Chapitre 2

3 0 0
                                    


« Regardes moi bien Léna, demain ce sera ton tour. Je fais, nous faisons, tu fais. Voici mon enseignement. » Je devais avoir 8 ans à l'époque. J'avais vomi mes tripes à la vue du sang et aussi à la première fois qu'il m'avait fait tenir le petit poignard doré entre mes mains pour entailler moi-même les entrailles de la bête. Je n'avais pas mangé pendant plusieurs jours, trop dégouté d'imaginer le cadavre du petit animal dans mon ventre. Alpha pestait souvent sur mon ancienne vie de princesse, mes parents surprotecteurs et de ne pas m'avoir enseigné la vraie vie. Jamais devant moi, mais je l'entendais quand il pensait que je dormais. Surtout au début. Mais il fallait bien se nourrir et « ma survie est ma priorité ». Avec le temps, nous étions devenus plus silencieux. Il m'avait tout appris. Les hivers s'étaient succédé, les étés aussi. J'avais appris à me battre, à me cacher, à chasser, à lire, réfléchir, prendre confiance en moi. Mon corps s'était développé, des formes étaient apparues et montraient un corps de femme bien musclé. Comme promis, il m'avait appris à survivre. Même si la vie était plus compliquée depuis son départ. Mais ma « survie est ma priorité ». Combien de fois ces paroles m'avaient-elles empêché d'abandonner ? Seule, j'avais beaucoup de choses à faire, peu de temps pour réfléchir. Les journées étaient bien rythmées. Tout d'abord remettre du bois pour le feu, quelques baies pour petit déjeuné. Puis aller chercher du bois pour le feu, aller à la cueillette, chasser, manger, se reposer. Plusieurs fois par semaines, je m'aventurai un peu plus loin pour nager dans un lac, me prélasser et me décrasser. Un jour Alpha m'avait rapporté un parfum de la ville. Que je m'étais bien entendue empressée de mettre. Il avait fait une telle grimace en disant que l'odeur était trop forte et qu'il ne pourrait pas survivre dans un endroit confiné si je devais mettre ça encore une fois. Il m'avait envoyé dans le lac gelé en pleine hiver pour enlever cette odeur. Frigorifié, j'avais été malade pendant plus d'une semaine après ça. Mais j'avais survécu.

Je dois avoir approximativement 19 ans. Mais ça faisait des années que je n'avais pas fêté mon anniversaire. A quoi ça servirait de toute manière. Les fêtes servaient à fêter quelque chose avec quelqu'un et j'étais seule. Il n'y avait plus rien à fêter, juste survivre au jour le jour, lendemain après lendemain. Je tournais entre mes mains le pendentif qui ne me quittait jamais. Une pierre de lune accrochée à une chaine que je pouvais glisser sous ma chemise. La seule chose qui me restait de mon ancienne vie. La chaine arrivait juste en dessous de mon sternum et se logeait parfaitement dans le creux sous mon diaphragme. « Sous aucun prétexte tu ne dois perdre cette chaine, elle est liée à ta nature et ton futur. Un jour elle t'aidera à renouer avec tes origines sans te perdre ». Quand je lui avais demandé de plus amples informations, il m'avait dit que ce n'était pas le moment. Puis chaque autre demande s'était soldée de la même réponse énigmatique.

Le soleil se couchait. Je pris le bidon pour aller chercher de l'eau potable. Une petite rivière passait pas très loin de notre grotte. Nous étions au début du printemps, les jours rallongeaient. J'avais le temps de faire l'aller-retour avant la nuit. Elle était proche d'un sentier qu'empruntaient de temps en temps quelques humains. C'est pour cette raison que je préférais aller chercher l'eau le soir, quand j'étais certaine de ne croiser personne. Je rejoignis rapidement le bord de la grotte. L'entrée était camouflée à l'aide de branchages, lianes et rochers. J'enjambais le tout et remis quelques branches devant l'entrée pour correctement la dissimuler. Prenant le bidon d'une main, j'avançais rapidement à travers les fourrés, recroquevillé et sans laisser de traces. J'évitais de toucher les troncs à côtés desquels je passais et je faisais de petits pas, de tel sorte que je pouvais équilibrer mes pas pour faire le moins de bruit possible. Alpha avait formé une furtive pour ne laisser ni emprunte physique et olfactive. Enfin le moins possible. Un bruit retentit sur ma droite. Je me figeais instantanément. Puis un autre. Me concentrant j'écoutais la forêt. Un groupe d'humain arrivait au loin. Que faisaient-ils encore dehors à cette heure-ci. C'était inhabituel. Mon instinct me soufflait que s'était dangereux. Je regardais vers l'arrière. Est-ce que je devais faire demi-tour ou continuer. Que ferait Alpha ? « L'eau c'est la vie, ne reste jamais sans eau ». Je soupesais le bidon que j'avais encore entre les mains. Il était presque vide. Pas assez pour tenir une journée complète. Je ne pourrais peut être pas y retourner demain, on ne sait jamais de quoi est fait l'avenir et ce groupe semblait encore loin. Je décidais de m'éloigner encore plus du sentier. Je connaissais cette partie de la forêt par cœur, m'éloigner un peu plus ne me faisais pas peur. Je décidais tout de même de laisser quelques traces olfactives pour me repérer. Je pris le petit couteau attaché à ma cheville et j'entaillais à peine mon flanc. Une plaie légère qui ne créait pas de douleur, me permettait de continuer à bouger normalement et qui me permettrait de laisser mon empreinte pour me repérer. Je posais ma paume sur la coupure et récupérais des traces de sang sur mes doigts que j'appliquais sur l'arbre le plus proche ; Oh oui, l'odeur était bien présente, presque trop. Une effluve qui pourrait me suivre mais je voulais pouvoir retrouver la grotte le plus facilement possible. Alpha m'avait déjà perdu dans cette forêt et il m'avait fallu trois jours pour retrouver la grotte. J'aimerais éviter de réitérer l'expérience surtout que j'étais seule à présent. Arrivée proche de la rivière, je regardais autour de moi mais je ne vis personne, la voie était libre. J'allais remplir mon bidon mais pas en entier, je voulais pouvoir courir si quelqu'un m'apercevait. Je repris le chemin en sens inverse. Les humains n'étaient plus présents. Mais qu'elle ne fût pas ma surprise de tomber nez à nez avec un loup en train de faire ses griffes contre l'arbre sur lequel j'avais étalé mon odeur ! 

Loup'bliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant