Texte 1 de @Ombrash

36 6 2
                                    

Le ciel était grisâtre. Les feuilles tombèrent une à une, poussées par le vent tel un bateau à voile. C'était une journée d'automne tout à fait classique.

Laura se sentait perdue, sa tête lui faisait un mal de chien. Elle ne saurait dire précisément où elle se trouvait, ni quelle heure il était. Tout ce qu'elle voyait, c'était des arbres, et encore des arbres.

Le souffle du vent la fit frissonner. Bien qu'il fît un froid glacial, elle portait une robe. Une robe rouge pourpre. Et pourtant, Dieu savait qu'elle détestait les robes ! Et le rouge, surtout. Le rouge pourpre...

Que faisait-elle ici ? Elle n'en avait aucune idée. Elle ressentait une envie inexplicable de marcher, sans s'arrêter. Mais pour aller où ? Telle était la question.

Laura sentit une présence. Elle s'arrêta et regarda derrière son épaule, mais ne vit personne. Elle retourna alors sa tête et sursauta : un jeune garçon apparut juste en face d'elle et l'observait. Il était pâle et avait les yeux blancs. Elle vit également du sang sortir de ses oreilles. Mais ce n'était pas tout, sa bouche était tellement grande que, lorsque celle-ci s'ouvrit, l'on ne voyait plus du tout son visage. Quelque chose était en train d'en sortir. Elle voulut hurler mais aucun son ne sortit.

Le jeune garçon avait disparu sans que Laura ne s'en aperçût. Il ne restait plus qu'une étrange silhouette. Elle ne saurait en déterminer l'identité. Elle la voyait nette, mais floue en même temps. Ce n'était ni une femme, ni un homme, mais plutôt une chose. Comme une sorte... d'entité.

Celle-ci semblait vouloir lui dire quelque chose à l'oreille. Laura sentit son souffle près d'elle, pourtant sa voix paraissait lointaine. Elle s'efforça d'écouter, ne serait-ce qu'un seul petit mot.

《...Phare. 》

Phare ?

Ses oreilles étaient en train de lâcher : un bruit irritant se faisait entendre dans sa tête. Elle n'entendait plus rien venant de l'extérieur. Sa vue se troubla. Malgré tout, elle crut voir la chose lui sourire. Ses paupières se refermèrent, l'une après l'autre, sans qu'elle leur en donnât l'autorisation.

Laura se retrouva dans l'eau, sans trop savoir pourquoi. Mais elle n'avait plus de force pour se débattre. Sa respiration devenait faible. Elle lui réclamait de l'air qu'elle ne put lui apporter. Elle laissa l'eau entrer tout doucement dans ses poumons et la tuer à petit feu, jusqu'à la fin.

Une voix soudaine se fit entendre.

Sa bouée.

Oui, ce petit espoir qui lui disait qu'elle était toujours en vie :

— Eh, Laura !

Cette voix masculine la fit sortir du monde des rêves aussi facilement qu'elle en était entrée, et elle en fut soulagée.

Elle ouvrit les yeux et reconnut Julian, ainsi que Noah qui se tenait à côté de lui. Elle regarda autour d'elle, et tout lui revint à l'esprit.

Aujourd'hui, le 11 Novembre 2011, était le jour de son anniversaire et ses deux meilleurs amis du lycée, Noah et Julian, lui avaient donné rendez-vous dans la forêt de la ville, à dix-sept heures, pour profiter de l'occasion. Et, évidemment, ces deux étourdis avaient réussi à arriver en retard, si bien qu'elle avait fini par s'endormir.

— Julian, Noah, c'est pas trop tôt !

— Sorry Laura, tu nous connais, on est toujours à la bourre et même le jour de ton anniversaire. C'est de pire en pire, fit Julian, un grand sourire aux lèvres.

Celui-ci ébouriffa les longs cheveux châtains de son amie, et lui souhaita un joyeux anniversaire avec son plus beau accent. Le jeune anglais était ravi que sa meilleure amie ait enfin dix-huit ans. Noah et lui avaient déjà atteint la majorité depuis un bon bout de temps et attendaient avec impatience le dix-huitième anniversaire de Laura, uniquement pour l'inviter tous les jours en soirée. Cette fois-ci, elle ne pouvait plus trouver d'excuses pour refuser.

Noah lui souhaita également un joyeux anniversaire et ajouta :

— Alors, ça fait quoi d'être enfin majeure ?

— Bah écoute, rien du tout. Ma vie ne s'est pas transformée du jour au lendemain, donc bon...

— Ah bon tu crois ? Alright, c'est nous qui allons la transformer alors. Suis-nous, on t'a concocté un joli petit cadeau, fit Julian, non sans excitation.

Les trois jeunes adultes marchèrent pendant un long moment dans la forêt et s'arrêtèrent près de la rive. La vue sur le Phare de Saint-Australlie était sublime. La nuit tombait rapidement en automne et les lumières du phare rendaient la mer brillante de mille feux. Ils n'avaient jamais rien vu d'aussi beau.

— Alors Laura, impressio....

Noah ne put achever sa phrase, sous le choc face au comportement louche et soudain de Laura. Les deux jeunes hommes regardèrent leur amie avec inquiétude. Celle-ci était obnubilée par la mer : à la vue de ce phare, elle ne le quitta plus des yeux et avança vers la mer sans se contrôler. Elle marchait désormais dans l'eau, le regard livide et toujours fixé sur ce phare si lointain. Elle allait se noyer si elle continuait ainsi.

— Phare..., dit-elle, d'une voix sinistre.

Julian, plus sportif que Noah, accourut vers Laura en maître-nageur et, quand il essaya de lui prendre le bras, il fut projeté à cinq mètres en arrière, près des arbres, sans que personne ne l'eût touché. Pendant cet instant, Laura continuait sa marche, ne se souciant plus de ce qui l'entourait, son seul objectif étant de se rendre coûte que coûte près du phare. Quant à Noah qui demeurait figé devant la rive, il avait intelligemment eut le réflexe de sortir son téléphone de sa poche, prêt à appeler à l'aide en cas d'extrême danger : il savait que Laura avait des troubles psychologiques et il pressentait quelque chose de mauvais. Il tremblait si fort qu'il fit tomber son téléphone au sol.

Non... Ce n'était pas lui qui tremblait. Certes, il avait la chair de poule, mais il ne tremblait pas. Il arrivait à garder son sang froid. C'était à cause de ces choses.. Il les voyait désormais, elles avaient toujours été là.

Ce fameux Phare aux Entités dont il avait vaguement entendu parlé...

Ce jeune garçon qui avait été retrouvé mort dans la mer de Saint-Australlie, il y a plus d'un an...

Il comprit. Il comprit absolument tout. Il voulut prévenir Julian, qui devait être inconscient. Mais il ne savait pas où il avait atterri et il était de toute façon trop tard. Elles l'avaient vu.

Il se mit à courir de toutes ses forces, tentant d'échapper à ces choses obscures, mais sans succès : elles l'avaient rattrapé. Son corps fut violemment poussé dans la mer et du sang coulait à flots de ses oreilles. Pendant un court instant, il repéra Laura, du moins, ce qu'il restait d'elle : une des entités avait étrangement le même regard que son amie.

Ce fut la dernière chose qu'il vit avant de mourir, laissant une couleur rouge pourpre se propager dans la mer.

Concours Saint AustrallieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant