Chapitre 2

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Je zigzague dans le métro, bouscule les passants, pique des sprints sur les tapis roulants. Si j'ai ce train, cela tiendra du miracle. Je trépigne d'impatience au cours des trois changements de métro, manque de me prendre les pieds dans l'étui à guitare d'un SDF et finis par me cogner contre deux passants qui changent brusquement de direction, leurs nez coincés sur leurs téléphones portables.

— Faites gaffe, hurle l'un d'eux.

Je me retourne, furax :

— Vous êtes en plein milieu du chemin, faites gaffe vous-même !

Je n'écoute pas ses jérémiades en retour et, enfin, me voici à la Gare de Lyon Perrache. La grande verrière se dévoile sous mes yeux. Nous sommes au mois de mai et si la nature a repris du poil de la bête partout étalant sans vergogne ses robes de vert printanier et ses jonquilles jaunes pétantes, le vent s'engouffre avec violence sous la grande verrière et il fait un froid de gueux dans la gare.

Il est midi. Mon train est à midi dix. Pas le temps de zoner à la recherche de cette maudite crème solaire. Je me précipite vers les panneaux d'affichage. Mon regard parcourt rapidement la liste une première fois. Une seconde fois dans l'autre sens de lecture. Je panique. Le train n'est pas annoncé. L'ai-je manqué ? Je pose mon sac au sol et je reprends calmement la lecture. En fait, si. Il y est. Tout en bas.

Mais sans quai.

Bon. La bonne nouvelle, c'est que je vais avoir le temps de m'acheter un pot de crème. La mauvaise, c'est que ce n'était vraiment pas la peine que je courre comme une folle à m'en arracher les poumons car le train est en retard. Quinze minutes.

Devant mes yeux, le grand écran noir s'anime soudain, tournant pendant trente secondes à toute vitesse, avant de ralentir, et de figer à nouveau ses messages en face de chaque promesse de départ. Un clac clac clac qui réveille tous les voyageurs qui se mettent à tendre leur cou vers le tableau, tels des cigognes alsaciennes. Je les vois partir la valise à la main quand les chiffres rouges s'arrêtent sur un numéro de quai. En ce qui me concerne le défilement se stoppe à nouveau sur le même mot retard en face de ma destination : le Puy en Velay, avec cette fois un délai rallongé de trente minutes qui donne envie de se coucher sur l'asphalte pour dormir.

Je me précipite sur le Relay H local, en quête de ma chère crème de protection solaire.

Files de paquets de bonbons colorés, farandoles de MnM's, symphonie de presse people, tsunamis de romans de gare, mais point de crèmes solaire en vue. J'arpente les rayons de long en large, pressée, désespérée, avant de me résoudre à demander l'aide de Farid comme c'est si joliment indiqué sur le badge agrafé sur sa veste verte :

— Bonjour Farid !

L'aide providentielle se retourne et me regarde bizarrement. Suis-je la première à oser l'apostropher par son petit nom ? J'entreprends :

— Vous avez de la crème solaire ?

La réponse fuse :

— En réserve, oui. Quel indice ?

— Quel indice ?

Il faut un indice ? Mince. Farid est certainement le pion machiavélique d'un de ces nouveaux jeux de rôles, un escape game, qui doit faire découvrir les recoins de la gare à des apprentis détectives. Je lui précise avec un clin d'œil complice :

— Je ne fais pas partie du jeu. Je ne connais pas l'indice. Je veux juste acheter de la crème solaire et je ne suis pas là pour jouer... Voyez-vous je suis un peu pressée car c'est une gare ... j'ai un train qui m'attend ! Ce n'est pas vraiment l'endroit pour des devinettes, si vous voyez ce que je veux dire ...

Le mystère de la chaussette jauneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant