Histoire(s) de rêveurs

3. Born this way

C'était un mardi midi, à la cantine d'un lycée du centre de Strasbourg. Théo s'était installé avec ses amis sur une table libre, près d'une fenêtre.

Comme toujours, la pièce était remplie du brouhaha des élèves qui savourent la pause bien méritée de midi, discutant à propos des dernières rumeurs de la vie du lycée.

À la table de Théo, la discussion allait de bon train, mais le jeune homme n'avait aucune idée du sujet de la conversation. Tout ce qui l'importait, c'était le garçon blond assis à quelques tables de lui.

Ryan, lui, était à sa table, avec les autres « populaires », et riait aux blagues de ses amis. Son sourire parfait et ses yeux bleu clairs rieurs faisaient tourner plus d'une tête dans la cantine, mais il ne semblait pas s'en apercevoir, ou tout du moins s'en ficher complètement.

Théo regardait Ryan, s'émerveillait de ses dents blanches, de ses cheveux en bataille, de sa fossette si parfaite. Mais il savait que personne ne devait s'apercevoir de cette contemplation. Personne ne devait remarquer les regards insistants qu'il lançait vers le blond. Sinon, plus jamais on ne le verrait de la même manière.

« Eh Ryan, regarde ça !! » lança soudain une voix aiguë.

« Ce serait pas le petit Théo qui se rince les yeux sur toi là ? »

Théo détourna les yeux, et son ventre se comprima sur lui même. Le plateau qu'il avait devant lui était soudainement très intéressant !

« Mais oui ! Regarde Ryan ! On dirait que t'as un admirateur secret ! » dit une autre voix, qui sembla surpasser le bruit de la cantine.

Un garçon se leva de la table des populaires, et se dirigea vers la table près de la fenêtre.

« Eh, Théo, t'es sur que t'as pas quelque chose à dire à Ryan ? »

De son côté, Ryan était cramoisi. Il se sentait tellement mal d'être le centre de l'attention, et Théo lui faisait beaucoup de peine... Mais il garda sa bouche fermée, et les fesses vissées sur sa chaise. C'était la loi du lycée. On se tait, on laisse les plus forts faire.

Théo était pétrifié. Jamais on ne l'avait regardé avec autant d'incistance. De plus, le jeune homme ne pouvait pas répondre à sa question. Si il disait la vérité, sa vie comme il la connaissait serait perdue, et si il lui mentait, son intégrité personnelle allait en souffrir.

Alors il ne disait rien. Il se taisait et laissait les autres le dévisager, le juger, s'imaginer des choses.

Les secondes s'étiraient, s'allongeaient, devenaient insoutenablement longues, et Théo se creusait la tête pour trouver un moyen de sortir de cette impasse. Après ce qui lui a semblé trois minutes de souffrance, il finit par tourner très légèrement les yeux vers Ryan, toujours assis à quelques mètres de lui.

C'est en voyant les yeux pleins de pitié du jeune homme que Théo sut clairement ce qu'il allait faire. Le regard de Ryan, ce regard bleu qu'il avait désespérément prié croiser un jour, lui a redonné son courage. Pas un courage traditionnel, non, un courage né de la colère. Ryan aurait dû s'interposer. Il aurait dû le défendre, même si il ne ressent pas la même chose. Il aurait dû remettre à leur place ces attardés. Mais il se contentait de le regarder, de la pitié dans les yeux. C'est de ce regard qu'est né le courage de Théo.

Brusquement, le jeune homme leva la tête vers les deux adolescents qui ricanaient, et leur dit, d'un ton de défi :

"Et alors ? C'est pas vos affaires de toute façon, je vois pas en quoi ça vous regarde ! Si ça dérange Ryan, il a qu'a venir me voir lui-même !"

"Mais c'est qu'il sait parler le petit pédé finalement !" répondit un des deux garçons.

"Vous croyez que je suis insulté par ce que vous venez de dire, mais ça fait longtemps que ça veut plus rien dire pour moi. Vous me faites rire quand même, en pensant que me dire ce genre de choses va me faire changer comme par magie... Vous êtes vraiment pathétiques."

Les harceleurs se détournèrent en ricanant toujours, mais plus un mot moqueur n'est sorti de leur bouche. Ils allèrent débarrasser leur plateau, laissant Théo haletant, surpris par lui même mais aussi fier de ce qu'il a eu le courage de dire. Ryan, lui, prenant exemple sur le jeune homme, se dirigea vers sa table, posa son plateau à côté de lui et continua de manger tranquillement son repas, devant les yeux écarquillés de ses camarades et de toute la cantine.
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Voici une histoire assez courte, mais que j'ai beaucoup aimé écrire !! Dites-moi ce que vous en pensez !

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