Lorsque le docteur Watson rentra du travail cette après-midi là, il trouva l'appartement de son ami Sherlock particulièrement silencieux. Il tenta de l'appeler, de toquer à la porte de sa chambre ou de le trouver dans des endroits improbables, comme habillé dans la baignoire. Cependant la seule réponse que le docteur entendit fut l'écho de sa propre voix contre les murs, même contre le sourire jaune peint dans le salon.
Il dévala les escaliers et sonna chez la logeuse. Ne s'attendant plus à une réponse après quelques secondes, John quitta le 221B Baker Street - ne remarquant pas ce qu'il avait vu, puisqu'il n'observait pas. Une enveloppe, timbrée excessivement, dont la couleur jaunâtre faisait tâche sur un bureau rempli d'affaires en désordre. Elle avait été ouverte avec délicatesse, par l'utilisation d'un ouvre-lettre. La lettre quant à elle, n'était plus dans son contenant. Dépliée, lue une fois et mémorisée, elle avait été brûlée. Quelques morceaux, cendres restantes, gisaient dans l'évier de la cuisine. Seule une légère odeur de fumée trahissait sa présence. Les mots qui y avaient été rédigés étaient maintenant conservés dans un seul et même endroit : la mémoire du destinataire - le fameux Sherlock Holmes.
Ce ne fut que lorsque John revint de sa recherche de son ami qu'il se mit à se poser des questions. Et lorsque Sherlock rentra -d'où ?-, John lui fit part de ses interrogations. Non pas qu'il s'était inquiété de sa disparition - ce genre de chose était plus de commune - mais d'une disparition également de la logeuse. La réponse se résuma en quelques mots : « Rien d'important » ; et fut accompagnée de quelques pas dirigés dans la cuisine. Sherlock se tenait devant l'évier. Il observa les morceaux -ceux qui restaient et qui hésitaient entre leur teinte originelle et celle provoquée par les flammes. Le jeune-homme actionna le robinet ; les fractions de papier dansèrent et se rejoignirent dans la canalisation. Elle était partie à jamais désormais.
Comme à son habitude, John n'observa pas. Comme à son habitude, Sherlock lui cacha ce qu'il voulait dissimuler. Peut-être également ce qu'il voulait se dissimuler à lui-même.
Et en ce début de soirée là, il n'osa pas aller dans son palais de souvenirs ; il n'osa pas fleurer à nouveau les mots qu'il avait pu lire et répéter dans sa tête, telle une mélodie tatouée dans son cerveau. Pourtant il ne pouvait pas effacer de son éprit la couleur des lettres ; stylo plume onéreux, écriture reconnaissable et donc vérifiée, mais encre non semblable à ce que le jeune-homme connaissait. Ce ne fut qu'en effleurant les cordes de son violon que Sherlock réalisa alors : l'encre, pourpre et belle, ne laissant aucune tâche ne pouvait être qu'une seule chose : du sang. Sa gorge se serra.
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Avant l'Après
RomanceBien avant que le docteur Watson fasse son apparition dans la vie de Sherlock Holmes, une autre personne vivait en colocation dans le fameux appartement du détective. Une jeune-femme -aujourd'hui disparue- l'aidait dans ses affaires. Vies entre-mêl...