finis par lui faire un bisou sur le front et sors de la voiture. Ma mère, au même moment, débarque un carnet à la main. Elle me le tend énergiquement comme si elle était pressée.

—    C'est le carnet à ne surtout pas perdre. Dedans, il y a tous les numéros d'urgence, des voisins et des membres de la famille. Il y a aussi des instructions qui te seront utiles comme pour faire marcher le...

—    Oui ne t'en fais pas j'ai compris, il y a tout dans ce carnet, j'en prendrais soin. Maintenant vous feriez mieux de partir avant de tomber dans les bouchons.

Elle acquiesce et s'empresse de démarrer la voiture. C'est avec de grands gestes d'au revoir que le véhicule quitte l'allée.

Soulagée d'être enfin seule, je rentre et m'affale sur le canapé. Je vois alors au loin la télécommande, sur la table basse. Beaucoup trop loin pour moi. Je la regarde, comme si je pouvais la déplacer avec ma pensée, mais rien n'y fait, elle ne bouge pas.

Je pèse le pour et le contre et j'en viens à la conclusion qu'il faut que je me lève. Malheureusement, mon corps n'est pas d'accord, il est fatigué, il ne fonctionne plus. Finalement, je finis par m'endormir alors qu'il est neuf heures du matin.

IdioteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant