1. La grotte

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Je dors. D'un sommeil sans rêves et si profond qu'on aurait pu me croire mort. Peut-être le suis-je d'ailleurs.

Tout est néant.

La voix d'une fille me parvient, faible et lointaine.
« Ouvre les yeux, réveille toi... »
Sa voix se fait de plus en plus claire tandis qu'une lumière aveuglante éclate derrière mes paupières closes.
« Réveille toi... Ouvre les yeux, Link. »

Alors j'ouvre les yeux. Je suis allongé dans un bassin de pierre, mon corps est immergé, seul mon visage est à l'air libre.

L'eau disparaît. Je me redresse et balaie du regard l'endroit dans lequel je me trouve. Les murs, le plafond et le sol sont faits de la même sorte de pierre que le bassin, sculptés de motifs abstraits. Au dessus de moi, une masse de pierre descend du plafond, comme un gros stalactite. Lui aussi est sculpté des mêmes motifs, desquels émanent un halo bleuté qui dissipe la pénombre de la pièce. C'est la seule source de lumière. Il n'y a pas d'ouverture, mais ce que je suppose être une porte (bien qu'il n'y ait ni gonds ni poignée) occupe un pan de mur. Il y a aussi, à côté de cette porte, une sorte de socle d'un mètre de hauteur environ dont les sculptures brillent d'une lueur orangée.

Je bascule mes jambes au dessus du rebord du bassin et, lorsque mes pieds touchent le sol, une effrayante sensation s'empare de moi : je ne sais pas où je suis, encore moins comment j'ai pu y arriver. Étais-je mort ou vivant avant d'ouvrir les yeux ? La voix qui a résonné dans mon esprit, était-elle réelle ou le fruit de mon imagination ? Je suis comme une coquille vide qui n'a ni souvenir, ni certitude. L'angoisse m'envahit face à cette terrible réalité : je ne sais même pas qui je suis.

Je m'approche du socle aux sculptures oranges. A peine ma main a-t-elle effleuré sa surface que sa lumière vire au bleu. Un cercle pivote rapidement sur son plateau, comme si un mécanisme se débloquait. Un rectangle plat, un peu plus grand que ma main, se dresse. Il est orné d'un oeil bleu et de motifs oranges.

"Prend cette tablette sheikah... Elle te montrera la voie après ton long sommeil..."

La même voix que tout à l'heure... Je ne l'avais donc pas imaginée.

Le coeur battant, je me saisis de cette tablette. Elle me paraît étrangement familière, sans que j'en ai un souvenir précis... Sa surface s'illumine quelques instants, puis s'éteint. Soudain, le sol tremble. Le pan de mur qui me semblait être une porte coulisse vers le haut et disparaît.

J'accède à un large couloir, toujours sombre et fait de la même pierre sculptée. Il y a de grandes caisses en bois et des tonneaux qui s'effritent. Il y a aussi deux coffres, qui contiennent des vêtements, courts et usés. J'enfile la chemise et le pantalon.

Il y a une autre porte, un autre socle. Je m'en approche mais, cette fois, il ne s'illumine pas au contact de ma peau. La voix de la fille résonne une fois de plus : "Place la tablette sheikah sur le terminal. Laisse-la t'ouvrir la voie..."

Plus je l'entend, plus j'ai l'impression de connaître cette voix, cette femme. Ou plutôt de l'avoir connue, puisque je n'ai aucun souvenir de rien. Je suis néanmoins ses conseils, et approche la tablette du terminal. Il s'illumine de bleu et une voix mécanique m'indique : "Vérification de la tablette sheikah. Ouverture."

Un oeil semblable à celui de la tablette brille sur la porte. Elle s'ouvre.

Une grande lumière dorée inonde le souterrain, la lumière du jour. Mes yeux brûlent, aveuglés par cette clarté.

"Tu es notre lumière, celle qu'Hyrule avait perdue... Va, mets-toi en route." Cette voix résonne en moi, plus que dans mes oreilles. J'ai connu cette fille, c'est maintenant une certitude. Pourtant, je ne m'en rappelle pas.

Je m'avance vers cette lumière, de plus en plus impatient. J'escalade un rocher qui me barre le chemin, je monte des escaliers et je débouche, enfin, sur l'extérieur. Je m'élance dans l'herbe verte et haute, qui ondule sous le vent et brille au soleil. Je cours jusqu'à une avancée rocheuse, et je suis pris de vertige. Pas par la hauteur du promontoire, mais par l'immensité du paysage qui s'étend devant moi : à mes pieds, une forêt ; au loin, des montagnes immenses et enneigées, un volcan rougeoyant, des plaines vertes et un château majestueux. A quelques centaines de mètres, une cathédrale en ruine.

J'ai le souffle coupé. Je tourne sur moi-même et jette un regard à l'entrée du souterrain d'où je viens, si sombre et étriqué, lieu de mystère. Je n'y trouverais plus de réponses à mes questions. En revanche, je devine qu'en explorant ce monde vaste et lumineux je pourrais découvrir la clé de mon existence, et qui sait, de mon passé.

HÉROS D'HYRULE [Zelda BotW]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant