Chapitre 5

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L'arène de Shaoria se situait au nord-est de la ville, juste derrière les remparts séparant la capitale du désert. A cet endroit, la pente montant en direction de la ville haute était plus prononcée : on avait creusé des vestiaires en son flanc tandis que les gradins s'élevaient face à la côte, disposés autour d'une piste sablonneuse en forme de demi-lune. A l'extérieur, la place sobrement dégagée paraissait prise en tenailles entre le mur d'enceinte et la façade de l'arène, composée de trois imposants niveaux d'arches en ogive. Construit en briques enduites pour ressembler à de la pierre, le bâtiment présentait le même style que la porte monumentale qui permettait d'accéder aux beaux quartiers. Aucune fioriture n'ornait les murs et la construction n'en paraissait que plus pesante, conférant à l'endroit une impression d'écrasement qui dissuadait généralement les passants de s'y attarder. Ce jour-là faisait exception. La place habituellement calme était envahie par la foule et encerclée par les échoppes éphémères montées sur des chariots. Les marchands vendaient des en-cas, des boissons et des éventails et n'avaient nul besoin d'alpaguer les clients pour les voir se presser devant leur étal. Chacun se pressait pour acheter de quoi se rafraîchir ou grignoter pendant le premier combat de la saison. Le tournoi commençant par des phases de poules, ce n'était pas l'enjeu qui attirait le public mais bien la popularité de l'événement. Plusieurs écoles d'arts du combat formaient leurs élèves à travers les Terres du Sagre. Chacune avait sa spécialité et présentait ses meilleures recrues à l'occasion du tournoi, garantissant ainsi frissons et adrénaline aux spectateurs. Pour les Sagriens, l'habilité guerrière était une marque de prestige directement liée au culte des ancêtres et à la protection du pays. Celles et ceux qui atteignaient les derniers combats du tournoi acquéraient une reconnaissance considérable qui rejaillissait sur leur école. Les établissements avaient donc à coeur de sélectionner les plus doués parmi leurs élèves venus de tous les clans. Il était convenu que les établissements devaient rester en dehors des questions politiques et de l'influence des clans, afin d'éviter des tensions supplémentaires et des complications malvenues en temps de guerre. Ils admettaient des apprentis de toute classe sociale et le succès de la discipline faisait que la formation des plus jeunes accueillait toujours le maximum de ses capacités. La sélection se faisait au mérite et se corsait au fil des années, ne laissant de place qu'aux meilleurs pour les dernières années d'enseignement. Il n'était pas nécessaire de gravir tous ces échelons pour se faire une place dans le domaine militaire : il y en avait pour tous les niveaux. Toutefois, être sélectionné puis remarqué lors du tournoi permettait de décrocher des postes beaucoup plus en vue. En effet, le public était composé de gens du peuple autant que de membres de l'élite sagrienne. Les derniers combats attiraient généralement les dignitaires de tout le pays et il n'était pas rare que l'un d'eux reparte avec un nouveau garde personnel. Si le public était diversifié, il ne se mélangeait pas pour autant. La classe élevée bénéficiait des places les plus basses des gradins, offrant à la fois la meilleure visibilité sur les combattants et une protection contre les rayons du soleil couchant, les combats se tenant généralement le soir. Plus le rang social baissait, plus l'on prenait de la hauteur dans les degrés de briques. Au niveau de la grand porte sud de l'arène, une double file permettait de faire rentrer simultanément les deux types de spectateurs. Les combattants, eux, étaient déjà dans l'arène depuis le début d'après-midi. Ils y accédaient par la porte nord, de taille plus modeste, qui communiquait avec le quartier militaire de Shaoria. C'était également par là que les invités les plus prestigieux, dont le Laâr, arrivaient sans se mêler à la foule afin de rejoindre la tribune d'honneur.

Pour l'heure, tandis que les abords de l'arène fourmillaient et que les gradins se remplissaient progressivement, les apprentis mercenaires se préparaient dans les loges qui leurs étaient réservées. Creusées dans le flanc de la colline, elles étaient plongées dans une pénombre tout juste dissipée par des puits de lumière et offraient l'avantage d'une relative fraîcheur. Les maîtres avaient briefé leurs élèves une dernière fois et chacun était désormais libre de se reposer, de méditer ou de s'échauffer comme il l'entendait. Quel que soit leur choix, ils étaient tous plongés dans une profonde concentration. Chaque école bénéficiant de son espace, les tentatives d'intimidation n'avaient pas cours avant les combats et la tension qui saturait l'air ne venait que du stress et de l'appréhension. Ces derniers étaient d'ailleurs perçus comme une bonne chose : les recrues apprenaient très jeunes à accepter et canaliser ces émotions pour en faire un atout. Lorsque le brouhaha étouffé provenant des gradins cessa pour faire place au silence, plusieurs personnes se levèrent, redressèrent la tête ou cessèrent de fourbir leurs armes. L'heure du premier combat approchait.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 15, 2020 ⏰

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