A : Une heure que je la vois enrouler ses cheveux autour de ses doigts, une heure qu'elle se regarde dans le reflet d'un meuble aussi vitreux que ses yeux.
R : Une heure qu'il me regarde du coin de l'œil, n'osant élire le parfait mot. J'ai mal partout.
A : Je déteste quand elle fait ça.
R : Je déteste quand il fait ça.
A : Elle s'envole loin de moi et je suis incapable de la retenir sur terre. Je la vois, physiquement à côté de moi mais elle est mentalement dans les airs. Que voulez-vous faire d'une âme en éternel jet lag ?
R : L'intérieur de moi me ronge à sang et m'empêche de me relier au présent. Je suis ailleurs, je le ressens mais je ne peux contrôler ce qui m'échappe totalement.
A : Comme chaque soir, je l'entends marmonner des mots au coin du feu dans un tel rythme que j'ai l'impression qu'elle fait des incantations. Je ne sais pas ce qui se passe en elle. Je ne comprends pas ses maux. J'ai tenté, maintes et maintes fois, d'attirer son attention. J'ai essayé d'y voir plus clair mais elle ignore chacun de mes gestes. Elle me répète qu'elle va bien mais je sais que c'est faux. Je connais ses voyages passés et je crois qu'elle n'a jamais su se réparer du dernier.
R : Je parle pour éviter de sombrer. Je parle car il n'y a que comme ça que je me sens vivante. Je parle pour ne pas m'effondrer. Je ne veux pas mourir. Ne me laisse pas mourir.
A : Plus elle planait, plus elle peinait à retrouver son chemin. L'illusion qu'elle commençait par se perdre volontairement m'effrayait cruellement. J'ai fini par abandonner toute quête tant il me semblait évident qu'elle ne voulait plus d'elle-même. Ce soir, je sens qu'elle m'échappe. J'ai l'immense et regrettable sentiment qu'elle a un plan. Consciemment alors, je sors de la pièce et la laisse seule. Je ne crois pas qu'il s'agisse de lâcheté. Je ne sais plus vraiment par quels mots on ferait mieux de me qualifier. Je me retourne, une dernière fois, le cœur tremblant.
R : Je le vois sans aller, d'un pas décidé. Je le vois aussi se retourner, une dernière fois. Je souris malgré-moi. Il confirme ce que je craignais : je suis une trop lourde valise à transporter mais je ne lui en veux pas. On se savait et ne s'était pas promis une vie liée. Si je pouvais expliquer ce qui hurle en moi, je prendrais une feuille de papier blanche, un crayon gras noir et je remplirais l'espace vide de ronds en gribouillis. En clair, mon cerveau est un nœud si fortement serré qu'il m'est impossible de m'en démêler. Je suis prise au piège. Mon corps est une épave criblée de cicatrices passées et mon cœur, un somptueux cimetière d'histoires décimées. Je n'ai même plus la force de pleurer. On ne peut plus rien pour moi et je refuse qu'on m'offre davantage. Je crois que la vie a une date d'expiration pour chacun d'entre nous mais que la mienne advient plus rapidement que prévu. Ce n'est pas moi qui prend mon destin en main, c'est lui qui modifie ma ligne de fin. J'accepte alors que j'ai assez conversé avec les étoiles et qu'il est grand temps que j'aille admirer leur lumière (éteinte) de plus près. Je ne suis pas désolée. J'ai fait de mon mieux et je suis reconnaissante pour les chapitres qui me font mienne. Rappelez-leur combien j'étais exceptionnelle avant ça. R.
Le lendemain, A se réveilla le ventre en vrac. Il savait que ce matin allait être le premier d'un nouveau monde. Les oiseaux chantaient derrière les fenêtres du salon, le soleil brûlait le canapé et brillait avec magie sur sa peau à elle.
A sentit un fracas inaudible se brisait en lui. Il se rapprocha de son corps, s'accroupit devant elle et des larmes de mer roulèrent sur ses joues rosées. Elle avait les yeux clos, le visage relâché, elle semblait enfin apaisée.
Dans la nuit, R était tombée. Rox lui avait brisé les pattes avec son consentement, comme un serment après une bataille qui avait trop duré. L'une des deux avait gagné, tout dépend dans quel camp vous vous placez.
(Petit oiseau vole d'ailes argentées.)
VOUS LISEZ
fêlures dorées.
PoesíaA chaque être sa blessure intime, à chaque histoire ses tourments, chutes et victoires. Viens à ma rencontre, émerveille-toi du monde, lie-toi de similitudes avec les personnages plus ou moins réels qui croiseront ton chemin. Prends ma main. (Ceci e...