1. Tomber amoureuse

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– Non. Mais tu sais, tout ce que je disais c'était vrai. Je ne vois plus les choses comme avant, c'est tout. Oui..je t'aimais. Mais non, plus maintenant. Je suis désolé, sincèrement. Oui. Je sais....Bonne soirée.

Lucy raccroche et range son téléphone dans son petit sac à main pendu à son épaule. Elle s'enfonce dans le hall qui mène à l'appartement de son amie. Et fourre ses mains dans les poches de sa veste, il fait froid ce soir.

La montée jusqu'au petit studio est longue, ardue. Les escaliers en colimaçon sont étroits, la musique s'entend déjà à travers les murs. Sur le palier du troisième étage, des invités dansent, les deux appartements sont ouverts. L'étage entier est fête.

– T'arrives tard !

Léo saute sur elle. Lui claque deux bises, un sourire de trois kilomètres plaqué au visage. Lucy grimace, il pue l'alcool, l'herbe et la pizza.

– Désolé j'ai eu quelques emmerdes..

Léo connaît les emmerdes de Lucy à force de la côtoyer. Elle en a souvent. C'est un mot général, qu'elle utilise à fond, à tort, et à travers; aussi bien pour sa nouvelle coupe de cheveux ratée que pour la mort de son père. Avant c'était délicat d'adopter la bonne réaction, de la comprendre, de la cerner, maintenant; il sait y faire.

– Un bon remontant et tout est oublié. Tu veux ?

Il lui tend le reste du joint qu'il fumait. La musique en fond augmente d'un coup, c'est Toxic de Britney Spears. Lucy commence à se déhancher. Elle a déjà hâte de retrouver les girls pour danser avec.

– Merci.

Elle tire une première taffe. Libératrice. Son regard se perd sur les danseurs. Elle reconnaît quelques visages à travers les lumières bleutés. Des LED décorent les murs. Ça donne une ambiance. Elle aime bien. Léo a disparu. Pas étonnant, ce mec n'a jamais su tenir en place.

Quelqu'un la complimente, une amie lui offre un verre, un mec regarde un peu trop son décolleté, lui fait des signes obscènes: elle s'énerve. Jamais elle ne pourra sortir sans se faire siffler par un pervers.

Elle boit une gorgée de la boisson orange. Plus alcoolisée que sucrée. Ça lui brûle la gorge. D'une oreille sourde, elle écoute sa meilleure amie, Juvia, se plaindre de son copain. Elle les connaît par cœur à force, leurs histoires. Quelqu'un la bouscule. Sa boisson se retrouve au sol.

– Oups. Pardon.

Mais elle ne s'énerve pas. Parce que l'homme qui se trouve devant ses yeux est d'une beauté rare. Le nez long, les cils discrets, les yeux transperçants, les lèvres dessinées finement. Et puis son accent latino la fait fondre. On dirait un prince de la nuit. Lucy tombe amoureuse.

– C'est moi.

Elle s'excuse du bout des lèvres, dans un léger murmure à travers le brouhaha ambiant. Elle se demande si il l'a entendu. Trop tard, il disparaît dans la foule.

Immédiatement Lucy s'emballe. S'imagine un millions de scénarios improbables. Ils se revoient, il lui dit : « Je t'ai regardé toute la soirée et là j'ai envie de toi. Même, je crois que je suis amoureux. » Son cœur bat fort. Elle trépigne. Elle veut le revoir. Elle veut le découvrir et l'aimer. Et puis ses cheveux sont roses. Ça change des bruns qu'elle se traîne d'habitude.

– Amoureuse ?

Elle sourit alors Juvia soupire. Lucy tombe amoureuse en moyenne deux fois par mois. Construit une relation en l'espace d'une semaine, la nique en une phrase.

– À fond. C'est qui ?

Juvia boit cul sec son verre d'alcool, jette un coup d'œil vers son copain entrain de chauffer une autre, puis énervée, finit par se concentrer sur son amie.

– Un pote de Kanna. Il vient de Magnolia je crois.

Magnolia c'est loin, quand même. Lucy soupire. Ça vaut le coup ? De s'attacher pour rien ? De s'investir pour du vent ?

– Tu connais son prénom ?

– Non. T'as qu'à lui demander.

Lucy le localise à travers les danseurs. Mains dans les poches face à Erick et Kanna, l'air nonchalant mais quand même intéressé, le petit sourire en coin, la chemise ouverte, un peu froissée, pas trop négligée non plus, les cheveux qui partent dans tous les sens, l'éclat de rire transcendant. Elle frissonne.

Lucy détache ses cheveux, leur donne un peu de volume en les secouant.

– J'suis bien ?

Juvia scrute les joues rougies de Lucy, ses cheveux brillants, son corps de mannequin empaqueté dans une robe ultra moulante.

– Parfaite. Prends ça.

Juvia lui tend un chewing-gum à la réglisse. Lucy le gobe. La fraîcheur du bonbon lui monte à la tête.

– A plus.

L'alcool l'a détendu. Elle se sent au meilleur d'elle-même. Quand elle marche, elle voit les invités lui faire de la place, quand son talon haut claque sur le sol, elle voit les regards se retourner, quand elle regarde lascivement le bel inconnu, elle voit ses lèvres charnues s'étirer en un sourire prédateur.

L'AmoureuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant