[5] - Novigrad, ville prospère

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Emma s'émerveilla devant l'immensité de la capitale. Elles venaient de traverser les faubourgs sud au trot, et une immense porte se dressait devant elles. Ciri rabattit son capuchon sur sa tête, enveloppa hâtivement sa lame dans un drap puis l'accrocha à sa selle. Si elle devait se défendre, elle utiliserait sa dague. Elle prit aussi soin de cacher son médaillon, sinon n'importe qui pourrait reconnaître sa profession, et elle voulait à tout prix l'éviter.

La brune camoufla sa tignasse brune de la même manière que sa compagne. Une longue file s'étendait des portes de la ville jusqu'à l'entrée du pont, où les deux voyageuses se trouvaient. Elles allaient devoir attendre. La professeure observa attentivement les environs, détaillant du regard les murailles de la ville. Au fur et à mesure qu'elles avançaient, toujours en selle, la plupart des regards convergeaient vers elles. Deux inconnues à cheval, forcément ça attirait les regards.

Arrivées devant les gardes, Emma était tendue. Les deux hommes les regardèrent attentivement, cherchant le moindre élément suspect. L'un d'eux émit un léger grognement, puis les laissa passer. La jeune femme soupira lorsqu'elles furent assez loin, mais Ciri la rassura d'une tape sur l'épaule. Elle l'invita ensuite à la suivre.

Les rues de la cité étaient assez animées, Emma remarqua néanmoins qu'il n'y avait pas d'elfes, ni de nains. Elle se rappela ce que Ciri lui avait dit à ce propos, et frissonna. Alors qu'elles traversaient une place marchande, la brune y aperçut au beau milieu un grand piquet en bois. Quelqu'un semblait y être attaché. Autour, étaient attroupés un grand nombre de personnes – femmes, hommes, enfants -. De loin, le captif semblait se débattre, alors qu'un homme armé s'approchait de lui, une torche à la main.

Emma descendit de sa monture, et, avant que Ciri n'ait pu la retenir, elle se dirigea vers la source de toute cette excitation. La jeune femme joua des coudes au milieu de la foule, si bien que sa capuche tomba. Personne n'y prêta attention, tellement la tension montait. Le garde s'avança vers l'elfe attaché, et cria quelques mots. La professeure comprit qu'il était question d'une exécution, et eut une soudaine envie de vomir. Ciri la rattrapa et la tira par le bras, tentant de l'extraire de la foule déchaînée.

Mais Emma refusait de bouger, obnubilée par la scène. Le garde venait de mettre le feu à l'immense poteau, et les flammes se propageaient à une vitesse exponentielle sur la paille répartie tout autour. Bientôt, le brasier lécha les jambes de l'elfe, puis l'embrasèrent. Le captif se mit à hurler de douleur. Au bout de quelques minutes, les cris se turent. La foule se mit à hurler de jubilation. Emma n'en croyait pas ses yeux ; elle tomba à terre, mais encore une fois, personne ne fit attention à elle. Elle prit son visage entre ces mains ; comment une telle abomination avait-elle pu avoir lieu ?

La jeune femme aurait voulu hurler, se jeter sur le garde peu importe les conséquences pour lui faire regretter son acte. Ciri la tira de sa rêverie, inquiète, et elle s'aperçut qu'elle s'était mordue la lèvre jusqu'au sang. Aussi, la foule la regardait, perplexe, incapable de comprendre sa réaction. La sorceleuse la tira par le bras, la priant de la suivre. Emma se laissa porter, vide. Ce spectacle l'avait dévastée.

Alors que les deux voyageuses s'éloignaient de la place, des gardes vinrent enlever les débris et le corps carbonisé, alors que d'autres préparaient un nouveau poteau d'exécution. En le voyant, Emma cracha toute sa bile sur le sol. Ils allaient encore exécuter quelqu'un. Serait-ce un elfe ? Un nain ? Elle avait la nausée rien que d'y penser. Elle eut juste le temps d'apercevoir l'un des gardes attacher de force une femme au poteau nouvellement dressé, avant que Ciri l'entraîne le plus possible du futur massacre.

La brune finit par tirer la manche de sa compagne pour qu'elle s'arrête. Lorsqu'elle croisa son regard, elle trouva Ciri inquiète, mais pas pour celui qui venait de mourir, et celle qui allait suivre. Non, c'était pour elle. La jeune femme ne comprit pas : voir quelqu'un se faire exécuter ne lui avait donc rien fait ressentir ? Ni haine, ni colère, ni dégout ? C'était incompréhensible. Ciri s'approcha d'elle et la prit dans ses bras pour la rassurer ; Emma n'eut pas la force de la repousser.

Une parisienne dans un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant