chapitre 1

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CHAPITRE 1

HUIT JOURS APRÈS
*Sénégal

Le taxi s’arrête juste en face de mon ancien quartier, je n’ose pas lui demander d’aller plus loin. Je vois déjà des femmes voilées un peu partout, ma douleur devient encore plus forte. Mon cœur est comprimé comme si on était en train de le broyer, jamais de ma vie je n’ai ressenti une douleur aussi  immense.

Le chauffeur : vous descendez madame ?

Je sursaute avant de hocher la tête, c’est avec la main tremblante que j’ouvre la portière pour sortir. Quand le vent vient souffler sur mon visage, j’ai du mal à bien respirer. Une partie de mon voile vole dans les airs alors que j'essaie de le rattraper. Chaque pas me demande un effort surhumain surtout quand je vois la grande bâche qui fait office d’accueil.

Plus je me rapproche, plus j’ai l’impression que les gens me regardent, me jaugent pour être plus précis. J’ai l’impression que jamais je n’arriverai devant la maison, l’assemblée semble avoir retenu son souffle, tout le monde semble avoir les yeux braqués sur ma personne.

J’entends même des chuchotements autour de moi avant de voir ma tante Aïda, la sœur de ma mère sortir telle une furie.

Ta Aïda : qu’est-ce que tu fais ici ?

Je m’arrête net en regardant autour de moi toute tremblante, toute l’attention est portée sur ma personne, j’ai l’impression d’étouffer.

Ta Aïda : tu es venu voir si tu as réussi ton coup ? Han ? Réponds ?

Mes yeux sont vites brouillés de larmes, je suis sur le point de m'effondrer lorsque je vois mon père surgir derrière ma tante avec une mine bien triste.
Je veux juste me blottir dans ses bras, je cherche du réconfort, après tout j’ai perdu une partie de moi, j’ai perdu ma mère. Et sans rien dire il se rapproche de moi, je laisse afin mes larmes couler. Et c’est au même moment que je sens ses bras autour de moi.

Moi : baba…

Papa : je suis désolée ma fille.

Je hoquette silencieuse, je ne retiens plus cette douleur immense qui me broie chaque partie de mon corps. J’ai la sensation d’avoir perdu goût à la vie, je me demande comment je vais survivre avec ce poids sur la conscience. Plus rien n'a de l'importance maintenant, tout ce que je voudrais c’est pouvoir faire un retour en arrière. Retirer ces mots que je lui ai dis. Si je pouvais réécrire le passé.

UNE SEMAINE APRÈS

Je ne me sens toujours pas mieux, à cet instant j'ai l'impression que je la reverrai. Cette sensation est forte et me suis partout, peu importe où je suis. Je suis à la maison, cette maison que j'ai quittée il y a cinq ans de cela. Je ne pensais pas que ce serait son décès qui me ferait revenir ici.

Assise au milieu de ce lit, mes pensées s’envolent loin de moi. Troublée par une sorte de décharge intense, je fixe la porte avant d’entendre toquer.
Une, puis deux fois avant de voir une tête apparaître.

Nadia : on te demande au salon.

Je suis ici parce que mon père a refusé que je reste à l’hôtel pour lui il en était hors de question. Donc c’est ensemble que nous sommes partis récupéré mes affaires avant de revenir. Seulement comme je m’y attendais, personne n’a voulu m’adresser la parole. Je suis l’intruse, celle que l’on ne veut pas voir ni avoir affaire. Le seul qui m’adresse la parole dans cette grande maison est mon père.

Je quitte doucement le lit en nouant mon foulard sur ma tête. Je ressemble à un mort vivant, je respire mais j’ai la sensation d’avoir perdu le goût de vivre.

J’arrive devant le salon, toque avant d’entrer retrouver quelques membres de la famille que je n’avais pas vu depuis, longtemps.

Je fais mes salutations, mais sauf mon père les autres me répondent en grinçant.

Papa : assois-toi

Ce que je fais sans hésiter, tante, oncle et frères me lancent tous un regard plein de dégoût.

Ta Aicha : bref, nous n’allons pas y’aller par quatre chemins. Avant de rendre son dernier souffle, ta mère nous a formulé un dernier vœu.

Je les regarde avec les mains presque tremblantes, qu’est-ce mère a bien pu souhaiter ?

Papa : je crois que c’est à moi que reviens la tâche de lui annoncer cela.

Ta Aicha : à toi ? Toi qui as protégé ta fille des années en nous menant en bateau que tu ne savais pas où elle se trouvait

Papa : Aïssatou !

Ta Aicha : ce que je regrette le plus c’est que cette fille soit mon homonyme. Cette honte de la famille.
Je vois papa qui lui lance son regard triste mais il ne peut rien faire parce que les autres semblent être en accord avec elle.

Ta Aicha (me fixant) : ta mère a désiré une chose, que tu retournes dans ton foyer.

Je tique en essayant d’analyser ses mots, un hoquet de surprise quitte mes lèvres avant qu’elles ne se mettent à trembler signe de nervosité.

Moi : non…

Ta Aicha : qu’est-ce que je disais ?

Le brouhaha se soulève dans l’espace du salon, tous semble avoir quelques choses à dire, certains secouent la tête alors que d’autres me pointent du doigt sans sourciller.

Ta Nogaye : Hé !

Tout le monde se tait

Ta Nogaye : ne soyez pas autant surpris, je l’avais bien dit que cette fille ne va jamais changer. N’est-ce pas elle qui a mis la honte sur notre famille il y’a de cela cinq ans ? Donc si elle le refait aujourd’hui ça ne doit pas autant nous surprendre.

Papa : laissez-moi parler avec ma fille…

Il est interrompu par le geste de mon frère aîné que je n’avais pas vu venir avant de sentir le poids de la paume de main sur ma joue. Le bruit est si assourdissant qu’un silence d’aplomb électrise l’atmosphère.

Badara : tu n’as donc rien appris de tes erreurs petite prétentieuse…

Mes larmes me brouillent subitement la vue.

_j’avais cette sensation, tu es une fille égoïste et indigne et tu le seras toute ta vie.

Mon père se lève pour venir lui faire face.

Papa : de quel droit tu te permets de porter main à ma fille ?

Badara : parce que tu continues de la considérer comme ta fille alors quelle est la cause de la mort subite de notre mère ?

Toute l’assemblée semble hypnotisée par ce qu’il est en train de se passer.

Badara : elle a jeté notre nom de famille en pâture causant par la même occasion le déshonneur. Maman ne s’est jamais relevée de cet affront que sa fille unique lui a fait subir. Elle est morte de chagrin et tout ça par sa faute.

Il disait tout cela en me pointant du doigt alors que je suis en train de hoqueter.

Papa : tais-toi !

Badara : il n’est plus l’heure pour ça papa. Ceci a longtemps duré, Benjamine, Assy n’a jamais respecté personne. Elle a toujours été égoïste et impolie. Pour elle seule sa propre personne compte.

Je ferme les yeux, ses mots sont comme des coups de poignard.

Badara : et je ne resterai pas les bras croisés cette fois ci, c’est à elle de choisir. Soit elle retourne dans son foyer soit je jure de la tuer comme elle a tué ma mère.

Je ne peux pas rester là à en écouter plus, je le repousse vite pour courir m’enfermer dans ma chambre.

Ses mots tournent en boucle dans mon esprit. « Comme elle a tué ma mère. » « Comme elle a tué ma mère. » « Comme elle a tué ma mère. »
Suis-je responsable de sa mort ?

Union Sous Haute Tension Où les histoires vivent. Découvrez maintenant