Chapitre 1 - Bientôt la rentrée

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On est en plein été, le ciel est gris, il fait lourd malgré les nuages. Dans quelques semaines, retour au lycée, pour la dernière année. Je n'ai vraiment pas envie de retourner là-bas avec encore des cours inintéressants, des professeurs qui n'ont pas envie d'être là devant des lycéens qui s'en contre fichent de l'histoire du pays, et la nourriture atroce de la cantine. Alors pour me préparer, car je n'ai pas le choix d'y retourner, je range mes affaires, nettoie mon bureau, trie mes vêtements. J'ouvre cet album qui prend la poussière sur mon étagère et effectivement les photos datent. Il y a des photos de moi petit dans le bain, jouant aux poupées et au robot, avec un costume ou mes cadeaux de Noël. Il y a aussi des photos des membres de ma famille mais ça doit faire des années que je ne les ai pas vus. Le temps passe vite. Puis je tourne la page, dernière page de cet album, et c'est ton visage qui apparaît. Souriante, comme à ton habitude, je pourrai même encore entendre ton rire, si bizarre. Mais c'était le tien. Je ne sais plus où a été pris ce cliché mais tu avais l'air ravie d'y être. Je retourne cette photo il y a écrit 14/06 au stylo rouge presque effacé.

C'était il y a maintenant trois mois. Trois mois qu'on devait faire cette sortie au cinéma. On devait aller ensemble au cinéma voir le dernier dessin animé qui sortait. Comme on le fait dès que les réseaux sociaux parlent d'une nouvelle sortie, après tout on reste des enfants. Mais malheureusement, tu as voulu venir me chercher cette fois -ci, me faire la surprise d'être au pas de ma porte quand je sortirai te rejoindre, mais tu n'es jamais arrivée. Je t'ai envoyé un puis deux puis cinq puis dix messages, sans réponse. Je t'ai appelé, mais toujours rien. On a raté la séance, et on les ratera toutes. Quand j'ai ouvert ma porte pour aller chez toi, j'ai trouvé la police devant chez moi. Ils m'ont demandé de m'asseoir et je n'ai pas compris. Puis vinrent les larmes, les cris, la colère. Aujourd'hui je ne peux pas dire que je vais mieux, ta présence se ressent encore dans ma vie, des photos, des objets, des souvenirs. Bordel tu es devenue un souvenir. On est encore si jeune pourquoi c'est toi qui est partie ?

Je descends dans le salon, ça va bientôt être l'heure de passer à table. Mes parents ne se parlent pas, à peine un regard, comme à tous les repas depuis environ trois mois, ma petite sœur regarde la télé. Elle a l'air absorbée par son dessin animé avec les animaux. Si innocente et joyeuse pour pas grand chose, ça me rend nostalgique. Je ne pense pas qu'elle comprenne ce qu'il se passe dans la famille. Comme dit ma mère : « ce sont des problèmes de grandes personnes. ». Le repas se passe en silence, le seul son que l'on entend est celui de la télé. Je préfère ça que d'entendre une énième dispute ou le bruit de la rue. Au moins pour une fois c'est calme, pas de cri. Je regarde mon père, les yeux rivés sur la télé pour ne pas croiser ceux de ma mère. Ma sœur joue avec sa nourriture au lieu de la manger et ma mère a les yeux humides. Elle croise mon regard, essuie ses yeux et sourit. Son sourire disparaît rapidement lorsqu'elle se lève de table pour aller s'enfermer dans la chambre parentale. Mon père ne la suit pas, il reste impassible, et continue de manger. Je me lève, dis à ma sœur que maman est fatiguée et qu'elle n'a pas très faim et me dirige vers la chambre. Je toque à la porte. Elle ouvre timidement, je la prend dans mes bras et lui dit que ça va aller. Elle pleure en silence, sur mon épaule. Elle me demande d'être fort, je ne comprends pas, et me tend un petit dossier. Sur l'étiquette on peut lire « procédure de divorce ».

Je sens que ça va être rude ces prochains jours. Étant donné que je suis l'aîné je dois faire bonne figure, ne pas me laisser submerger par les événements. Ma mère compte sur moi pour prendre soin de ma sœur et je me dois de la protéger de tout ça. Espérons que cette année au lycée n'ait pas trop d'embûches, je n'ai franchement pas besoin de ça.

Les semaine passent, les procédures judiciaires s'enchaînent, et mon père finit par quitter la maison. Plus de traces de lui, plus un appel ni un message. Ma sœur demande constamment où est papa, si il est parti en vacances, je ne sais pas comment lui dire. Elle est encore jeune, elle ne peut pas comprendre que papa ne reviendra pas à la maison.

La rentrée c'est demain. J'ai préparé mon sac avec tout ce dont j'ai besoin même si les professeurs vont encore nous rajouter beaucoup trop de manuels pour ne jamais les utiliser, mes affaires sont rangées dans mes placards et j'ai mon carnet de dessin avec moi. Je l'emporte partout, je dessine tout ce que j'aime. Les oiseaux de la cour, le soleil dans les feuillages, ou j'imagine ce que donnerai le lycée s'il était abandonné. En même temps ce n'est pas bien compliqué puisqu'il tombe en morceaux. Entre les fenêtres qui ne s'ouvrent plus, les murs dont la peinture s'écaille et le sol fissuré, on dirait que ce bâtiment est prêt pour l'apocalypse. Certaines personnes de mon ancienne classe auront changé de lycée à cause de problèmes de discipline et c'est tant mieux. Je ne pouvais plus supporter de les voir jouer les durs et envoyer les gens de notre classe à l'hôpital pour un simple regard de travers. De vrais sauvages eux. On va encore entendre parler des histoires d'amour d'été à n'en plus finir et des vacances de folies des bourgeois. Quel enfer. Si je pouvais mettre en sourdine le monde je le ferai. Heureusement dans un sens que les classes changent tous les ans.

Moi, tout ce que j'aurai à raconter, c'est que je me sens plus seul que jamais. Tu étais la seule vraie amie que j'avais. Maintenant que vais-je faire sans toi ? C'est toi qui me guidais, les autres ne m'intéressent pas, il n'y avait que toi qui me fascinait avec tes longues histoires, tes rêves, ton avenir. Avenir que tu n'aura pas. Moi non plus. Le soleil se couche, la journée est passée vite. Demain un nouveau jour, banal. 

A mes côtésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant